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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 15 |
EAN13 | 9782824710327 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
MODEST E MIGNON
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
MODEST E MIGNON
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1032-7
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.MODEST E MIGNON
A U N E ÉT RANGÈRE.
Fille d’une ter r e esclav e , ang e p ar l’amour , démon p ar la
fantaisie , enfant p ar la foi, vieillard p ar l’ e xp érience , homme
p ar le cer v e au, femme p ar le cœur , g é ant p ar l’ esp érance ,
mèr e p ar la douleur et p oète p ar tes rê v es ; à toi, qui es encor e
la Be auté , cet ouv rag e où ton amour et ta fantaisie , ta foi, ton
e xp érience , ta douleur , ton esp oir et tes rê v es sont comme les
chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la
p o ésie g ardé e dans ton âme , et dont les e xpr essions visibles
sont comme ces caractèr es d’un lang ag e p erdu qui
pré o ccup ent les savants.
DE BALZA C.
du mois d’ o ctobr e 1829, monsieur Simon Bab ylas
Latour nelle , un notair e , montait du Hav r e à Ing ouville , brasV dessus bras dessous av e c son fils, et accomp agné de sa femme ,
près de laquelle allait, comme un p ag e , le pr emier cler c de l’Étude , un p etit
b ossu nommé Je an Butscha. and ces quatr e p er sonnag es, dont deux au
moins faisaient ce chemin tous les soir s, ar rivèr ent au coude de la r oute
qui tour ne sur elle-même comme celles que les Italiens app ellent des
cor1Mo deste Mignon Chapitr e
niches , le notair e e x amina si p er sonne ne p ouvait l’é couter du haut d’une
ter rasse , en ar rièr e ou en avant d’ eux, et il prit le mé dium de sa v oix p ar
e x cès de pré caution.
― Exupèr e , dit-il à son fils, tâche d’ e x é cuter av e c intellig ence la p
etite manœuv r e que je vais t’indiquer , et sans en r e cher cher le sens ; mais
si tu le de vines, je t’ ordonne de le jeter dans ce Sty x que tout notair e
ou tout homme qui se destine à la magistratur e doit av oir en lui-même
p our les se cr ets d’autr ui. Après av oir présenté tes r esp e cts, tes de v oir s
et tes hommag es à madame et mademoiselle Mignon, à monsieur et
madame Dumay , à monsieur Gob enheim s’il est au Chalet ; quand le silence
se sera rétabli, Dumay te pr endra dans un coin ; tu r eg
arderas av e c curiosité ( je te le p er mets) mademoiselle Mo deste p endant tout
le temps qu’il te p arlera. Mon digne ami te priera de sortir et d’aller te
pr omener , p our r entr er au b out d’une heur e envir on, sur les neuf heur es,
d’un air empr essé ; tâche alor s d’imiter la r espiration d’un homme
essoufflé , puis tu lui diras à l’ or eille , tout bas, et né anmoins de manièr e à ce que
mademoiselle Mo deste t’ entende : ― Le jeune homme arrive !
Exupèr e de vait p artir le lendemain p our Paris, y commencer son
Dr oit. Ce pr o chain dép art avait dé cidé Latour nelle à pr op oser à son ami
Dumay son fils p our complice de l’imp ortante conspiration que cet ordr e
p eut fair e entr e v oir .
― Est-ce que mademoiselle Mo deste serait soup çonné e d’av oir une
intrigue ? demanda Butscha d’une v oix timide à sa p atr onne .
― Chut ! Butscha, rép ondit madame Latour nelle en r epr enant le bras
de son mari.
Madame Latour nelle , fille du gr effier du tribunal de pr emièr e instance
se tr ouv e suffisamment autorisé e p ar sa naissance à se dir e issue d’une
famille parlementaire . Cee prétention indique déjà p our quoi cee femme ,
un p eu tr op coup er osé e , tâche de se donner la majesté du tribunal dont les
jug ements sont griffonnés p ar monsieur son pèr e . Elle pr end du tabac, se
tient r oide comme un pieu, se p ose en femme considérable , et r essemble
p arfaitement à une momie à laquelle le g alvanisme aurait r endu la vie
p our un instant. Elle essay e de donner des tons aristo cratiques à sa v oix
aigr e ; mais elle n’y réussit p as plus qu’à couv rir son défaut d’instr uction.
Son utilité so ciale semble incontestable à v oir les b onnets ar més de fleur s
2Mo deste Mignon Chapitr e
qu’ elle p orte , les tour s tap és sur ses temp es, et les r ob es qu’ elle choisit.
Où les mar chands placeraient-ils ces pr o duits, s’il n’ e xistait p as des
madame Latour nelle ? T ous les ridicules de cee digne femme ,
essentiellement charitable et pieuse , eussent p eut-êtr e p assé pr esque inap er çus ;
mais la natur e , qui plaisante p arfois en lâchant de ces cré ations faloes,
l’a doué e d’une taille de tamb our-major , afin de mer e en lumièr e les
inv entions de cet esprit pr o vincial. Elle n’ est jamais sortie du Hav r e , elle
cr oit en l’infaillibilité du Hav r e , elle achète tout au Hav r e , elle s’y fait
habiller ; elle se dit Normande jusqu’au bout des ongles , elle vénèr e son pèr e
et ador e son mari. Le p etit Latour nelle eut la hardiesse d’ép ouser cee
fille ar rivé e à l’âg e anti-matrimonial de tr ente-tr ois ans, et sut en av oir
un fils. Comme il eut obtenu p artout ailleur s les soix ante mille francs de
dot donnés p ar le gr effier , on aribua son intrépidité p eu commune au
désir d’é viter l’invasion du Minotaur e , de laquelle ses mo y ens p er
sonnels l’ eussent difficilement g aranti, s’il avait eu l’impr udence de mer e
le feu chez lui, en y meant une jeune et jolie femme . Le notair e avait
tout b onnement r e connu les grandes qualités de mademoiselle Agnès ( elle
se nommait Agnès), et r emar qué combien la b e auté d’une femme p asse
pr omptement p our un mari. ant à ce jeune homme insignifiant, à qui
le gr effer imp osa son nom nor mand sur les fonts, madame Latour nelle
est encor e si sur prise d’êtr e de v enue mèr e , à tr ente-cinq ans sept mois,
qu’ elle se r etr ouv erait des mamelles et du lait p our lui, s’il le fallait, seule
hy p erb ole qui puisse p eindr e sa folle mater nité .
― Comme il est b e au, mon fils !. . . disait-elle à sa p etite amie Mo deste
en le lui montrant, sans aucune ar rièr e-p ensé e , quand elles allaient à la
messe et que son b el Eugène mar chait en avant.
― Il v ous r essemble , rép ondait Mo deste Mignon comme elle eût dit :
el vilain temps !
La silhouee de ce p er sonnag e , très-accessoir e , p araîtra né cessair e en
disant que madame Latour nelle était depuis envir on tr ois ans le chap er on
de la jeune fille à laquelle le notair e et Dumay son ami v oulaient tendr e
un de ces piég es app elés souricières dans la P hy siologie du Mariag e .
ant à Latour nelle , figur ez-v ous un b on p etit homme , aussi r usé que
la pr obité la plus pur e le p er met, et que tout étrang er pr endrait p our un
frip on à v oir l’étrang e phy sionomie à laquelle le Hav r e s’ est habitué . Une
3Mo deste Mignon Chapitr e
v ue , dite tendr e , for ce le digne notair e à p orter des lunees v ertes p our
conser v er ses y eux, constamment r oug es. Chaque ar cade sour cilièr e ,
orné e d’un duv et assez rar e , dép asse d’une ligne envir on l’é caille br une du
v er r e en en doublant en quelque sorte le cer cle . Si v ous n’av ez p as obser vé
déjà sur la figur e de quelque p assant l’ effet pr o duit p ar ces deux cir
confér ences sup er p osé es et sép aré es p ar un vide , v ous ne sauriez imaginer
combien un p ar eil visag e v ous intrig