L art de la feinte à la Renaissance : le système des rimes dans les Sonnets de Louise Labé - article ; n°1 ; vol.3, pg 131-175
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L'art de la feinte à la Renaissance : le système des rimes dans les Sonnets de Louise Labé - article ; n°1 ; vol.3, pg 131-175

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Description

Seizième Siècle - Année 2007 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 131-175
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 58
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Philippe Selosse
L'art de la feinte à la Renaissance : le système des rimes dans
les Sonnets de Louise Labé
In: Seizième Siècle, N°3, 2007. pp. 131-175.
Citer ce document / Cite this document :
Selosse Philippe. L'art de la feinte à la Renaissance : le système des rimes dans les Sonnets de Louise Labé. In: Seizième
Siècle, N°3, 2007. pp. 131-175.
doi : 10.3406/xvi.2007.923
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvi_1774-4466_2007_num_3_1_923Siècle - 2007 - N° 3 p. 131-175 Seizième
L'ART DE LA FEINTE A LA RENAISSANCE
LE SYSTÈME DES RIMES DANS
LES SONNETS DE LOUISE LABÉ
1 Introduction
1.1. Le concept d 'épistémè
Dans Les mots et les choses, Foucault désigne par épistémè « le champ
épistémologique où les connaissances, envisagées hors de tout critère se
référant à leur valeur rationnelle ou à leurs formes objectives, enfoncent
leur positivite et manifestent ainsi une histoire qui n'est pas celle de leur
perfection croissante, mais plutôt celle de leurs conditions de possibilité »,
autrement dit « les espaces du savoir, les configurations qui ont donné lieu
aux formes diverses de la connaissance empirique »'. La mise en applica
tion de ce concept chez Foucault pose deux problèmes. Le premier est que
l' épistémè telle qu'il la conçoit coïncide étroitement avec la configuration
du savoir d'une sphère culturelle, correspondant grossièrement à ce que
l'on appellerait aujourd'hui communauté scientifique - c'est là, d'une part
admettre l'opposition entre pensée populaire et pensée scientifique, et
d'autre part, délaisser complètement le champ du savoir que constituent les
arts en tant que ceux-ci ne relèvent pas de la connaissance empirique. Le
second problème réside dans l'hypothèse faite par Foucault d'une dis
continuité forte entre les épistémès, en particulier entre celle de la Renais
sance, analogique et en réseau, et celles ultérieures, rationnelles - hypo
thèse qui revient, indirectement, à rejeter Y épistémè de la Renaissance
dans la pensée populaire et, paradoxalement, à évaluer et hiérarchiser les
épistémès, les dernières chronologiquement constituant un progrès par rap
port à la première. Pour conserver au concept la neutralité de sa définition
(ni téléologique, ni positiviste), cet article le reprend mais en le modifiant
de deux manières : premièrement, en l'étendant à toute forme de pensée
et à toute forme de savoir ; deuxièmement, en lui ôtant toute dimension
évaluative. On se fondera alors sur deux hypothèses.
Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1990, p. 13. PHILIPPE SELOSSE 132
La première, relativiste, est que les structures inconscientes à l'origine
de la configuration d'un savoir, quel qu'il soit, possèdent toutes une comp
lexité qui mérite un intérêt égal d'un point de vue cognitif. Le premier
but de cet article est donc de révéler la complexité de ces structures dans
une épistémè qui a généralement été ramenée au niveau d'une préscienti-
ficité - celle de la Renaissance - et de les dégager à partir d'un domaine
d'
négligé en termes - celui de la « littérature », en l'occurrence épistémè
les Sonnets de Louise Labé2.
La deuxième hypothèse, déterministe, est que la structure profonde
d'une épistémè ainsi conçue détermine la forme de production d'une
œuvre ; autrement dit, la spécificité même d'une œuvre, qui paraît résul
ter d'une configuration de pensée individuelle et originale, manifeste sur
tout une structure épistémique collective. Le deuxième but de cet article
est donc de montrer que certaines particularités structurales de l'œuvre
s'expliquent et s'éclairent à partir des caractéristiques de Y épistémè de la
Renaissance qu'on retrouve dans d'autres types de discours, comme celui
du savoir sur les plantes3.
L'approche épistémique présente alors, me semble-t-il, deux avantages.
D'une part, en inscrivant la création individuelle d'une œuvre littéraire
dans Y épistémè d'une époque, elle lui rend sa juste proportion ; en cela,
elle s'oppose à une certaine tradition qui privilégie l'individu sur le
contexte et qui court continuellement le risque d'attribuer à un auteur un
caractère générique, qui est en fait applicable à tous, parce qu'il relève de
la configuration du savoir d'un moment donné - nous verrons ainsi que
les structures mises au jour chez Labé se retrouvent chez d'autres auteurs
de la Renaissance, quoiqu'exploitées diversement selon ces auteurs (infra,
section 5). D'autre part, en inscrivant la création individuelle d'une œuvre
littéraire dans une épistémè spécifique, elle lui rend sa spécificité en l'op
posant aux créations littéraires relevant de V épistémè d'une autre époque,
antérieure ou postérieure ; en cela, elle s'oppose à l'approche classique qui
dilue les caractéristiques d'une œuvre dans des universaux - par exemple
en définissant le sonnet comme un genre littéraire et en lui donnant une
définition catégorielle immuable qui transcende les épistémès.
L'édition de référence sera celle de 1556 (Louise Labé, Euures, Lion, Ian de Tournes,
1556) - mais je tiendrai aussi compte de l'édition princeps (Louise Labé, Euures, Lion,
Ian de Tournes, 1555) et de l'édition critique moderne de François Rigolot (Louise Labé,
Œuvres complètes, Paris, GF-Flammarion n° 413, 1986).
Voir Philippe Selosse, « La théorie de l'éponymie en botanique à la Renaissance », in
L'écriture du texte scientifique, Claude Thomasset éd., Presses de l'Université Paris-Sor-
bonne, Cultures et civilisations médiévales, n° 35, 2006, p. 265-278. L'ART DE LA FEINTE A LA RENAISSANCE J 33
1 .2. Les structures de /'épistémè de la Renaissance
Comme annoncé plus haut, il sera intéressant de partir de structures de
Y épistémè de la Renaissance déjà mises en évidence4 pour analyser les
Sonnets de Labé et voir s'ils procèdent de ces structures, et dans quelle
mesure. Parmi les structures épistémiques de la Renaissance, j'en distin
gue deux qui possèdent une très grande récurrence :
(i) la première est un principe externe de structuration qui régit la pro
gression d'un élément à un autre par un glissement continu reposant sur
la « similitude » (terme d'usage alors fréquent). Ce principe de progres
sion structure les éléments de telle sorte que tout élément rappelle le pré
cédent et annonce déjà en soi le suivant : tout est à la fois iden
tique au précédent et différent de celui-ci, identique au suivant et différent
de celui-ci ;
(ii) la seconde est un principe interne de structuration qui régit les rela
tions existant au sein d'un ensemble d'éléments. Ce principe relationnel
structure les éléments en ce que tout élément se trouve « correspondre »
par diverses similitudes à un autre existant dans l'ensemble - ce
dernier pouvant, en raison d'autres similitudes, « correspondre » lui-même
à un autre élément, etc. De la sorte, les éléments distants se trouvent cor
respondre les uns aux autres et produire une unité dans leur diversité
même.
Pour étudier ces deux structures dans les Sonnets, y ai choisi de porter
mon attention sur un aspect paradoxalement peu étudié dans cette œuvre :
la rime. Je l'examinerai d'abord en tant que principe de structuration
externe, fondé sur l'alternance générique (rimes masculines et féminines)
et la disposition dans le sizain (marotique, française...), puis en tant que
principe de structuration interne, construit sur l'identité et l'ampleur des
homophonies5.
Voir Philippe Selosse, « Die botanische Nomenklatur der Renaissance im Licht ihrer
Episteme », in Zeitschrift fur romanische Philologie, 2007, n° 123/2, 24 p.
Pour une étude historique du sonnet ou du vers en général, voir Yvonne Bellenger (éd.

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