La Genèse de l œuvre d art - article ; n°81 ; vol.21, pg 5-16
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La Genèse de l'œuvre d'art - article ; n°81 ; vol.21, pg 5-16

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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1914 - Volume 21 - Numéro 81 - Pages 5-16
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Publié le 01 janvier 1914
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

Maurice De Wulf
La Genèse de l'œuvre d'art
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 21° année, N°81, 1914. pp. 5-16.
Citer ce document / Cite this document :
De Wulf Maurice. La Genèse de l'œuvre d'art. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 21° année, N°81, 1914. pp. 5-16.
doi : 10.3406/phlou.1914.2197
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1914_num_21_81_2197I.
La Genèse de l'œuvre d'art.**
nombreux, phases de Pour l'histoire que fixer les son de la uns élaboration l'art genèse surgissant ou de même comporte, l'œuvre du passé, des d'art, lointains il des est multiples et des retracer de documents la replis préles
histoire, les autres appartenant à l'art vivant, aux product
ions artistiques qui éclosent sous nos yeux.
Ce sont d'abord les cartons et esquisses, brouillons et
croquis, où les maîtres ont jeté toute palpitante l'idée qu'ils
avaient conçue. Longtemps on relégua ces travaux préparat
oires dans les combles des musées, et bien à tort, car ce
sont des documents psychologiques incomparables qui ra
content admirablement l'histoire d'un chef-d'œuvre l). Il
y faut joindre les mémoires et autobiographies dans les
quels certains artistes — Hector Berlioz, par exemple —
ont consigné une foule de menus faits intéressant la genèse
4e leurs œuvres.
Puis s'ouvre la vaste collection de ce qu'on pourrait
appeler les faits artistiques élémentaires : des psychologues
attentifs comme Ricci, K. Gôtze, Levinstein ont rassemblé,
classé et interprété les dessins d'enfants, bégaiements naïfs
*) Extrait d'un recueil de conférences sur la Philosophie de Part. En
préparation.
l) Leur classement est entrepris de divers côtés. Par exemple, les
Handzeichnungen Albertina de Vienne, M. De Wulf 6
où l'on observe sur le vif l'éveil spontané du sens artis
tique l). D'autres ont recueilli les essais des peuplades primi
tives qui par tant de côtés ressemblent aux enfants, ou
encore les vestiges esthétiques que nous a laissés la pré
histoire. Si haut qu'on remonte dans le passé, l'homme
a sculpté, peint, décoré ses temples, ses demeures, ses
parures, ses outils. Dans la préhistoire la plus lointaine,
comme chez les primitifs modernes les plus arriérés, nous
trouvons des dessins géométriques et des motifs d'ornement
ation.
L'étude de ces manifestations rudimentaires permet de
saisir à l'état fruste et grossier le jeu des facultés psycholo
giques dont le plénier développement crée les œuvres d'art
parfaites.
Enfin, on peut faire entrer en ligne de compte les œuvres
des périodes archaïques dans les divers cycles dont se
compose l'histoire de l'art.
On le voit, les doctrines explicatives de la genèse de
l'œuvre d'art ne sont pas suspendues dans le vide, mais
peuvent et doivent s'appuyer sur d'abondantes observations
de fait. Nombreux et complexes sont les problèmes qui
surgissent à ce propos et il est possible, ce nous semble, de
les rattacher à deux groupes, suivant que l'on envisage la
production de l'œuvre d'art comme fait individuel, ou comme
fait collectif ou social. Les premiers problèmes sont d'ordre
psychologique, les seconds relèvent de la sociologie. Con
sidérons les uns et les autres, sans avoir la prétention de
les signaler tous et encore moins d'en épuiser l'étude.
*) Levinstein, Kinderzeichnungen (Voigtlânder, Leipzig, 1905), a
réuni 4945 dessins d'enfants. Genèse de V Œuvre d'Art La
I.
Les œuvres d'art ne sont pas le résultat fortuitement
heureux d'une activité instinctive, ou le fruit d'une poussée
vitale irréfléchie ; sinon comment expliquer que des organi
sations puissantes comme Raphaël, Léonard de Vinci,
Memlinck, aient entrepris tant d'esquisses se corrigeant
l'une l'autre et qui correspondent à autant d'étapes dans
l'élaboration d'un même sujet. On peut appliquer à toute
œuvre d'art ce que Raphaël disait de ses toiles : on peint
avec son cerveau avant de peindre avec son pinceau. L'œuvre
existe dans la tête de l'artiste, comme idée, comme idéal,
avant d'exister dans les matériaux sensibles où son talent
l'incarne. Il y a donc deux moments dans la production
d'une œuvre d'art: la formation ou la conception de l'idéal,
et son extériorisation ou son exécution. Sans la conception
l'œuvre serait incohérente ; sans l'exécution, elle ne sortirait
pas du royaume des idées, elle demeurerait étrangère au
monde du réel.
On entend par idéal la représentation que se fait l'homme
d'une œuvre à exécuter, d'un but à atteindre, avant l'exé
cution de l'œuvre et la poursuite du but. Le jardinier
architecte, l'ouvrier maçon, le coureur ont Vidée des massifs
à exécuter, du mur à construire, du stade à parcourir, et
cette idée les guide et les soutient *). Il n'en est pas autre
ment de l'idéal artistique. Avant de fixer son dessin sur la
toile et d'étendre ses couleurs, Raphaël s'était forgé Y image
vive et nette de ses madones, avec toutes les expressions
qu'il allait leur donner. Il la serra de près, en précisa les
contours, comme le prouvent les nombreux dessins à la
') L'idéal est la cause exemplaire qui dirige l'action de la cause eff
iciente douée d'intelligence. Avant de construire un meuble, écrit saint
Augustin, le menuisier en conçoit le plan « Faber facit arcam. Primo in
arte habet arcam. Si enim in arte non haberet, non esset unde fabricando
illam pro ferret... In arte invisibiliter est, in opère visibiliter erit ». Tract. I
in Evang. Joan. 8 M. De Wulf
plume qu'il fit de sa Vierge aux champs *). La vision interne
flottait devant son imagination, caressée et chérie. Puis,
elle guida sa main, et c'est elle qu'il confia amoureusement
à la toile dressée devant lui. L'idéal artistique est « une
intuition nette, une image précise où l'artiste dispose des
éléments en vue de produire une impression de beauté » .
Elle a vécu cette esthétique vaporeuse, d'inspiration
platonicienne, qui place l'idéal dans la région de la per
fection inaccessible. Supérieur par définition à tout ce
qu'on peut concevoir, l'idéal, pour les cousiniens et les
spiritualistes outrés, n'est qu'une intangible et décevante
chimère : l'idéal de la vertu serait de cent coudées supérieur
à l'acte le plus vertueux que le littérateur puisse concevoir
et décrire. Il y a là une confusion entre ce qui est parfait,
conformément aux exigences d'un type, et ce qui est imaginé
et conçu. La conception du grand artiste n'a rien de fuyant
ou d'indécis. Comme chez lui la vue, l'ouïe ou le toucher
sont plus affinés que chez les autres hommes, comme son
imagination créatrice est plus féconde, l'image inspiratrice
se fige dans de vifs contours ; il voit et il sait ce qu'il va
produire, avant de produire ; bien plus, il n'est artiste qu'à
ce prix.
Comment s'élabore l'idéal artistique ainsi entendu ? De
nombreux facteurs contribuent à le former, les uns venus
du dehors, les autres dérivant des pouvoirs psychiques de
l'artiste.
Les facteurs externes sont la nature, la race, le milieu
social. Dans les arts d'imitation, l'influence du modèle
naturel est évidente. On retrouve dans les madones de
Murillo le type de l'Andalouse, comme on reconnaît le
paysage hollandais dans les toiles de Ruysdael. Les pays
de soleil sont des pays de vision, les régions brumeuses
gont voilées de rêve. Dans les contes de Daudet et dans les
*> Conservés à VAïbertina de Vienne, La Genèse de l'Œuvre d'Art 9
drames d'Ibsen on peut voir se refléter, ici le ciel de
Provence, là celui de Norvège.
La race joue un rôle non moins réel. Certains peuples,
tels les Grecs anciens, n'ont-ils pas été privilégiés par la
nature, tandis que d'autres semblent en être déshérités ?
L'action de la race se combine souvent avec celle du milieu
social, — que d'ailleurs la race contribue à former, — et
ici se lève un des problèmes les plus discutés : quelle est <

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