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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 11 |
EAN13 | 9782824710266 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LOU IS LAMBERT
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LOU IS LAMBERT
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1026-6
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LOU IS LAMBERT
Et nunc et semp er dile ctae dicatum.
L , en 1797, à Montoir e , p etite ville du V
endômois, où son pèr e e xploitait une tannerie de mé dio cr e im-L p ortance et comptait fair e de lui son successeur ; mais les
disp ositions qu’il manifesta prématurément p our l’étude mo difièr ent l’ar rêt
p ater nel. D’ailleur s le tanneur et sa femme chérissaient Louis comme on
chérit un fils unique et ne le contrariaient en rien. L’ Ancien et le
Nouv e au T estament étaient tombés entr e les mains de Louis à l’âg e de cinq
ans ; et ce liv r e , où sont contenus tant de liv r es, avait dé cidé de sa
destiné e . Cee enfantine imagination comprit-elle déjà la my stérieuse pr
ofondeur des Écritur es, p ouvait-elle déjà suiv r e l’Esprit-Saint dans son v ol
à trav er s les mondes, s’éprit-elle seulement des r omanesques araits qui
ab ondent en ces p oèmes tout orientaux ; ou, dans sa pr emièr e inno cence ,
cee âme sy mp athisa-t-elle av e c le sublime r eligieux que des mains
divines ont ép anché dans ce liv r e ! Pour quelques le cteur s, notr e ré cit
résoudra ces questions. Un fait résulta de cee pr emièr e le ctur e de la Bible :
Louis allait p ar tout Montoir e , y quêtant des liv r es qu’il obtenait à la
fa1Louis Lamb ert Chapitr e
v eur de ces sé ductions dont le se cr et n’app artient qu’aux enfants, et
auxquelles p er sonne ne sait résister . En se liv rant à ces études, dont le cour s
n’était dirig é p ar p er sonne , il aeignit sa dixième anné e . A cee ép o que ,
les r emplaçants étaient rar es ; déjà plusieur s familles riches les r etenaient
d’avance p our n’ en p as manquer au moment du tirag e . Le p eu de fortune
des p auv r es tanneur s ne leur p er meant p as d’acheter un homme à leur
fils, ils tr ouvèr ent dans l’état e cclésiastique le seul mo y en que leur laissât
la loi de le sauv er de la conscription, et ils l’ env o yèr ent, en 1807, chez son
oncle mater nel, curé de Mer , autr e p etite ville situé e sur la Loir e , près de
Blois. Ce p arti satisfaisait tout à la fois la p assion de Louis p our la science
et le désir qu’avaient ses p ar ents de ne p oint l’ e xp oser aux hasards de la
guer r e . Ses g oûts studieux et sa pré co ce intellig ence donnaient d’ailleur s
l’ esp oir de lui v oir fair e une grande fortune dans l’Église . Après êtr e r esté
p endant envir on tr ois ans chez son oncle , vieil oratorien assez instr uit,
Louis en sortit au commencement de 1811 p our entr er au collég e de V
endôme , où il fut mis et entr etenu aux frais de madame de Staël.
Lamb ert dut la pr ote ction de cee femme célèbr e au hasard ou sans
doute à la Pr o vidence qui sait toujour s aplanir les v oies au g énie délaissé .
Mais p our nous, de qui les r eg ards s’ar rêtent à la sup erficie des choses
humaines, ces vicissitudes, dont tant d’ e x emples nous sont offerts dans la
vie des grands hommes, ne semblent êtr e que le résultat d’un phénomène
tout phy sique ; et, p our la plup art des biographes, la tête d’un homme de
g énie tranche sur une masse de figur es enfantines comme une b elle plante
qui p ar son é clat air e dans les champs les y eux du b otaniste . Cee
comp araison p our rait s’appliquer à l’av entur e de Louis Lamb ert : il v enait
ordinair ement p asser dans la maison p ater nelle le temps que son oncle lui
accordait p our ses vacances ; mais au lieu de s’y liv r er , selon l’habitude
des é colier s, aux douceur s de ce b on farniente qui nous affriole à tout âg e ,
il emp ortait dès le matin du p ain et des liv r es ; puis il allait lir e et mé diter
au fond des b ois p our se dér ob er aux r emontrances de sa mèr e , à laquelle
de si constantes études p araissaient dang er euses. A dmirable instinct de
mèr e ! Dès ce temps, la le ctur e était de v enue chez Louis une espè ce de
faim que rien ne p ouvait assouvir : il dé v orait des liv r es de tout g enr e ,
et se r ep aissait indistinctement d’ œuvr es r eligieuses, d’histoir e , de
philosophie et de phy sique . Il m’a dit av oir épr ouvé d’incr o yables délices en
2Louis Lamb ert Chapitr e
lisant des dictionnair es, à défaut d’autr es ouv rag es, et je l’ai cr u v
olontier s. el é colier n’a maintes fois tr ouvé du plaisir à cher cher le sens
pr obable d’un substantif inconnu ? L’analy se d’un mot, sa phy sionomie ,
son histoir e étaient p our Lamb ert l’ o ccasion d’une longue rê v erie . Mais ce
n’était p as la rê v erie instinctiv e p ar laquelle un enfant s’habitue aux
phénomènes de la vie , s’ enhardit aux p er ceptions ou morales ou phy siques ;
cultur e inv olontair e , qui plus tard p orte ses fr uits et dans l’ entendement
et dans le caractèr e ; non, Louis embrassait les faits, il les e xpliquait après
en av oir r e cher ché tout à la fois le princip e et la fin av e c une p er spicacité
de sauvag e . A ussi, p ar un de ces jeux effrayants aux quels se plaît p arfois
la Natur e , et qui pr ouvait l’anomalie de son e xistence , p ouvait-il dès l’âg e
de quator ze ans émer e facilement des idé es dont la pr ofondeur ne m’a
été ré vélé e que long-temps après.
― Souv ent, me dit-il, en p arlant de ses le ctur es, j’ai accompli de
délicieux v o yag es, embar qué sur un mot dans les abîmes du p assé , comme
l’inse cte qui floe au gré d’un fleuv e sur quelque brin d’herb e . Parti de la
Grè ce , j’ar rivais à Rome et trav er sais l’étendue des âg es mo der nes. el
b e au liv r e ne comp oserait-on p as en racontant la vie et les av entur es d’un
mot ? sans doute il a r e çu div er ses impr essions des é vénements aux quels
il a ser vi ; selon les lieux il a ré v eillé des idé es différ entes ; mais n’
estil p as plus grand encor e à considér er sous le triple asp e ct de l’âme , du
cor ps et du mouv ement ? A le r eg arder , abstraction faite de ses
fonctions, de ses effets et de ses actes, n’y a-t-il p as de quoi tomb er dans un
o cé an de réfle xions ? La plup art des mots ne sont-ils p as teints de l’idé e
qu’ils r eprésentent e xtérieur ement ? à quel g énie sont-ils dus ! S’il faut
une grande intellig ence p our cré er un mot, quel âg e a donc la p ar ole
humaine ? L’assemblag e des ler es, leur s for mes, la figur e qu’ elles donnent
à un mot, dessinent e x actement, suivant le caractèr e de chaque p euple ,
des êtr es inconnus dont le souv enir est en nous. i nous e xpliquera
philosophiquement la transition de la sensation à la p ensé e , de la p ensé e
au v erb e , du v erb e à son e xpr ession hiér ogly phique , des hiér ogly phes à
l’alphab et, de l’alphab et à l’élo quence é crite , dont la b e auté réside dans
une suite d’imag es classé es p ar les rhéteur s, et qui sont comme les hiér
ogly phes de la p ensé e ? L’antique p eintur e des idé es humaines configuré es
p ar les for m