Berkeley est-il empiriste ou spiritualiste? - article ; n°91 ; vol.23, pg 237-266
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1921 - Volume 23 - Numéro 91 - Pages 237-266
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Publié le 01 janvier 1921
Nombre de lectures 28
Langue Français
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Extrait

Emile Mersch
Berkeley est-il empiriste ou spiritualiste?
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 23° année, N°91, 1921. pp. 237-266.
Citer ce document / Cite this document :
Mersch Emile. Berkeley est-il empiriste ou spiritualiste?. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 23° année, N°91, 1921. pp.
237-266.
doi : 10.3406/phlou.1921.2282
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1921_num_23_91_2282XIII
BERKELEY
EST-IL EMPIRISTE OU SPIRITUALITE ?
Une classification des philosophes est toujours difficile
à établir. Mais Berkeley ]) est un penseur rebelle à tout
classement. Il a si peu sa place à lui qu'on lui en assigne
plusieurs, et bien distantes.
Un certain nombre d'histoires de la philosophie le rangent
parmi les empiristes, les sensualistes, les sceptiques, les
phénoménistes, parmi ceux-là, en un mot, qui se défient de
1) On trouvera une très courte et substantielle notice sur Berkeley, par
M. G. Beaulavon, en tête de la traduction des Principes de Renouvier, rééditée
chez A. Colhn,. 1920. M. David (Berkeley, édit. Louis Michaud, 1912. Introd.)
donne un bon résumé du système.
Nos citations se rapportent à l'édition de A. C. Fraser, Oxford, 1901, 4 vol.;
sauf pour le Commonplace Book où nous donnons d'abord le numéro de la tra
duction de Gourg (Alcan, 1908) et, entre parenthèses, la page de Fraser.
Voici, à titre de rappel, les dates des principales œuvres de Berkeley, d'après
Fraser, avec un bref résumé.
1705-1708 (1709?). Le Commonplace Book (CPI.B.), journal philosophique,
inédit jusqu'en 1871, Pensées variées.
1709. Nouvelle Théorie de la Vision. La vue ne perçoit ni la distance ni la
grandeur des objets, mais seulement des surfaces colorées dont les variations
sont en rapport constant, mais contingent, avec les vraies grandeurs et distances
que révèle le toucher. Elles en sont les signes.
1710. Traité des Principes de la connaissance humaine. Le premier volume
seul a paru. Œuvre capitale. Exposé méthodique de l'immatérialisme. Il débute
par une vive attaque contre les idées abstraites (prévue dès le CPl.B.). Elles
n'existent pas. Penser de pareilles idées, vides de tout contenu concret, c'est ne
rien penser; de même que concevoir une substance matérielle sans aucun accident
sensible, c'est ne rien du tout. 11 n'y a pas de matière hors de l'esprit.
Il n'y a de connu que des idées inertes en elles-mêmes, des perceptions. Celles ci £38 E. Mersch
l'esprit. Il y apparaît à la table des matières, dans une
série de noms aboutissant d'ordinaire à Kant, entre Locke
et Hume.
D'autres historiens font de lui avant tout un idéaliste, un
spiritualiste, un fervent de l'esprit. Ils le rapprochent de
Leibniz et plus souvent de Descartes, quelquefois par
Malebranche, ordinairement et à plus juste titre, par Locke.
D'après leur mentalité, ils voient dans son système un
épanouissement ou une dégénérescence du cartésianisme.
étant souvent reçues, ont alors une cause extérieure à nous qui doit être un
esprit (qui d'autre peut causer des idées ?). C'est Dieu. Dieu produit les sensa
tions dans un ordre qu'il daigne ne pas changer. Cela nous permet d'y voir des
lois, de prévoir des phénomènes, de nous en servir. 11 en reproduit les mêmes
assemblages (couleur et forme de la cerise. Dial.) qu'on appelle des choses.
Entre les sensations, les idées subsistent en puissance dans le pouvoir de Dieu :
quand il nous les fera connaître, ce sera comme s'il nous parlait un langage de
nature.
1713. Dialogue d'Hylas et de Philonoùs. Avec un art consommé, Berkeley
vulgarise son système. Il convertirait le sens commun à l'idéalisme.
1709 1713 Divers sermons ; essais publiés dans le Guardian.On peut y glaner
de précieuses indications sur ses idées philosophiques.
1722. De Motu. En latin. Très intéressant. L'esprit étant le seul être actif, la
science de l'esprit s'occupe seule de l'activité, de la causalité réelle. Il faut lui
réserver ces objets. Les sciences en s'aidant de mathématiques étudieront les
rapports entre les idées.
1732. Alciphron ou le « minute » philosophe. Sorte d'apologétique dirigée
contre les libres penseurs. Elle comprend sept dialogues. Les trois premiers
développent des vues sur la moralité, le troisième montre que celle-ci suppose
Dieu, dont l'existence (4e Dial ) est d'ailleurs prouvée par le langage d'idées qu'il
nous adresse. La religion chrétienne anglicane est la meilleure façon pour les
Anglais d'être bons. Au septième livre, à propos de l'inintelligibilité des mystères,
on trouve quelques idées sur la connaissance en général.
1733. Défense de la Théorie de la vision. Incorpore davantage la théorie au
reste du système.
1734-1735 (et même 1705 à 1744). Polémique contre le calcul infinitésimal.
Les infinitésimaux, étant imperceptibles, ne sont pas des idées, ni par conséquent
des réalités.
1744. Sir is, Chaîne de réflexions et de recherches philosophiques concernant
les vertus de l'eau de Goudron, ainsi que divers autres sujets connexes et qui
naissent les uns des autres. L'eau de Goudron guérit tout. En elle agissent les
principes les plus forts et les meilleurs que la Providence nous ait donnés dans
la nature. Suivent, tirées en grande partie des anciens, des considérations sur
la nature, sur la Providence, et sur le Dieu inaccessible.
En plus, quelques écrits secondaires. est-il empiriste ou spiritualiste ? 239 Èerkeley
On pourrait noter — à condition de le faire sans y
insister — que les Allemands sont, en majorité, partisans
de la première classification qui a l'avantage de souligner
l'importance de Kant ; que les Français, souvent du moins,
préfèrent rattacher Berkeley cà Descartes ; que les Anglais,
enfin, tiennent d'ordinaire à garder celui de leurs philo
sophes dont ils sont peut-être le plus fiers. Pour eux, il est
bien influencé par Locke ou par Descartes, mais il est
avant tout lui-même, Berkeley l).
Ces vues schématiques suffisent à notre dessein. Elles
montrent en gros qu'on caractérise Berkeley de deux
façons bien différentes. Parfois on le traite en empiriste,
parfois en spiritualiste 2), si l'on veut bien nous permettre
de désigner, pour faire court, par ces termes assez vagues,
deux mentalités opposées : l'une toute de défiance et de
mépris pour l'élément intellectuel et unifiant de notre
connaissance ; l'autre, au contraire, pleine de confiance
illimitée et de foi en notre intelligence, tout humaine
qu'elle est.
Ceux qui découvrent en lui le précurseur de Hume
insistent sur son hostilité, si déclarée, si fougueuse même,
contre les idées générales abstraites, contre les termes
généraux et obscurs, contre les « refiners •> en philosophie,
vains contempteurs des sens en quête de chimères. Ils s'en
réfèrent à la Théorie de la Vision, au Traité des Principes,
aux Dialogues, et, rarement, à quelques passages des œuvres
postérieures.
1) Notre enquête a porté sur 62 auteurs. Parmi eux 25, dont 17 Allemands,
font de Berkeley plutôt un nominaliste ; 15, parmi lesquels 10 Français, voient
en lui un spiritualiste; 3 le rapprochent de Leibniz; 4 l'isolent. Les autres sont
d'avis divers. Plusieurs d'ailleurs discernent en lui, comme nous le ferons nous-
mêmes, différents éléments On comprend que cette classification ne comporte
pas de cloisons étanches. Inutile aussi d'ajouter combien de restrictions com
porte cette application du principe des nationalités aux historiens de la philo
sophie.
2) Nous entendons : spiritualiste exagéré. Nous choisissons ce mot parce qu'il
est le plus fréquemment employé à propos de Berkeley et qu'il rappelle ses
origines cartésiennes. E. Mersch 240
A ces citations, on oppose, pour ranger Berkeley parmi
les spiiïtualistes, la conception du monde qu'il développe
dans Siris, la part si importante qu'il revendique toujours
pour l'esprit, la causalité qu'il refuse à la matière pour la
confier toute aux substances immatérielles, ses convictions
religieuses si actives. Et l'on allègue Siris, Alciphron, le
De Molu et bon nombre de passages

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