Nature humaine et compréhension de l être - article ; n°64 ; vol.59, pg 672-682
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1961 - Volume 59 - Numéro 64 - Pages 672-682
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Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Alphonse De Waelhens
Nature humaine et compréhension de l'être
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 59, N°64, 1961. pp. 672-682.
Citer ce document / Cite this document :
De Waelhens Alphonse. Nature humaine et compréhension de l'être. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série,
Tome 59, N°64, 1961. pp. 672-682.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1961_num_59_64_5096Nature humaine
et compréhension de l'être °
La notion de nature humaine est l'une de celles que la critique
contemporaine attaque le plus volontiers. On voit bien les raisons
de ce discrédit. Elles tiennent presque toutes au fait que derrière
la définition classique de cette nature se profilent un certain nombre
de présupposés qu'on estime généralement inacceptables. L'homme,
suivant cette conception, serait un étant simplement donné et sub
sistant (en termes heideggeriens un oorhandenes), un membre de
Yomnitudo realitatis, pourvu certes de caractères particuliers, absents
chez les autres membres de cette réalité auxquels, pour cette raison,
il est irréductible. Au surplus, ces relèvent à leur tour
du même mode d'être : ils sont eux aussi simplement donnés, sinon
à l'expérience sensible, du moins au regard de la réflexion. Je sais
bien, il est vrai, que selon la perspective classique la rationalité,
la sensibilité, voire la corporéité, sont des « accidents » au lieu que
l'homme est une substance. Mais, en dernière analyse, la distinction
n'a pas toute la portée qu'on voudrait lui conférer: les accidents
« inhérent » à la substance sur le mode de la Vorhandenheit, de
l'être-simplement-donné, tout comme la substance est simplement
donnée (vorhanden) dans l'être.
Je n'ignore pas non plus qu'il y a eu presque constamment
une tendance à assouplir la rigidité de cette vue, mais c'est un
autre fait qu'on n'a jamais attendu longtemps pour voir reparaître
ce substantialisme naturaliste, même chez ceux qui avaient entre
pris de le combattre.
Où faut-il donc chercher la source de cette faveur obstinée ?
Et d'autant plus obstinée qu'elle est généralement moins consciente
<*> Communication faite, en séance plénière, à la session inaugurale du
XIe Congrès des Sociétés de Philosophie de Langue Française, à Montpellier,
le 4 septembre 1961. Nature humaine.. et compréhension âe Vêtre 673
d'elle-même, qu'elle va de soi et... sans dire. Ici encore la critique
contemporaine tente d'éclairer notre lanterne. Elle prétend trouver
chez Platon l'origine de cet unitarisme, qu'elle relie à l'essence
même du frswpeîv. On connaît ses arguments, que nous nous
abstiendrons donc de développer. L'étant s'égale à la « vue » qu'on
en peut prendre, à son e!5oç. Par là, tous les étants sont, en der
nière analyse, semblables entre eux. Et la connaissance que nous
en avons ne fait pas exception, puisque sa rectitude se fonde sur
notre participation à l'Idée du bien, qui elle-même rend idéelles
toutes les autres idées, c'est-à-dire constitue comme visibles tous
les autres étants, ainsi rendus essentiellement identiques à la « vue »
qu'ils offrent en eux-mêmes et pour nous.
Selon Heidegger, à qui ici nous nous référons, toute la philo
sophie occidentale — c'est-à-dire, pour lui, toute philosophie —
a vécu, jusqu'à nos jours, du commentaire de ces thèses.
Ceci pose pour la question qui nous occupe un problème capit
al, qui subsiste même si nous demeurons réticents à l'égard de
la pensée heideggerienne. Ce problème est celui-ci: de quel droit
l'homme s'applique-t-il à lui-même un statut d'existence dont il est,
justement, lui-même l'instaurateur ? Autrement dit: si toute réalité
s'unifie en cela qu'elle lui est donnée, comment sa propre
pourrait-elle simplement être-donnée, puisqu'elle est ce par quoi,
seul, un donné à... est possible.
En d'autres termes, l'étant qui a pour être la compréhension
de l'être ne peut pas être un étant de même type que ceux dont
l'être est compris par l'Autre (l'homme) mais ne se comprend pas
lui-même.
Faut-il en conclure que la notion de nature est purement et
simplement à repousser ? Nous voyons bien que la question est
plus complexe, à preuve justement ce que Heidegger nous dit lui-
même: l'homme ou l'étant humain a pour être — se définit par —
la compréhension de l'être. Quelque chose peut donc se dire de
l'homme, qui demeurera vrai tant qu'il y aura des hommes et tant
qu'il y aura une vérité.
Cependant, ce que nous avions commencé par viser en parlant
de nature opère ainsi une mutation radicale.
Lorsqu'on dit de l'homme que son être est contemporain de
la vérité elle-même, cette parole n'est pas extrinsèque à ce qu'elle
dit. C'est, justement, ma compréhension de l'être, de mon être et
de tout être, qui m'autorise à énoncer cette proposition. L'affir- Alphonse Ùe Waelhem . 674
mation que l'homme s'égale à un certain règne — celui de la com
préhension de l'être — ne se distingue en rien de l'exercice de ce
règne. Or tel n'était pas le cas pour la conception. classique de la
nature humaine, dont renonciation demeurait absolument distincte
du type de réalité ou de vérité qui lui. était conféré par cet énoncé
même.
Il y a plus. La définition classique de la nature humaine s'éta
blit par l'addition de genres et d'une différence spécifique. Non
seulement, on l'a déjà dit, ces divers caractères « sont » de la
même manière en l'homme, mais encore faut-il ajouter que les
genres présents dans cette nature se retrouvent aussi identiquement
— c'est cela même que la logique classique entend par genre —
en d'autres natures. Notre « animalité » n'est pas différente de celle
du lion, notre corporéité pas différente de celle de la table, si
toutefois, comme on le doit, abstraction est faite des individualités
où elles sont prises. Seule la différence — que pour cette raison
on nomme spécifique — constitue la nature humaine — et toute
nature — en un ensemble autre que ceux où entrent également
les composantes génériques. Cette adjonction ne transforme donc
pas les notes auxquelles la différence spécifique est associée. Or
c'est ce qui paraît tout à fait inacceptable. Le privilège de la com
préhension de l'être s'avère en effet d'une telle portée qu'il trans
forme entièrement, et jusque dans ses soubassements, l'étant qui
en est doté. De sorte que la recherche définitionnelle des éléments
simplement communs que cet étant partage avec les étants dont
il est distinct par son privilège essentiel devient une opération qui
ne conduit qu'à des erreurs ou à des banalités. Remarquons, sans
y insister, que ceci trouve une confirmation dans le domaine empir
ique, dont témoignent, par exemple, les développements aussi sur
prenants qu'imprévisibles de la médecine psycho-somatique.
Mais attachons-nous tout particulièrement à ce que la concept
ion classique désigne par différence spécifique, c'est-à-dire pour
l'homme la rationalité. Les classiques feignent de la tenir pour une
note conceptuelle, donnée comme les autres, mais qu'il n'est plus
possible de retrouver dans la composition d'autres essences ou défi
nitions. A ce titre elle devrait être elle-même susceptible d'une défi
nition. Et c'est bien là que les difficultés commencent pour de vrai.
L'expression traditionnelle de lumen naturale en laisse soupçonner
exactement toutes les équivoques. L'idée de lumière ne donne rien
à comprendre sinon par référence à une analogie qui suppose la humaine ei compréhension de l'être 67$ Nature
question résolue. Elle comporte pourtant une indication qui, elle,
n'est pas équivoque. La référence à un phénomène de la nature
physique insinue que la rationalité sub-siste en l'homme comme

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