Le rôle de la mer dans la formation de l unité française - article ; n°4 ; vol.131, pg 699-708
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1987 - Volume 131 - Numéro 4 - Pages 699-708
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 16
Langue Français

Extrait

Michel Mollat du Jourdin
Le rôle de la mer dans la formation de l'unité française
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 131e année, N. 4, 1987. pp. 699-
708.
Citer ce document / Cite this document :
Mollat du Jourdin Michel. Le rôle de la mer dans la formation de l'unité française. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 131e année, N. 4, 1987. pp. 699-708.
doi : 10.3406/crai.1987.14549
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1987_num_131_4_14549LE ROLE DE LA MER DANS LA FORMATION
DE L'UNITÉ FRANÇAISE
PAR
M. MICHEL MOLLAT DU JOURDIN
MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Le chroniqueur de Philippe Auguste, Guillaume le Breton, prête
à son héros ce mot désabusé : « Les Français connaissent mal les
voies de la mer ». Ce propos était-il une constatation ? exprimait-il
une part de déception ? Quoi qu'il en soit, il résume une attitude
durable sans doute, mais dont il faudrait mesurer les causes, l'éten
due et la durée. On y perçoit un paradoxe. L'identité de la France,
pour reprendre une formule de Fernand Braudel, est celle d'une
nation terrienne, viscéralement attachée à son sol, dont la propens
ion à l'aventure maritime apparaît limitée à quelques hommes,
incompris du plus grand nombre. Pourtant, sur une carte du monde,
notre pays se présente à l'extrémité occidentale de la masse eura-
siatique, comme une péninsule projetée vers l'immensité océanique.
La France dispose ainsi d'un littoral ouvert sur quatre mers dont les
caractères hydrologiques, halieutiques, économiques et stratégiques
sont différents et complémentaires, riches de sollicitations. La France
ne tourne donc pas, naturellement, le dos à la mer, bien que le
silence des historiens des frontières ignore souvent l'existence des
rivages marins. La France, il est vrai, n'a jamais proclamé que ses
frontières maritimes étaient les côtes de ses ennemis.
Ces sollicitations, aussi variées que celles du continent auquel la
France est soudée, la contraignent, encore de nos jours, à des choix
dont un historien espagnol a résumé les données en ces termes :
« Un impératif géographique n'est pas un don gratuit, mais une
mission à réaliser, qui requiert effort et ténacité et ne peut être
menée à bien qu'au prix du renoncement à d'autres possibilités ».
Cette réflexion appliquée au Moyen Âge français permet de mieux
comprendre les lenteurs, les hésitations, les épreuves qui ont scandé
les avatars de la relation de la royauté capétienne, et des Français,
avec la mer au long du Moyen Âge. COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 700
II semble possible d'y discerner trois étapes. La première fut
caractérisée, au xme siècle surtout, par une rapide extension du
Domaine royal au long des côtes. Par voie de conséquence, cet accès
à la mer et les problèmes nés de la défense du littoral ont contribué
au développement des organes de l'État, surtout au xive siècle. En
même temps, s'ébauchait une timide prise de conscience de l'impor
tance de la mer sur Je plan national.
1. La royauté capétienne prend pied sur les côtes
Avant le xme siècle, les Capétiens accordèrent fort peu d'atten
tion à la mer. Les premiers d'entre eux ne la virent, peut-être,
jamais et ceux de leurs successeurs qui osèrent s'embarquer n'en
gardèrent pas, sans doute, d'agréables souvenirs. Louis VII ne se
résigna à prendre la mer à son retour de la deuxième croisade que
pour gagner du temps, et il connut les désagréments d'une agression
byzantine. Son fils, Philippe Auguste fit par mer, à l'aller et au retour,
le « passage » de la Terre Sainte ; mais il eut le mal de mer et on le
décrit arrivant à Messine « pâle et défait ». Plus tard, il devait
laisser à son fils Louis les inconvénients de la traversée de la Manche.
A vrai dire, jusqu'à ce moment les intérêts maritimes capétiens
étaient très minces. Le domaine dont Philippe Auguste hérita
touchait la Manche par une fenêtre étroite, en Picardie. Il la devait
au fils même d'Hugues Capet ; Robert avait compris l'utilité de garder
Montreuil, douaire de sa femme, Rosala-Suzanne, lorsqu'il la répu
dia en 994, après un an de mariage. Sans doute, la Somme et la
Canche, ainsi que les ports de Saint- Valéry et du Crotoy n'étaient
pas dépourvus de quelques revenus fiscaux tirés du commerce ; le
Ponthieu offrait surtout l'avantage de s'insérer en coin entre le
duché de Normandie et le comté de Flandre, mais cet avantage était
secondaire dans un processus essentiellement terrien et féodal.
Alors commençait l'extension, extrêmement rapide, qui, en moins
de cinquante ans, fit entrer sous le contrôle capétien une partie
considérable du littoral français. Le coup d'envoi fut donné en 1204
par le « déshéritement » de Jean sans Terre pour félonie envers son
seigneur, le roi de France. Effectuée en priorité, la mainmise sur la
Normandie donnait à ce dernier la totalité du rivage entre la Bresle
et le Couesnon ; l'acquisition du port de Rouen dégagea Paris d'une
hypothèque sur la sécurité et l'économie de la capitale. L'urgence
était sur les rives de la Manche. En revanche, la temporisation pru
dente de Philippe Auguste laissant à son fils la tâche de prendre pied
en Aunis et en Saintonge, notamment à La Rochelle en 1224,
s'explique par la conception qu'avait le roi des dimensions de la RÔLE DE LA MER ET UNITÉ FRANÇAISE 701
France : « ce pays, écrivait-il, est si retiré et si éloigné qu'il ne peut
y aller lui-même ». Ainsi s'explique la solution d'attente trouvée en
1241 dans la constitution d'une principauté — un apanage avant la
formule — en faveur d'Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis ;
de cette façon, une transition entre l'indépendance des pays aqui
tains et leur union au Domaine implantait, aux moindres frais, le
contrôle capétien sur la partie centrale des côtes atlantiques de
la France.
La Rochelle, en effet, occupe une position-clé entre le cap Finis-
terre en Galice et les pointes de la Bretagne. La diffusion interna
tionale du recueil de jurisprudence connu sous le titre de Rôles
d'Oleron atteste l'importance de ce secteur dans le grand commerce de
ce temps. Les marchands italiens, génois notamment, ne s'y étaient
pas trompés; l'isthme aquitain leur avait permis d'y venir, par
Narbonne et Cahors, bien avant de mener leurs galères par Gibral
tar au terme du xme siècle. Surtout, en s'installant sur les côtes
d'Aunis et de Saintonge, le capétien pouvait intercepter les commun
ications maritimes entre l'Angleterre et Bordeaux. En effet, selon
une judicieuse observation d'Yves Renouard, le centre de gravité
de l'empire Plantagenet se situait quelque part en mer, au large de
la Bretagne. I dol n'estnc pas interdit de penser que la considération
de la situation géographique des côtes bretonnes se soit ajoutée aux
intérêts majeurs d'ordre féodal et politique qui poussèrent Philippe
Auguste à soustraire la Bretagne à l'influence anglaise. En confiant
la « garde » du duché, après l'assassinat d'Arthur de Bretagne, à un
sien cousin, un capétien, Pierre Mau clerc, le roi de France pouvait
espérer que la nouvelle dynastie se prêterait à surveiller, voire à
intercepter les navires anglais passant dans les « ras » et escalant
dans les rivières bretonnes.
Le « déshéritement » de Jean sans Terre avait été l'occasion de
l'extension du Domaine royal vers la Manche et l'Atlantique, celui
de Raymond VII de Toulouse permit d'acquérir sur la Méditerranée
une fenêtre et plus tard un balcon. Au terme d'une patiente pro
gression des Capétiens pour renouer les liens distendus de la royauté
avec les seigneurs du Midi, le dénouement de l'affaire albigeoise en
1229 accorda au Domaine royal la frange littorale de la Sénéchaussée
de Beaucaire. Une dizaine de kilomètres offrait l'espace suffisant

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