Au seuil de la métaphysique : abstraction ou intuition (suite) - article ; n°22 ; vol.31, pg 121-147
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1929 - Volume 31 - Numéro 22 - Pages 121-147
27 pages

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Publié le 01 janvier 1929
Nombre de lectures 23
Langue Français
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Extrait

Joseph Maréchal
Au seuil de la métaphysique : abstraction ou intuition (suite)
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 31° année, Deuxième série, N°22, 1929. pp. 121-147.
Citer ce document / Cite this document :
Maréchal Joseph. Au seuil de la métaphysique : abstraction ou intuition (suite). In: Revue néo-scolastique de philosophie. 31°
année, Deuxième série, N°22, 1929. pp. 121-147.
doi : 10.3406/phlou.1929.2536
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1929_num_31_22_2536VI
AU SEUIL DE LA MÉTAPHYSIQUE!
ABSTRACTION OU INTUITION
(Suite *)
II. — Quelques enseignements de l'histoire
Peut-être vous souvenez-vous, Messieurs, de l'orientation
que prenait, vers la fin de la Leçon précédente, l'explora
tion un peu timide encore, que nous faisions des abords de
la métaphysique. En triant les hypothèses explicatives,
nous fûmes amenés tout naturellement à confronter les
deux tendances élémentaires entre lesquelles se partagent,
et se partageront sans doute toujours, les philosophies
dignes de ce nom : je veux dire (excusez-moi de rééditer
un cliché, trop vrai pour qu'il y ait grande honte à le
reprendre sans même le rajeunir), je veux dire : l'esprit
platonicien et l'esprit aristotélicien.
J'avoue être de ceux qui découvrent une vérité symbol
ique durable dans la célèbre fresque de l'Ecole d'Athènes.
Sous les architectures spacieuses, s'avancent, en pleine
.lumière, au centre du groupement ample et divers des
philosophes, les deux géants de la pensée antique : Platon,
à droite, dans la majesté de sa barbe chenue, les yeux
perçants sous les sourcils broussailleux, indique du doigt,
*) Voir Revae Nio-Scolastique de Philosophie, février 1929, pp. 27-52.
1 122 J. Maréchal
là-haut, le royaume transcendant des Idées ; à sa gauche,
Aristote, plus jeune, marche son égal, et porte en avant sa
main étendue, comme pour prendre possession des choses
d'ici-bas. Entre lés deux maîtres, les préférences de la
philosophie chrétienne ont oscillé ; le plus souvent, il faut
le reconnaître, le cœur (au sens pascalien de ce mot) est
avec Platon, et la sobre raison avec Aristote ; et l'on rêve
d'un idéal qui n'exigerait le sacrifice d'aucune préférence :
quelque chose comme la fusion des deux personnages en un
seul, dont la main gauche aurait le geste d' Aristote et dont
la main droite conserverait le geste de Platon.
Nous n'aurons pas le plaisir d'opérer ce soir une récon
ciliation aussi émouvante. C'est plutôt d'une opposition de
points de vue que je dois vous parler : de l'antagonisme
historique entre les philosophies de Yintuition et les philo
sophies de Y abstraction, considérées les unes et les autres
comme introductrices, à la métaphysique : les premières
davantage tributaires de Platon, les secondes d' Aristote ;
je dis « davantage », pour éviter une affirmation trop mass
ive, qui ne saurait, historiquement, se défendre.
I
Dans les philosophies intuitionnistes, dont nous nous
occuperons en premier lieu, la métaphysique n'a pas besoin
de justification laborieuse : elle est immédiate, et pour
ainsi dire de droit divin, — maîtresse absolue, au point
qu'on ne sait plus très bien comment assurer une place, à
côté d'elle, à l'expérience contingente. .
Mais sans doute dois-je indiquer d'abord le sens, en
partie conventionnel, attaché ici au mot : intuition. Il ne
s'agit que de l'intuition intellectuelle. Imitant la définition
kantienne, qui me semble précise, adaptée aux exigences
particulières de la critique de la connaissance, et par là
même moins exposée que d'autres à des chevauchements Abstraction ou intuition 123
fâcheux de significations, j'appellerai « intuition intellec
tuelle » une connaissance générale ou particulière, dans
laquelle la matière, la forme et la réalité (soit actuelle,
soit possible) de l'objet représenté seraient également don
nés par l'a priori même de notre faculté intellective.
Cette intuition ne se confond entièrement, ni avec
l'évidence cartésienne, ni avec l'intuition trancendantale
obscure de Fichte ou de Sclielling, ni avec l'intuition
bergsonienne, ni avec les « intuitions imparfaites » de
quelques auteurs récents (où je ne puis voir qu'un à priori
discursif). Par contre, l'intuition intellectuelle, comme je
la définis, rejoindrait, au degré près, celle même que les
Scolastiques attribuent à l'Intelligence divine et aux inte
lligences angéliques. Elle est caractérisée par l'origine
métempirique, à priori, de tous ses principes constitutifs
prochains.
Conformément à cette terminologie, nous tiendrons ici
pour « intuitionnistes » les philosophies qui, dans une
mesure quelconque, supposent chez l'homme une intuition» genre.*
intellectuelle de ce Parcourons-en quelques-unes,
en tenant compte, moins de l'ordre chronologique, que des
relations doctrinales.
m
II
A tout seigneur, tout honneur ! Dans la philosophie de
Platon y la connaissance proprement intellectuelle, celle qui
donne la science véritable, s'effectue par intuition de la
hiérarchie nécessaire et immobile des Idées, ou des Formes
intelligibles, présentes en quelque façon à toute intell
igence ; l'expérience sensible, au contraire, est réduite à
parcourir sans arrêt le monde concret de la yéveaiç, du
devenir : chez Platon, non plus que chez les Eléates,
l'expérience ne dépasse la valeur relative et provisoire de
la §d£a, de l'opinion. Et pourtant, pour Platon même,
c'est à l'occasion de l'expérience concrète que s'éveille en 124 /. Maréchal
nous l'intuition des Idées : comment expliquer le rapport
naturel de la seconde à la première ? Malgré quelques
vagues tentatives, Platon ne réussit pas à résoudre le
problème ; et peut-être ne s'y appliqua-t-il point. En tout
cas, une difficulté s'était imposée à lui, qui restera la croix
des philosophies intuitionnistes : le rôle du sensible dans
l'intellection, ou, plus précisément, la coopération de Vexpé-
rience contingente à la métaphysique : qu'il «st
aussi vain de nier que malaisé d'expliquer.
Considérons un instant cette difficulté dans le cartésia
nisme, héritier principal du platonisme chez les modernes.
Selon Descartes, les « idées innées » mettent en nous, à
l'état virtuel, tout le fond ontologique de notre savoir ;
nous n'avons donc pas à le mendier au dehors : notre tâche
de métaphysiciens se borne à éveiller en nous la conscience
distincte de ce que nous possédons déjà. Et pour cela,
certes, une coopération externe, contingente, une expé-
'rience, nous est nécessaire ; jl faut un ébranlement des
« esprits animaux », provoquant de petites pulsations de la
glande pinéale, pour secouer, en vertu d'une obscure symp
athie, le métaphysicien somnolent qu'est notre âme, et lui
faire ouvrir, sur quelque portion de ses richesses imman
entes, des yeux encore embués de sommeil : première
vision, imparfaite et trouble, qui n'est autre que la sensa
tion, stade confus de l'intelligible naissant et contenu
primitif de l'« idée adventice ». Puis la vision devient
distincte : dans l'idée adventice, qui le bride en le stimu
lant, l'esprit se reconnaît comme pensée en acte, et dé
veloppe, sur cette intuition fondamentale de lui-même, la
claire appréhension de l'idée du Parfait et de l'idée d' éten
due : Dieu ; la matière ; et le Moi, où s'en opère pour nous
la rencontre : toute la métaphysique 1). A cette ontologie,
1) Si l'on veut mesurer le champ réellement couvert par les idées innées car
tésiennes, il faut tenir compte des passages — tels les paragraphes 47 à 50 de» Abstraction ou intuition 125
l'expérience externe, indispensable excitatrice, n'a fourni
aucun apport de fond ; entre le sens et l'intelligence, il n'y
eut pas de seuil à franchir, rien qu'une brume intérieure à
dissiper.
Descartes établit donc une continuité parfaite en

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