Les principes de la raison - article ; n°90 ; vol.23, pg 191-215

A. Bouyssonie

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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1921 - Volume 23 - Numéro 90 - Pages 191-215
25 pages

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• Publié par: REVUE_NEO-SCOLASTIQUE_DE_PHILOSOPHIE
• Publié le: 01 janvier 1921
• Nombre de lectures: 34
• Langue: Français
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Extrait

A. Bouyssonie
Les principes de la raison
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 23° année, N°90, 1921. pp. 191-215.
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Bouyssonie A. Les principes de la raison. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 23° année, N°90, 1921. pp. 191-215.
doi : 10.3406/phlou.1921.2276
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1921_num_23_90_2276X
LES PRINCIPES DE LA RAISON *)
Je voudrais étudier les vérités rationnelles appelées principes
premiers, avec la double préoccupation d'en déterminer avec netteté
les diverses formules et de noter avec soin quels éléments on fait
entrer dans chacune de ces formules. Pour cela je commencerai par
employer les termes les plus simples et les plus généraux, puis,
progressivement, j'en introduirai d'une signification plus restreinte.
Celte analyse conduite avec minutie pourra paraître fastidieuse ;
je crois que le moindre progrès dans la précision a son utilité, sur
tout quand on prend pour objet les vérités fondamentales.
J'adopte ici, pour simplifier, la distinction classique des vérités
premières en deux groupes qui dépendent, l'un du principe d'ident
ité, l'autre du principe de raison suffisante ').
I
Le principe d'identité
Le principe d'identité est essentiellement affirmatif, il se complète
*) La Revue publie sous la responsabilité de leur auteur les pages qui vont
suivre. Le lecteur y trouvera traités d'une manière originale et personnelle les
problèmes relatifs aux premiers principes, sur lesquels diverses études ont paru
ici même à partir de 1912 (Réd.).
1) J'avais ébauché ce travail en 1900 dans les Annales de Philosophie chré
tienne, mai-juin, où je faisais ressortir l'existence d'un troisième principe, celui
de cognoscibilité. J'y ai ajouté quelques données dans la Revue de Philosophie,
août 1908 : De la réduction à l'unité des principes de la raison. M. Laminne a
publié dans la Revue Néo-Scolastique de Philosophie, trois articles sur le même
sujet, en novembre 1912 : Le principe de contradiction et le principe de causalité;
en février 1914 : La cause et l'effet; en août 1914 : Les principes d'identité et de
causalité. Le R. P. de Munnynck, dans la même Revue, mai 1914, a traité : La
racine du principe de causalité. 192 A. Bouyssonie
par le principe négatif dit de contradiction1) et par le principe
disjonctif dit du tiers-exclu.
Pour exprimer le principe d'identité n'employons tout d'abord
que l'idée d'être et l'affirmation ; nous obtenons la formule : Vêtre
est Vêlre. Puisque nous traduisons par là une identité, disons encore,
pour être plus explicite : l'être est identique à Vêlrc.
Introduisons maintenant la négation (comme l'a observé M. La-
minne, nous faisons une synthèse), mais remarquons qu'il en faut
deux, se neutralisant l'une l'autre, pour respecter l'affirmation
absolue qu'exige l'être ; impossible en effet de nier simplement
l'être. Une des deux négations s'attachera au verbe pour changer le
rapport des deux termes ; l'autre à l'attribut pour en faire un terme
négatif. Voici ce que deviennent les deux formules précédentes :
Vêtre n'est pas le non-être ; Vêtre n'est pas identique au non-être 2).
De cette dernière formule on peut aller à une autre qui ramènerait
l'attention sur l'identité de l'être avec lui-même ; il suffit pour cela
de déplacer la négation qui est dans l'attribut. On obtient ainsi :
Vêtre n'est pas non identique à Vêlre.
Car diverses propositions peuvent être converties « simplement »
(cette conversion est inutile pour la première formule) ; leur réc
iproque est vraie :
L'identique à Vêtre est Vètre ;
Le non-être, Videntique au non-être, le non-identique à Vêtre n'est
pas l'être.
Nous avons mis l'article devant les mots être et non-être pris
comme attributs, on peut le supprimer sans changer le sens des
propositions et dire par exemple : l'être est être, l'être n'est pas
non-être, etc.
Il semble que nous n'avons eu affaire jusqu'ici qu'à la négation
de l'être et non à la contradiction proprement dite. Celle-ci résulte
d'une certaine identification de l'être et du non-être. Or cette iden
tification n'est exprimée dans nos formules ni par la proposition
ni par aucun des termes. On ne peut donc pas remplacer purement
et simplement la phrase : l'être n'est pas non-être par cette autre :
1) Certains philosophes peu suivis par l'usage mais soucieux de logique dans
leurs expressions, l'appellent principe de non-contradiction. Puisque l'usage est
le maître souverain du langage, il faut lui obéir ; d'autre part, il est bon de tra
vailler à l'harmoniser avec la logique. Je montrerai plus loin comment il serait
utile de conserver ces deux expressions.
2) Comme dans cette proposition l'opposition de l'être et du non-être n'est
peut-être pas assez nettement marquée, on pourrait dire en une formule plus
explicative : l'être n'est en rien identique au non-être. Les Principes de la Raison 193
Vètre n'est pas contradictoire. Cette dernière formule est l'équivalent
de celle-ci : Vètre n'est pas être-non-etre.
En somme nous aurions perçu jusqu'ici les rapports suivants:
L'être est affirmation, est identité ;
Vètre n'est pas négation, non-identité, contradiction.
Réciproquement, on pourrait dire :
L'affirmé, l'identique est être ;
Le nié, le non-identique, le contradictoire n'est pas être.
Ces cinq rapports se ramèneraient à deux si 1° toute affirmation
est une affirmation d'identité et si 2° l'idée de pure négation, de
néant est une pseudo-idée, une absence d'idée dissimulée par la
présence des mots.
Le premier de ces postulais est affirmé par certains scolastiques,
peut-être même par tous ; je ne l'examinerai pas en ce moment.
Quant au second, il paraît bien aussi adopté par ces mêmes
philosophes. Le R. P. Garrigou-Lagrange dit, d'après saint Thomas,
que « le pur néant ne peut être l'objet de pensée ». Je crois que
c'est aussi l'avis de M. Bergson. Si l'idée est l'acte par lequel
l'esprit se représente quelque chose, il faut bien qu'elle ait pour
objet un élément positif qui mérite le nom d'être l).
Lorsqu'on distingue dans Vêtre les êtres (ce que nous n'avons pas
encore fait), il faut aussi distinguer les trois rapports de négation,
de non-idenlilé, de contradiction. Alors, dans le premier cas, après
avoir pensé un être, on lui refuse telle ou telle forme de l'être ou
même l'existence : « cette chose (que je pense) n'existe pas, ou
n'est pas blanche, etc. ». Dans le second cas, on pense qu'il y a
deux êtres et non un seul et, par extension, que l'un n'est pas
semblable à l'autre : « Voilà une fleur et en voilà une autre et
celle-ci a telle différence avec celle-là ». Dans le troisième cas,
après aioir pensé un êlre et avoir aperçu en lui un élément, on
s'efforce de nier cet élément ou d'identifier cet être avec un autre
non identique : «Ce papier blanc n'est pas blanc, il est rouge».
Mais quand on n'envisage que l'être en général, quand on ne
distingue en lui aucune multiplicité ni aucune diversité, on ne peut
faire ces distinctions. Le non-identique est synonyme de contradic-
1) Aussi n'ai-je pas songé à donner du principe d'identité la formule : ce qui
n'est pas est ce qui n'est pas, en d'autres termes le non-être est le non-être. Des
termes purement négatifs ne me paraissent pas pouvoir se prêter à une affi
rmation ni même en somme à une pensée. Quand on formule la négation : le
non-être n'est pas, on attache un sens positif au mot « être » et pour éviter la
contradiction il faut penser implicitement à de l'être limité et contingent. A. Bouyssonie 194
toire. C'est ce qu'exprime le principe du tiers-exclu : être ou non-être,
il n'y a pas d'autre altern