L argument ontologique chez Descartes et Leibniz et la critique kantienne - article ; n°16 ; vol.47, pg 458-468
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1949 - Volume 47 - Numéro 16 - Pages 458-468
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Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Franz Crahay
L'argument ontologique chez Descartes et Leibniz et la critique
kantienne
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 47, N°16, 1949. pp. 458-468.
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Crahay Franz. L'argument ontologique chez Descartes et Leibniz et la critique kantienne. In: Revue Philosophique de Louvain.
Troisième série, Tome 47, N°16, 1949. pp. 458-468.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1949_num_47_16_4213L'argument ontologique
chez Descartes et Leibniz
et la critique kantienne
La controverse, vieille et jamais close, autour de l'argument
ontologique illustre bien — pour peu qu'on ne refuse pas, en la
réduisant prématurément, la diversité des intentions qui s'y affrontent
— l'essentielle difficulté d'une solution, dite authentique, préalable
sinon extérieure à toute philosophie de l'histoire de la question.
Du point de vue de cette diversité d'intentions, et pour nous
en tenir à une phase typique de la controverse, la prudence com
mande de ne point relire Descartes et Leibniz comme si d'avance
ils avaient répondu à Kant, ni Kant comme s'il avait circonscrit
Descartes et Leibniz. Honnêtement pratiquée, la méthode que reflète
ce précepte, dans la mesure où elle nous met en face de postulats
irréductibles absolument, nous interdit de trancher absolument aucun
des points litigieux. Du moins les fait-elle apparaître, et à leur
place. Tel est bien le seul dessein de ce bref article : localiser et
souligner les apories d'un dialogue, en quelque sorte intemporel,
sur l'idée et l'existence de Dieu.
Non qu'il faille se réjouir trop tôt de voir Kant pris à son propre
piège de l'antinomie. Il lui reste une issue possible : le transcen-
dantal. Mais l'interprétation de ce transcendantal, comme d'ailleurs
la recherche d'un fondement en dernière analyse des questions posées
et des réponses proposées touchant la preuve ontologique, et de
leur diversité, engagerait la discussion, à un niveau plus général,
sur l'explication en histoire de la philosophie conçue comme une
certaine philosophie de l'histoire de la pensée. A cette discussion,
les lignes qui suivent, oeuvre d'une méthode courante et utile de
confrontation, voudraient n'être qu'une propédeutiqiue par rembarras
où elles nous laissent. L'argument ontologique 459
* * *
Les raisonnements par lesquels Descartes prétend prouver que
Dieu existe, écrit Leibniz à la princesse Elisabeth, « nous font vio
lence sans nous éclairer » (1). Surtout ce raisonnement qui part de
la notion de parfait et dont Descartes, justement, affectionnait la
forme ramassée. Même sous la forme plus explicite qu'elle revêt
par exemple au § 14 des Principes (2) et que Leibniz paraphrase
dans ses Animadversiones (3), l'argumentation manque, aux yeux de
ce dernier, de minutie, de rigueur logique. Elle consiste à poser que
tout ce qui peut se démontrer d'une notion — ou idée — appart
ient, est légitimement attribuable à l'objet de cette notion ; à définir
ensuite Dieu comme l'être absolument parfait et à conclure, l'exi
stence étant une perfection, que Dieu existe.
Leibniz propose, à cette argumentation, un double amendement.
D'abord, à la notion de perfection, qui ne permet pas d'inférer ana-
lytiquement l'existence, il substitue celle d'être nécessaire, d'être
par soi (ens a se), en qui l'essence renferme l'existence. Mais,
affirmer d'emblée que l'être nécessaire existe, quelque clairement
et distinctement qu'on en conçoive l'idée, serait encore forcer le
sens des mots. Il y a toujours danger de prendre pour clair et dis
tinct ce qui n'est qu'obscur et confus, et de proclamer vraie une
idée impossible, objet d'une définition purement nominale, comme
celle de la plus grande vitesse (4). L'impossible, c'est le contradict
oire ; le possible, le non-contradictoire. De fait, l'idée de Dieu ne
porte en soi nulle contradiction : pour cette raison qu'elles sont
toutes positives, les formes simples que l'Etre Suprême réunit en
lui n'interfèrent pas (s> ; en ce sens, l'entendement divin est appelé
la « région des vérités éternelles » (6). L'idée de Dieu, par là-même,
possède un privilège unique : il suffit de prouver que Dieu est pos
sible pour prouver qu'il est. Dieu, l'être par soi, est possible, donc
f1» Lettre à Elisabeth (1678). Ed. Riechl, litt. 191.
<2) DescaRTES, Les Principes de la Philosophie, I, 14. Ed. AdanvTannery, t. IX,
Pxinc, p. 31.
<3) Animadversiones in Cartesium, ad artic. (14), in Opuscula philosophica
selecta, Boivin, p. 15.
(4) V. not. Meditationes de Cognitione, Veritate et Ideis, in Opuscula selecta,
éd. Boivin, p. 2 ; Discours de Métaphysique, § XXIV.
<s> Lettre à Elisabeth (1678).
<•> Monadologw, § 44. 460 Franz Crahay
Dieu est : moyennant cette substitution et cette addition, la preuve
de l'existence de Dieu par la seule analyse de son idée devient
valable.
* # *
Dans quelle mesure la critique de Leibniz respecte-t-elle la
lettre et l'esprit cartésiens ?
On ne peut dire qiue Descartes désapprouverait l'exposé syllo-
gistique de ses preuves, encore que la forme reste pour lui secon
daire. Il déclare par exemple au P. Bourdin qu'il s'en est servi
toutes les fois qu'il en a eu besoin (7). Et plusieurs textes en t
émoignent, entre autres dans les Réponses aux premières et aux
deuxièmes objections : « ce que nous concevons clairement et di
stinctement appartenir à la nature de quelque chose peut être...
affirmé... de cette chose ; or il appartient à la nature de Dieu
d'exister... donc on peut avec vérité assurer de Dieu qu'il existe » (8).
Mais Descartes se défend bien de n'avoir fait que reprendre le vieil
argument réfuté par Saint-Thomas et qui de la notion — entendue
sous le nom de Dieu — « d'être tel qu'aucun être plus grand ne
peut être conçu », tire frauduleusement l'existence de Dieu. Il aurait
répondu à Leibniz ce qu'il répondait à Caterus (9> : qu'il y
en effet vice de forme à tirer une existence d'une simple conception
de l'entendement {« ce qui est signifié par un mot ne paraît pas
pour cela être vrai ») mais qu'il s'en était soigneusement gardé.
La Cinquième Méditation et les Réponses nous renseignent d'ail
leurs abondamment sur ce que les textes les « mieux en forme »
nous laissent soupçonner : aussi rigoureusement démonstratif qu'il
paraisse se vouloir par endroits, Descartes ne cherche jamais à
camoufler une illégitime « réalisation de concept ». L'esprit d'une
« ratiocinatio strictior » où Leibniz prétend lui en remontrer (10) nous
fait dévier de l'intention profonde de Descartes. L'examen de la
critique de Kant sera l'occasion d'y revenir.
Contre les corrections proposées par Leibniz au fond même de
la preuve des Principes, Descarte n'eût pas moins protesté. En
premier lieu, le souci de ne passer de l'idée à l'affirmation de l'exis-
7> Réponses aux Septièmes Objections, A. T., t. VII, p. 544.
8) aux Deuxièmes A. T. IX, p. 117.
•> aux Premières A. T. IX, pp. 91-95.
10) Animadveraiones in Cartesium, § 14. L'argument ontologique 461
tence que par le détour du possible n'est certes pas étranger à ce
dernier. L'âme, passant en revue les diverses notions qu'elle ren
ferme en elle-même, aperçoit, dans la notion de Dieu, « non pas
seulement une existence possible, comme dans les autres [notions]
mais une existence nécessaire et éternelle » (11). Un passage des
réponses à Caterus recourt à la même médiation. Dès qu'on exa
mine si l'existence convient à l'être souverainement puissant, on
connaît d'abord clairement et distinctement « qu'au moins l'exis
tence possible lui convient, comme à toutes les choses dont nous
trouvons en nous l'idée distincte » (12). Si Descartes, toutefois, insiste
beaucoup moins et moins souvent que Leibniz sur ce maillon qu'est
le possible, c'est d'abord qu'entre la simple idée ou notion et son
objet (la res) la « nature vraie » — forme, essence — joue précisé
me

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