Comment Aristote conçoit-il l immatériel ? - article ; n°2 ; vol.44, pg 205-236
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1946 - Volume 44 - Numéro 2 - Pages 205-236
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Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 80
Langue Français
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Gérard Verbeke
Comment Aristote conçoit-il l'immatériel ?
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 44, N°2, 1946. pp. 205-236.
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Verbeke Gérard. Comment Aristote conçoit-il l'immatériel ?. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 44,
N°2, 1946. pp. 205-236.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1946_num_44_2_4051Aristote conçoit-il Comment
l'immatériel ?
La notion d'immatériel est au cœur de la métaphysique d'Aris-
tote : car s'il considère la réalité tout entière comme objet de la
philosophie première, il réserve cependant une place spéciale aux
êtres qui peuplent le monde suprasensible : le premier moteur et
les intelligences des sphères. La métaphysique aristotélicienne s'oc
cupe avant tout de l'être suprême, séparé du monde sensible et
immobile dans une quiétude parfaite ; mais puisqu'on ne peut dé
couvrir l'existence de ce premier principe qu'en partant de l'étude
du monde matériel et changeant, celle-ci devient une partie essent
ielle de l'examen métaphysique, « car il appartient à une même
opération de l'esprit de faire voir clairement l'essence et l'existence
de la chose » (1). C'est à partir du devenir perpétuel des êtres mat
ériels qu' Aristote s'élèvera à un principe immobile, jouissant de
caractères diamétralement opposés à ceux de la matière.
Le même itinéraire est suivi par Aristote en psychologie : au
début de son Traité de l'âme il se demande si l'étude de l'âme
relève de la physique ou de la métaphysique ; il répond que si
toutes les opérations de l'âme sont liées au corps et ne peuvent
se faire sans le concours de la matière, la psychologie devra être
considérée comme une partie de la physique ; que si, par contre,
certaines opérations psychiques sont indépendantes de la matière,
l'étude de l'âme devra être incorporée à la métaphysique, pour
autant que cette étude est un acheminement vers ce principe supra-
sensible et un examen philosophique de sa nature (2).
Il semble donc y avoir dans l'esprit d'Aristote un lien indisso
luble entre le caractère immatériel d'une réalité et son apparte-
<•> Métaph., VI. 1. 1025 b 17
<a> De anima, I, 1, 403 b 7 ssq. 206 G. Verbeke
nance au domaine métaphysique. Nous ne croyons pas cependant
comme W. Jaeger que ce soit là une conception purement plato
nicienne de la métaphysique, propre à la période de formation du
Stagirite ; car il ressort clairement du livre I de la Métaphysique,
ainsi que de plusieurs autres, que l'être suprasensible n'est pas
l'objet unique de la philosophie première : en effet, c'est par l'étude
même du monde matériel qu'on est forcé de dépasser les limites
de la réalité sensible <3).
Certains historiens de la philosophie ancienne ont prétendu r
écemment qu'Aristote aurait abandonné pendant quelque temps le
spiritualisme de son maître, du moins en psychologie, et qu'il serait
retombé dans des conceptions purement matérialistes : l'âme
considérée comme une èv5eXé)(£ia, une parcelle d'éther, se caracté
risant par un mouvement circulaire et ininterrompu (4). Puisque cette
'3) Au livre I de sa Métaphysique, Anstote décrit la philosophie première
comme la science des causes ultimes de la réalité entière Deux de ces causes,
la cause matérielle et la cause formelle, sont, dans la pensée du Stagirite, indubi
tablement immanentes Les deux autres, la cause efficiente et la cause finale, se
rapportent à une réalité transcendante, qui n'est atteinte que par un examen mé
taphysique des êtres sensibles 11 en résulte que le monde suprasensible, qui est
le domaine propre de la philosophie première en ce sens qu'il n'est étudié par
aucune autre science, ne se confond pas cependant purement et simplement
avec l'objet de la métaphysique, celui-ci est beaucoup plus vaste 11 suffit, pour
s'en rendre compte, de glaner à différents endroits de la Métaphysique quelques
affirmations dont la signification n'est pas douteuse (Métaph , IV, 1, 1003 a 21 32,
VI, 1, 1025 b 3; XI, 3, 1060 b 31 , XI, 3, 1061 b 4, XI, 4, 1061 b 26 et b 31) A
d'autres endroits Aristote insiste plutôt sur le caractère suprasensible de l'objet
métaphysique, parce que c'est là un domaine qui est réservé en propre à la phi
losophie première (Métaph, VI, 1, surtout 1026 a 15, XI, 7, 1064 b 6, XII, 1,
surtout 1069 b 1) W Jaeger a donc tort de considérer ces deux conceptions comme
inconciliables la manière dont elles se trouvent entremêlées dans l'œuvre du
Stagirite indique clairement que l'auteur ne les conçoit pas comme opposées l'une
à l'autre, c'est ce qu'il affirme d'ailleurs de façon explicite dans Métaph , VI, I,
1026 a 23-32 et XI, 7, 1064 b 14. la priorité de la métaphysique sur les autres
sciences entraîne nécessairement le caractère universel de son objet
<4> E BlGNONE, L'Anstoteîe perduto e la formaztone filosofica di Epicuro,
Firenze (s d ), 2 vol Cf. vol I, pp 227-272 — J MoREAU, L'âme du monde de
Platon aux stoïciens, Paris, 1939 Cf pp 120 ssq ; ce dernier est arrivé, par des
voies indépendantes, à la même conception que Bignone sur la psychologie ari
stotélicienne (op. cit , p 121, n 5) — J BlDEZ, Un singulier naufrage littéraire
dans l'antiquité A la recherche des épaves de V Aristote perdu, Bruxelles, 1943,
pp 33-44 — F J C J NUYENS (Ontwikkehngsmomenten tn de ziel^unde van
Anstoteles, Nimègue et Utrecht, 1939) a eu tort de négliger ces témoignages cicé-
xomens dans son aperçu de l'évolution de la psychologie aristotélicienne. Comment Aristote conçoit-il l'immatériel ? 207
manière de voir est basée presque uniquement sur des témoignages
de Cicéron, qui était très influencé par le matérialisme de ses
maîtres stoïciens, on ne peut pas dire qu'elle s'appuie sur des
arguments décisifs ; elle est inconciliable, d'autre part, avec l'esprit
général de la pensée aristotélicienne tel qu'il se manifeste dans
les oeuvres certainement authentiques qui nous ont été conservées :
en effet, on ne trouve pas de traces de ce matérialisme psycho
logique dans les autres ouvrages d'Aristote (5).
L'analyse de la notion d'immatériel nous permettra donc de com
prendre de façon plus précise le spiritualisme propre à la méta
physique aristotélicienne.
Nos recherches seraient beaucoup plus faciles si nous pouvions
nous attacher à un terme grec servant de fil conducteur : nous
pourrions recueillir tous les passages intéressants et par une exégèse
bien conduite de ces textes arriver à préciser le contenu idéolo
gique du vocable en question. Malheureusement il ne semble pas
qu'il y ait dans le vocabulaire aristotélicien un terme technique
correspondant à l'idée d'immatériel.
Le terme uveûjia, d'où dérive le mot spirituel et qui revient
souvent dans les oeuvres d'Aristote, n'entre certainement pas en
ligne de compte. Il a été emprunté aux sciences médicales du
IVe siècle, spécialement à l'école sicilienne, où il avait une signi
fication purement matérielle. Dans l'œuvre d'Aristote il ne désigne
pas, comme chez les stoïciens, la substance ignée du principe vital,
mais le premier instrument de l'âme, une espèce d'intermédiaire
entre l'âme et le corps (6).
Le terme aawjxaxov (incorporel) n'est guère plus utile pour la
présente étude : car il suffit de consulter l'Index de Bonitz pour
voir que ce vocable s'applique à des réalités matérielles très subt
iles, telles que l'air et le feu. Les stoïciens disent également que
les premiers principes de toutes choses sont incorporels, mais toute
fois matériels (7) : le aw^cc semble désigner chez tous ces philo-
(5) Ces critiques seront exposées plus longuement dans une étude critique
que M Mansion compte publier prochainement au sujet de la thèse de M Bi-
gnone
<6> F RuSCHE, Blut, Leben und Seele, Paderborn, 1930, pp 188 250 —

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