Bergsonisme et morale - article ; n°98 ; vol.25, pg 175-191
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1923 - Volume 25 - Numéro 98 - Pages 175-191
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Publié le 01 janvier 1923
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Langue Français

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J. Henry
Bergsonisme et morale
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 25° année, N°98, 1923. pp. 175-191.
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Henry J. Bergsonisme et morale. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 25° année, N°98, 1923. pp. 175-191.
doi : 10.3406/phlou.1923.2341
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1923_num_25_98_2341BERGSONISME ET MORALE
l'influence France, la individuelles dissoudre « la morale. Dans Personne tendance M. son les L'auteur de ne Parodi ouvrage » règles pratique la 1). s'en pensée s'attache consacre étonnera. morales sur du bergsonienne La bergsonisme dans a quelques philosophie Si montrer « l'arbitraire l'intelligence sur pages comment qui contemporaine la semble conception des suggestives se se intuitions caractérmarque aller en de à à
ise par son incompréhension naturelle de la vie », la
morale, plus que toute autre discipline, devra s'établir en
dehors d'elle. N'est-ce pas dans l'activité morale que nous
sommes le plus authentiquement nous-mêmes, que notre vie
se colore, que notre action se marque de véritable original
ité? S'il n'y a de science que du- « tout fait », ne serait-ce
pas tuer la spontanéité et la moralité que de vouloir les
enserrer dans un réseau de lois ? Deux fois arbitraires
seraient- elles : par l'élément d'invariance que contient toute
loi et par leur prétention d'établir la théorie de ce qui n'est
pas encore.
Aussi « la morale est-elle le plus insolent empiétement
du monde de l'intelligence sur la spontanéité,... l'acte est
à lui-même sa loi, toute sa loi » *). A cette profession
1) Parodi, La philosophie contemporaine en France. Paris, Alcan, 1919, p 324.
2) J. Weber, Une étude réaliste de l'acte et de ses conséquences morales.
Revue de met. et de morale, 1894. 176 , /. Henry
d'amoralisme d'autres font écho qui se ramènent toutes à
cette idée : il n'y a pas de valeur plus haute que la réalité.
Amoralisme, disons-nous, puisque toute1 morale s'inspire
d'une sorte de dualisme de l'idéal et du- réel, idéal qui
s'impose et au niveau duquel le réel doit, par une tension
constante, chercher à s'élever.
Mais, si les idées bergsoniennes ont été, aux mains de
plusieurs philosophes, des instruments de dissolution des
notions morales, d'autres les ont crues susceptibles d'une
utilisation positive en vue d'une doctrine plus proche de la
vie et, partant, plus efficace1). On voudrait marquer ici, par
un bref examen de ces tentatives, ce qui paraît devoir être
essentiel à une morale bergsonienne, ce qui, d'autre part,
peut naître d'éléments divergents sur ce fonds commun.
On a défini la morale « une métaphysique projetée dans
l'action », et cette formule exprime assez bien les pré
tentions de l'éthique traditionnelle qui se donne, d'un autre
côté, comme science normative. On a fait aussi de la
morale une science positive que prolongerait un art moral
rationnel.
Science normative, science positive, art, l'un de ces
vocables peut-il servir à nommer la morale d'inspiration
bergsonienne? Non, bien que sans eux elle ne se situe pas
exactement.
L'originalité de sa position pourrait s'exprimer d'un
mot : la morale est une vie.
De prime abord cette affirmation paraît singulièrement
équivoque ou banale. S'il s'agit de la morale vécue, on n'a
rien - dit. Qu'il s'agisse au contraire d'une théorie des
1) Wilbois, Devoir et durée. Paris, Alcan, 1912. — Une nouvelle position du
problème moral. Bulletin de la Société franc, de philosophie, 1914. — d'Haute-
feuille, Morale normative et Morale scientifique. Revue de métaphysique et de
morale, 1911. Sur la vie intérieure. Ibid., 1913. Bergsonisme et morale 177
mœurs, on tombe, semble-t-il, dans une erreur grossière en
se laissant prendre au piège de l'équivocité.
En fait, c'est un point de vue nouveau que voudrait expri
mer l'aphorisme la morale est une vie, point de vue plus
riche, parce que synthétique. Sociologues et métaphysic
iens établissent une coupure entre la pensée et l'action, la
théorie et la pratique : la première éclaire la seconde, du
dehors en quelque sorte, comme un phare projetant ses
rayons sur la route.
De là provient cette prétention de « savoir la morale » qui
dénote un si profond oubli des réalités. En réalité, la pra
tique précède la théorie, la vie ne s'engrène pas sur l'inte
lligence ; comment alors lui faire accepter des principes qui
lui viendraient d'une théorie ? Comment ne pas repousser
comme dénuée de sens la distinction d'une intelligence
théorique des vérités morales et de leur mise en pratique *)?
Mais si la pensée et l'action se compénètrent à ce point,
le moraliste n'est plus « ni un dialecticien, ni un savant,
c'est un homme qui révèle aux autres hommes ce qu'il a
vécu » 2) ; il n'a pas à fournir à la morale un fondement
logique, il doit s'emparer des âmes pour les faire vibrer à
l'unisson de la sienne, leur communiquer le souffle qui
l'anime. La morale n'est donc pas une science, c'est « une
flamme qui gagne, une vie qui se communique ». Bref « il
n'y a pas de morale théorique non seulement parce que
établir des normes n'est pas scientifique, mais avant tout
parce que la science pas vivante » 3).
Aussi bien la notion en quoi se résume la morale, le
devoir, est- elle refractaire à l'analyse et à la démonstration.
« Sur la notion de devoir, écrit M. Wilbois, l'analyse ne
mord pas, c'est un élément premier ». Vouloir le prouver,
c'est donc du même coup le nier. Toutefois, le devoir qui
1) d'Hautefeuille, Morale normative et Morale scientifique. R. M. M., 1911,
p. 773.
2)Ibid., p. 775.
3)p. 763. 178 /. Henry
ne se prouve pas ^expérimente. Il n'y a pas à le produire
dialectiquement mais pratiquement en se donnant, en se
laissant saisir et dompter. Si paradoxal que cela puisse
paraître « on ne peut connaître le devoir des autres que
dans ses apparences : en tant que on ne comprend
que le sien propre; c'est pourquoi devoir doit être toujours
accompagné de l'adjectif possessif de la première personne:
mondevoir s'écrit en un mot, leur devoir est une contradic
tion dans les termes » l).
On voit par là combien profonde est la méprise de l'inte
llectualisme, hanté de rigueur mathématique, demandant à
la pensée pure ce que seule la vie peut donner.
En réalité les moralistes « devraient faire deux choses et
rien que deux choses ; d'abord obtenir en fait que les
hommes pratiquent leur morale, ensuite l'obtenir par des
procédés que le progrès nécessaire de l'humanité ne par
vienne pas à désavouer, sans quoi ils n'auraient pas moral
isé, mais dupé leurs contemporains » 2).
En quoi consiste donc cette vie qui par sa propre vertu
doit faire jaillir mille sources nouvelles de moralité?
Ici des divergences s'affirment et s'accusent non sans que
se maintiennent des points de contact. La valeur hors pair
de l'intuition, l'idée d'un dynamisme foncier qui est mont
ée, progrès, constituent ces attaches. Mais, sur ce fonds
commun vont se dessiner les linéaments de deux morales
d'aspect assez différent : l'une individuelle, Fautre sociale ;
la première nettement hostile à la sociologie, la seconde
trouvant en elle — malgré ses graves défauts - le tremplin
d'où pourra s'élancer l'intuition ; toutes deux reliant la
morale à la métaphysique mais à des moments différents.
Réunies, les observations de M. d'Hautefeuille et de
M. Wilbois forment une critique complète de la sociologie.
Le premier attaque la conception de l'art moral rationnel.
1) Wilbois, Devoir et durée, p. 323.
2)Op. cit., p. 324. Èergscmisme et morale 179
La tentative d'où il sort peut certes présenter de l'intérêt,
mais c'est en vain que l'on cherche à substituer l'art moral
aux morales existantes. La raison en est simple : les deux
disciplines ne répondent pas à un même objet. L'ingénieur
social dont parlait M. Bay et prétend modifier la réalit

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