Ronald Dworkin, le libéralisme et l égalité - article ; n°3 ; vol.97, pg 550-580
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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1999 - Volume 97 - Numéro 3 - Pages 550-580
L'article vise à introduire à une des dimensions de la philosophie politique de Ronald Dworkin, sa tentative de penser l'unité du libéralisme politique et du libéralisme économique sous un concept d'égalité. Il restitue l'argumentation de Dworkin, de Taking Rights Seriously (1977) jusqu'à Foundations of Liberal Equality (1990), en passant par les articles sur l'égalité de 1981-1987. Il s'attache à montrer plus particulièrement comment Dworkin, en dégageant progressivement le fondement moral de l'idéal libéral (du système des libertés fondamentales, de la démocratie constitutionnelle et de l'économie de marché), en vient à définir le libéralisme comme un républicanisme et peut ainsi le distinguer clairement des théories politiques aussi bien conservatrices que communautariennes. L'article propose, particulièrement dans sa dernière section, une interprétation de cette conception du libéralisme, en la confrontant à d'autres théories politiques contemporaines (Rawls, Larmore, Gauthier, Habermas).
The article aims to provide an introduction to one of the dimensions of Ronald Dworkin's political philosophy, his attempt to think the unity of political liberalism and of economic liberalism under the concept of equality. It sets out Dworkin's argumentation, from Taking Rights Seriously (1977) to Foundations of Liberal Equality (1990), while taking account of the articles on equality from 1981-1987. It is concerned more precisely to show how Dworkin, by progressively uncovering the moral foundation of the liberal ideal (of the system of fundamental freedoms, from constitutional democracy to the market economy), comes to define liberalism as a republicanism and can thus distinguish it clearly from both conservative and communitarian political theories. The article proposes, particularly in its final section, an interpretation of this conception of liberalism, by confronting it with other contemporary political theories (Rawls, Larmore, Gauthier, Habermas). (Transl. by J. Dudley).
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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Serge Champeau
Ronald Dworkin, le libéralisme et l'égalité
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 97, N°3-4, 1999. pp. 550-580.
Résumé
L'article vise à introduire à une des dimensions de la philosophie politique de Ronald Dworkin, sa tentative de penser l'unité du
libéralisme politique et du libéralisme économique sous un concept d'égalité. Il restitue l'argumentation de Dworkin, de Taking
Rights Seriously (1977) jusqu'à Foundations of Liberal Equality (1990), en passant par les articles sur l'égalité de 1981-1987. Il
s'attache à montrer plus particulièrement comment Dworkin, en dégageant progressivement le fondement moral de l'idéal libéral
(du système des libertés fondamentales, de la démocratie constitutionnelle et de l'économie de marché), en vient à définir le
libéralisme comme un républicanisme et peut ainsi le distinguer clairement des théories politiques aussi bien conservatrices que
communautariennes. L'article propose, particulièrement dans sa dernière section, une interprétation de cette conception du
libéralisme, en la confrontant à d'autres théories politiques contemporaines (Rawls, Larmore, Gauthier, Habermas).
Abstract
The article aims to provide an introduction to one of the dimensions of Ronald Dworkin's political philosophy, his attempt to think
the unity of political liberalism and of economic liberalism under the concept of equality. It sets out Dworkin's argumentation, from
Taking Rights Seriously (1977) to Foundations of Liberal Equality (1990), while taking account of the articles on equality from
1981-1987. It is concerned more precisely to show how Dworkin, by progressively uncovering the moral foundation of the liberal
ideal (of the system of fundamental freedoms, from constitutional democracy to the market economy), comes to define liberalism
as a republicanism and can thus distinguish it clearly from both conservative and communitarian political theories. The article
proposes, particularly in its final section, an interpretation of this conception of liberalism, by confronting it with other
contemporary political theories (Rawls, Larmore, Gauthier, Habermas). (Transl. by J. Dudley).
Citer ce document / Cite this document :
Champeau Serge. Ronald Dworkin, le libéralisme et l'égalité. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 97,
N°3-4, 1999. pp. 550-580.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1999_num_97_3_7166Dworkin, le libéralisme et l'égalité Ronald
L'objectif de ces pages est limité. Il est d'introduire à une des
dimensions de la philosophie politique de Ronald Dworkin. L'œuvre de
Dworkin1 n'est en effet ici considérée et questionnée que dans sa ten
tative de penser l'unité du libéralisme politique et du libéralisme éco
nomique sous un concept d'égalité. Des pans entiers de l'argumentat
ion ne sont abordés que de manière indirecte2 ou laissés dans l'ombre3.
Qui plus est, la théorie du libéralisme est présentée comme un
ensemble de conclusions artificiellement isolées du sol où elles pren
nent naissance, le minutieux travail d'interprétation du droit constitu
tionnel américain, au plus près de la pratique des juristes, et la théorie
de l'interprétation juridique qui le sous-tend4. Coupées de cet arrière-
plan, ces conclusions risquent d'apparaître comme le résultat d'un ra
isonnement a priori, alors que la démarche de Dworkin n'est pas de
type constructiviste. La question de l'évolution de la pensée de
Dworkin, de Prendre les droits au sérieux — point de départ de cette
étude — jusqu'aux derniers articles sur l'égalité, n'est pas non plus
envisagée pour elle-même. Les approfondissements et infléchissements
ultérieurs ne sont considérés que sous l'angle particulier de cette étude.
Enfin la question de savoir dans quelle mesure la théorie de Dworkin
s'inscrit ou non dans le prolongement d'une tradition qui ancre le lib
éralisme dans la valeur d'égalité ne peut être examinée dans le cadre de
cet article. Je me contenterai, afin de faire apparaître l'originalité et la
puissance de la perspective de Dworkin, de signaler quelques conver-
1 Cf. la bibliographie qui figure à la fin de cette étude.
2 Par exemple la justification des droits particuliers à partir du principe du droit,
dans les nombreux articles consacrés à l'avortement, à l'euthanasie, à l'affirmative action,
à la liberté de la presse, aux droits politiques...; ou encore la très fine élaboration des
concepts éthiques présentée dans Foundations of Liberal Equality.
3 Par exemple la conception de la démocratie présentée dans What is Equality?
Part 4: Political Equality, et les arguments relatifs à l'articulation, dans une démocratie
libérale, des procédures majoritaires et du travail des juges chargés d'interpréter la
Constitution.
4 Cf. Prendre les droits au sérieux (particulièrement aux pages 52-55) et L'empire
du droit. R. Dworkin, le libéralisme et l'égalité 551
gences et divergences avec des théories contemporaines du droit et de
la politique5.
Les ouvrages et articles de Dworkin n'étant que partiellement dis
ponibles en français, le début de l'étude s'attache à restituer, pour la
clarté du propos, les grandes lignes de l'argumentation de Dworkin. La
conclusion avance quelques hypothèses interprétatives.
Droit et politique
La distinction du droit et de la politique — qui, on le verra, ne doit
pas être durcie au point de faire perdre de vue leur racine commune —
est au cœur de l'interprétation de la société libérale que propose
Dworkin. Expliciter les idéaux libéraux (le système des libertés fonda
mentales, la démocratie constitutionnelle et l'économie de marché) et la
cohérence de ceux-ci, c'est d'abord faire apparaître que les droits sont
pensés, dans une telle société, comme des atouts politiques contre
l'Etat, détenus par les individus6. Le principe de toute politique est en
effet de chercher à atteindre des buts qui satisfont les intérêts de la com
munauté7. Mais telle est selon Dworkin la conception libérale du
droit — ces buts ne peuvent fournir une justification suffisante pour pri
ver les individus de leurs droits (par exemple pour obliger les enfants
noirs à suivre un enseignement dans des écoles noires si la situation
d'un grand nombre de citoyens, parmi lesquels ces enfants eux-mêmes
peut-être, devait s'améliorer au cas où une telle mesure serait adoptée).
La perspective de Dworkin est donc clairement anti-utilitariste. Elle
range son auteur du côté des théories de la morale et du droit qui, à
l'instar de celle de Kant, refusent d'ancrer les normes dans la recherche
du bonheur collectif (c'est-à-dire de considérer qu'elles sont en harmon
ie avec cette recherche ou de postuler, à la manière des historicistes,
qu'elles pourraient être déduites du processus historique). Seule une
argumentation morale peut établir l'idée que les individus sont porteurs
5 Celles avec lesquelles Dworkin entre en débat mais aussi d'autres qui peuvent
permettre d'éclairer sa démarche: par exemple la perspective, très différente, dans l'esprit
de Hobbes, de David Gauthier dans Morals by agreement (Oxford, Clarendon Press,
1986), ou celle, plus proche de Dworkin, de Charles Larmore (Morale et modernité, Paris,
PUF, 1993).
6 Prendre ...,44.
7 Cette formule, acceptable en première approximation, ne suffit pas, on le verra, à
caractériser la politique d'une société libérale. 552 Serge Champeau
de droits8. Le cœur de celle que présente Prendre les droits au sérieux
met en évidence ce qui fait la faiblesse de tout utilitarisme. Une politique
qui, globalement, satisfait le plus grand nombre de préférences, peut semb
ler, parce qu'elle respecte l'impartialité, incarner le droit, chaque
citoyen y étant traité à l'égal de tout autre. Mais parce que les préférences
ne sont pas seulement personnelles mais aussi externes (elles concernent
l'attribution de biens et de possibilités à d'autres qu'à moi-même: je peux
avoir une préférence en défaveur de l'homosexualité, par exemple, ou des
préjugés raciaux), les théories utilitaristes rendent possibles les majorit

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