Une étude sur le bien - article ; n°1 ; vol.97, pg 19-29

Kitarô Nishida

Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1999 - Volume 97 - Numéro 1 - Pages 19-29
11 pages

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: REVUE_PHILOSOPHIQUE_DE_LOUVAIN
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 21
• Langue: Français

Extrait

Kitarô Nishida.
Bernard Stevens
Michiko Maeno
Joël Bouderlique
Hisao Matsumaru
Une étude sur le bien
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 97, N°1, 1999. pp. 19-29.
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Nishida. Kitarô, Stevens Bernard, Maeno Michiko, Bouderlique Joël, Matsumaru Hisao. Une étude sur le bien. In: Revue
Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 97, N°1, 1999. pp. 19-29.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1999_num_97_1_7133Une étude sur le bien
I. Les « Avant-propos »
Avant-propos de la première édition
J'ai rédigé ce livre sur une période de plusieurs années alors que
j'enseignais à la quatrième école supérieure à Kanazawa. J'avais d'abord
pensé en publier une partie, en particulier celle consacrée à la réalité,
après en avoir argumenté le contenu de manière plus serrée. Mais, ayant
été entravé par la maladie et par une série d'autres circonstances, je n'ai
pas pu réaliser ce projet. De ce fait plusieurs années se sont écoulées
durant lesquelles ma pensée vint à changer. Et, me rendant compte de la
difficulté de mener à terme mon intention initiale, je me suis alors résolu
à risquer la publication du livre tel quel.
Les deuxième et troisième parties du livre ayant été terminées
d'abord, les première et quatrième parties leur ont été ajoutées par
après, formant ainsi la séquence actuelle. L'objet de la première partie
est de clarifier la nature de l'expérience pure qui est le fondement de
ma pensée. Mais celui qui lit ce livre pour la première fois ferait
mieux de sauter ce passage. C'est en effet la deuxième partie, dans
laquelle j'expose ma pensée philosophique, qui devrait être considérée
comme le noyau de l'ouvrage. Dans la troisième partie, le bien est
finalement thématisé sur base de la pensée exposée dans la partie pré
cédente, mais je pense qu'il n'y a pas d'objection à ce qu'elle puisse
être considérée comme une éthique autonome. Dans la quatrième part
ie j'ai exposé ma pensée sur la religion, domaine que je considérais
alors comme l'aboutissement de la philosophie. Cette partie comporte
de nombreuses imperfections du fait qu'elle a été composée alors que
j'étais souffrant, mais je pense néanmoins avoir réussi à mener ma
pensée jusqu'au bout. La raison pour laquelle j'ai intitulé ce livre «une
étude sur le bien», malgré le fait que des investigations philosophiques
en occupent toute la première moitié, est que j'ai pensé en définitive
que le problème de la vie humaine en constituait le coeur ainsi que le
terme. 20 Kitarô Nishida
Pendant bien longtemps j'ai pensé pouvoir tout expliquer au moyen
de l'expérience pure comme seule réalité. Au début j'essayais de lire des
auteurs tels que Mach, mais je n'arrivais pas à y trouver pleine satisfac
tion. Lorsqu'un jour j'ai compris que ce n'est pas parce qu'il y a un indi
vidu qu'il y a une expérience: c'est parce qu'il y a une expérience qu'il
y a un individu et l'expérience est plus fondamentale que les différences
individuelles; à partir de quoi j'ai pu éviter le solipsisme. En outre, du
fait que je pensais sous forme active, je pensais également
pouvoir entrer en consonance avec la philosophie transcendantale post-
fichtéenne. Et pour finir j'ai écrit la deuxième partie de ce livre dont il
n'est plus nécessaire de dire qu'elle comporte encore de nombreuses
imperfections.
Un quidam faisant une chose telle que de la spéculation peut bien
être ridiculisé par Méphisto pour ressembler à un animal qui mange de
la paille sèche alors qu'il se trouve dans une prairie verdoyante. Mais un
philosophe (Hegel) disait qu'il était condamné à penser les choses de
manière philosophique, parce qu'un homme qui a goûté une seule fois
du fruit défendu ne peut plus échapper à un tel supplice.
à Kyoto
au mois de janvier
en l'an 44 de l'ère Meiji
Avant-propos de la réimpression
Plus de dix années se sont déjà écoulées depuis la première publi
cation de ce livre, qui lui-même avait été rédigé encore bien des années
auparavant.
Après mon arrivée à Kyoto j'ai pu me consacrer de manière exclu
sive à la lecture et à la réflexion de sorte que j'ai réussi dans une certaine
mesure à enrichir et raffiner ma pensée. Et par voie de conséquence j'en
suis arrivé à trouver ce livre insuffisant au point d'envisager finalement
de le retirer du circuit de l'édition. Mais, étant donné que par la suite on
m'a demandé de tous côtés de réimprimer le livre, et, pensant qu'il me
faudrait encore bien des années avant de réussir à exprimer l'intégralité
de ma pensée sous la forme d'un ouvrage comparable, je me suis résolu
à ce qu'on le publie de nouveau. C'est pour moi l'occasion d'exprimer
ma gratitude à Messieurs Mutai et Sera, bacheliers en lettres, qui tous Une étude sur le bien 21
deux, en prenant la peine d'effectuer la révision des termes et la correc
tion des épreuves, ont contribué au succès de cette réimpresstion.
Kitarô Nishida
au mois de janvier
en l'an 10 de l'ère Taisho
Pour la réédition
Etant donné les nombreuses réimpressions de cet ouvrage, certains
caractères ont fini par manquer de lisibilité, de sorte qu'il a fallu procé
der à une nouvelle édition. Ce livre, dans lequel j'ai rassemblé ma pen
sée tant bien que mal, est mon premier ouvrage publié et il n'est rien de
plus qu'un produit de mes années de jeunesse. Aujourd'hui je serais
tenté d'en corriger plusieurs erreurs, mais la pensée étant quelque chose
qui a chaque fois sa vie propre, je ne peux plus changer ce livre dont je
suis maintenant séparé par tant d'années. Il n'y a rien d'autre à faire à
son sujet que de le laisser tel qu'il est.
En regardant aujourd'hui ce livre de manière rétrospective, son
point de vue est un point de vue de la conscience et il peut également
être considéré comme étant de type psychologiste. Position certes crit
iquable, mais contre quoi je ne puis plus rien. Néanmoins je pense que,
déjà à l'époque où ce livre a été écrit, ce qui était celé au plus profond
de mon esprit n'était pas réductible à une telle position. Le point de vue
de l'expérience pure s'est transformé pour atteindre celui de Intuition et
réflexion dans l'éveil à soi, en passant par le point de vue fichtéen de
l'agir effectif, pour ensuite continuer en direction du point de vue de la
volonté absolue et plus loin encore, dans la seconde moitié de l'ouvrage
intitulé De ce qui agit à ce qui voit, en direction du tournant qui, à la
faveur d'une médiation par la philosophie grecque, le conduisit alors à
la pensée du «lieu». A ce stade, je pense avoir accompli le pas décisif
en vue d'une clarification logique de ma pensée. La pensée du «lieu» a
prit corps sous la forme de «l'universel dialectique», et le point de vue
de «l'universel dialectique», à son tour, a pris la tournure de l'immé-
diateté propre au point de vue de «l'intuition agissante». Ce qui a été
appelé monde de l'expérience pure et monde de l'expérience immédiate
dans ce livre-ci est finalement devenu ce qui est pensé aujourd'hui
comme monde de la réalité historique. En vérité, le monde de l'intuition 22 Kitarô Nishida
agissante, le monde de la poiesis, c'est très précisément le monde de
l'expérience pure.
Fechner a raconté comment un matin, alors qu'il se reposait sur un
banc du Rosenthal de Leipzig, contemplant le spectacle printanier des
fleurs embaumantes, du chant des oiseaux et de la danse des papillons au
milieu d'une clairière inondée de soleil, il fut tout entier absorbé par
cette vision diurne où l'être tel est la vérité de l'être, par contrast