«Lieu». Nishida, Nishitani, Derrida - article ; n°4 ; vol.92, pg 474-494
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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1994 - Volume 92 - Numéro 4 - Pages 474-494
La pensée du lieu chez Nishida, telle qu'il l'a développée en 1926 dans son explication avec Platon et Aristote, ouvre de nouvelles possibilités pour une pensée extrême-orientale qui travaille en particulier sur le dépassement du subjectocentrisme de la philosophie occidentale. Nishitani, un élève de Nishida, a voulu approfondir ce point de vue à partir du bouddhisme zen et cherche, à partir de là, à déterminer le lieu de jaillissement du savoir. Derrida, critique de l'ethnocentrisme, reprend la pensée platonicienne de la «chôra», cela même que Nishida avait utilisé au profit de sa pensée du lieu. Il apparaît donc que Nishida, Nishitani et Derrida, de manière chaque fois différente, cherchent chacun à faire signe en direction du même site de l' inapparent.
Nishida's thought on place, as developed in 1926 in his explanation of Plato and Aristotle, opens new possibilities for a far-eastern thought working in particular to overcome the subjectocentrism of western philosophy. Nishitani, a pupil of Nishida, sought to work out this viewpoint setting out from Zen Buddhism and seeks then to determine the fountain-head of knowledge. Derrida, a critic of ethnocentrism, returns to the Platonic notion of «Chora», which Nishida had used for his view of place. It appears, thus, that Nishida, Nishitani and Derrida, each in a different way, seek to give an indication in the direction of the same seat of the non-apparent. (Transl. by J. Dudley).
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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rolf Elberfeld
Jean-Pierre Deschepper
«Lieu». Nishida, Nishitani, Derrida
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 92, N°4, 1994. pp. 474-494.
Résumé
La pensée du lieu chez Nishida, telle qu'il l'a développée en 1926 dans son explication avec Platon et Aristote, ouvre de
nouvelles possibilités pour une pensée extrême-orientale qui travaille en particulier sur le dépassement du subjectocentrisme de
la philosophie occidentale. Nishitani, un élève de Nishida, a voulu approfondir ce point de vue à partir du bouddhisme zen et
cherche, à partir de là, à déterminer le lieu de jaillissement du savoir. Derrida, critique de l'ethnocentrisme, reprend la pensée
platonicienne de la «chôra», cela même que Nishida avait utilisé au profit de sa pensée du lieu. Il apparaît donc que Nishida,
Nishitani et Derrida, de manière chaque fois différente, cherchent chacun à faire signe en direction du même site de l' inapparent.
Abstract
Nishida's thought on place, as developed in 1926 in his explanation of Plato and Aristotle, opens new possibilities for a far-
eastern working in particular to overcome the subjectocentrism of western philosophy. Nishitani, a pupil of Nishida,
sought to work out this viewpoint setting out from Zen Buddhism and seeks then to determine the fountain-head of knowledge.
Derrida, a critic of ethnocentrism, returns to the Platonic notion of «Chora», which Nishida had used for his view of place. It
appears, thus, that Nishida, Nishitani and Derrida, each in a different way, seek to give an indication in the direction of the same
seat of the non-apparent. (Transl. by J. Dudley).
Citer ce document / Cite this document :
Elberfeld Rolf, Deschepper Jean-Pierre. «Lieu». Nishida, Nishitani, Derrida. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième
série, Tome 92, N°4, 1994. pp. 474-494.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1994_num_92_4_6875«Lieu»
Nishida, Nishitani, Derrida
i
La philosophie de Nishida (1870-1945), fondateur de l'école de
Kyoto, s'est développée, depuis sa première œuvre intitulée Essai sur le
Bien (1911), durant plus de trente ans1. Au cours de ce développement,
Nishida a toujours cherché, et de manière toujours nouvelle, à penser une
chose bien précise: «On peut dire que je mène toujours, de manière répét
ée, le même débat et que depuis Y Essai sur le Bien, mon but est de
voir et de penser les choses à partir d'un point de vue immédiat, qui soit
le plus fondamental. Il s'agit de la saisie de cela à partir de quoi provient
le tout et à quoi il retourne»2. Cette «chose» bien précise est en outre
déterminée de manière décisive par deux expériences fondamentales:
d'une part Inexpérience de la pensée», telle que la philosophie occident
ale depuis les Grecs l'a transmise sous la forme de la métaphysique, et
d'autre part l'«expérience de la pratique», telle qu'elle s'est déployée
dans le bouddhisme, de l'Inde et de la Chine jusqu'au Japon, et qui est
parvenue à un sommet dans le Chan, ou plutôt dans, le bouddhisme zen.
C'est donc de manière remarquable que chez Nishida se rencontrent deux
voies qui ont marqué de leur empreinte de grands espaces de culture.
Nishida avait étudié la philosophie occidentale de 1891 à 1894 à
l'Université de Tokyo et achevé ses études avec un travail sur Hume.
Peu après il commença à se consacrer sérieusement à la pratique du zen.
Lorsque l'expérience de l'éveil lui fut confirmée par son maître le 3 août
1903, il nota dans son journal: «La grande joie faisait pourtant défaut»3.
Il était tout simplement déçu.
1 Pour l'école de Kyoto, voir: Die Philosophie der Kyoto-Schule. Texte und
Einfùhrungen, hrsg. von Ryosuke Ohashi, Munich, 1990; Bernard Stevens, En guise
d'introduction: une présentation de l'école de Kyoto, dans Études phénoménologiques, n°
18, 1993.
2 Nishida Kitaro Zenshu (= NKZ) (Edition des œuvres complètes de Nishida),
Tokyo, 19874, vol. 9, p. 3.
3 NKZ 17, p. 119. «Lieu». Nishida, Nishitani, Derrida Al 5
Les impulsions issues des deux voies se montrèrent fécondes et
commencèrent lentement à s'unir en lui à partir de 1903, de sorte qu'il
put ébaucher pour la première fois en 1911, dans son Essai sur le Bien,
une philosophie extrême-orientale au sens strict. L'Essai sur le Bien est
d'une part l'ébauche d'une «philosophie première», du fait que l'étant y
est thématisé eu égard à son être, mais d'autre part il prend appui sur une
«expérience pure», préphilosophique, dont l'impulsion essentielle vient
de la pratique du bouddhisme zen. Nishida lui-même reprocha plus tard
à cette première ébauche de philosophie d'être «psychologisante», mais
c'est néanmoins avec elle qu'il mit en train quelque chose qui était pro
mis à un développement grandiose, et qui, en particulier au Japon, a
exercé une forte influence jusqu'à maintenant.
Nishida a esquissé son propre itinéraire intellectuel en 1936 dans la
troisième préface à VEssai sur le Bien. Il y dit: «Dans le recueil de
textes intitulé Intuition et réflexion dans la conscience de soi, 1" expé
rience pure' 'Tathandlung' fichtéenne, au point de mena, au moyen de la
vue du vouloir absolu, et ultérieurement ce point de vue parvint, dans la
deuxième moitié du recueil de textes intitulé De l'actif au voyant, au
moyen de la philosophie grecque, au tournant conduisant à la pensée du
lieu. Je réussis alors, pour la première fois, à concevoir ma sous
forme logique. La pensée du lieu se concrétisa sous la forme de la pen
sée de l'universel dialectique, et le point de vue de cet universel dialec
tique se conçut de manière encore plus immédiate dans V intuition agis
sante. Le monde de l'expérience immédiate et le monde de l'expérience
pure, tels que je les ai traités dans ce livre, je les pense maintenant
comme le monde de la réalité historiale»4. Conformément au thème de
ce texte, je veux me limiter à la pensée du «lieu», sans tenir compte ici
des autres lignes de développement5.
Dans sa pensée sur le «lieu» Nishida réussit, d'après ses propres
dires, à trouver un «fondement logique» à ses réflexions. La pensée du
«lieu» annonce, comme le dit Nishida, un «tournant» dans sa pensée.
C'est ce qu'annonce aussi le titre du quatrième tome, De l'actif au
voyant, où le texte intitulé Lieu est repris en avant-dernière position.
L' «actif» désigne l'élément actif qui prédominait jusqu'alors dans la
pensée de Nishida. Le «voir (voyant)» fait allusion à la nouvelle dimen-
4 NKZ l,p. 6.
5 J'ai donné un aperçu du développement de la pensée de Nishida dans une disser
tation qui sera publiée sous le titre Kitaro Nishida und die Frage nach der Interkultura-
litàt. .
476 Rolf Elberf eld
sion de sa pensée. C'est par la lecture de Plotin que Nishida avait découv
ert le «voir»6. Celui-ci n'est évidemment pas identique à la «vision»
chez Plotin. Le «voir» est une détermination ontologique chez Nishida.
Tout étant se constitue au moyen du «voir» de par le fond, au sens d'un
se «refléter» des choses. Ce voir est indifférent à l'opposition de l'exté
rieur et de l'intérieur, parce que tout est dans l'œil qui voit, lequel n'est
cependant pas lui-même visible. Nishida voulait ainsi «penser la percept
ion extérieure comme une sorte de perception intérieure»7. Il écrit: «Je
me détournai donc ainsi du volontarisme fichtéen vers une sorte d'intui-
tionnisme. Je pense toutefois que mon intuitionnisme est conçu diff
éremment et a un autre contenu que celui qui a été courant jusqu'à pré
sent. Ce n'est pas l'intuition de l'unité sujet-objet qui est chez moi le
fondement, mais je vois tout ce qui est étant et effectif comme quelque
chose qui s'est nié lui-même et qui, de la sorte, est une réflexion du soi
qui se réfléchit en lui-même. Je veux penser le 'voir (voyant)' non-
voyant au fondement de toutes

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