Les Vertus et propriétés des Mignons
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Variétés historiques et littéraires, Tome VIILes Vertus et Propriétés des Mignons.15761Les Vertus et Propriétés des Mignons .25 juillet 1576.C’est assez chanté de l’amour,Il faut une nouvelle corde,Qu’un son plus tonnant nous accordeLes indignitez de la cour ;Car chantant un accord semblable,On n’est pas tousjours agréableÀ toutes espèces d’humeurs :L’abeille le doux miel composeDu thin, du lys et de la rose,Et non tousjours de mesmes fleurs.Ainsi qu’au printemps bien souventUne saison mal temperée,Pour nostre malheur, fait et crée,Par un trop chaut humide vent,La chenille et la sauterelle,Ennemis de l’herbe nouvelle,Des boutons jadis fleurs-naissans,Qui, bestes du tout inutiles,Rongeans l’espoir des champs fertiles,Donnent la cherté aux paysans.Tout ainsi les trop libres loisDe la serve et esclave FranceOnt permis de prendre accroissance,Autour de nos princes et roys(Et c’est pour vengence divine)À je ne sçay quelle vermineDe mignons venus en trois nuicts,Qui, comme les chenilles, paissentNos fleurs sitost comme elles naissent,Et mangent en herbe nos fruicts.Nostre roy doit cent millions,Et faut, pour acquiter les debtesQue messieurs les mignons ont faites,Rechercher les inventions2Du nouveau tyran de Florence ,Et les pratiquer en la France ;Avant que l’argent en soit prestMonsieur le mignon le consomme,3Et fait-on party de la sommeÀ cent pour cent pour l’interest.Et cependant que les liensDe ces tyranniques gabelles,Et les ...

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Variétés historiques et littéraires, Tome VII Les Vertus et Propriétés des Mignons. 1576
1 Les Vertus et Propriétés des Mignons. 25 juillet 1576.
C’est assez chanté de l’amour, Il faut une nouvelle corde, Qu’un son plus tonnant nous accorde Les indignitez de la cour ; Car chantant un accord semblable, On n’est pas tousjours agréable À toutes espèces d’humeurs : L’abeille le doux miel compose Du thin, du lys et de la rose, Et non tousjours de mesmes fleurs.
Ainsi qu’au printemps bien souvent Une saison mal temperée, Pour nostre malheur, fait et crée, Par un trop chaut humide vent, La chenille et la sauterelle, Ennemis de l’herbe nouvelle, Des boutons jadis fleurs-naissans, Qui, bestes du tout inutiles, Rongeans l’espoir des champs fertiles, Donnent la cherté aux paysans.
Tout ainsi les trop libres lois De la serve et esclave France Ont permis de prendre accroissance, Autour de nos princes et roys (Et c’est pour vengence divine) À je ne sçay quelle vermine De mignons venus en trois nuicts, Qui, comme les chenilles, paissent Nos fleurs sitost comme elles naissent, Et mangent en herbe nos fruicts.
Nostre roy doit cent millions, Et faut, pour acquiter les debtes Que messieurs les mignons ont faites, Rechercher les inventions 2 Du nouveau tyran de Florence, Et les pratiquer en la France ; Avant que l’argent en soit prest Monsieur le mignon le consomme, 3 Et fait-on party de la somme À cent pour cent pour l’interest.
Et cependant que les liens De ces tyranniques gabelles, Et les faix des daces nouvelles Qu’inventent les Italiens, Cruellement tuent et accablent 4 Le peuple françois miserable, Ces beaux mignons prodiguement Se veautrent parmi leurs délices, Et peut estre dedans tels vices
Qu’on ne peut dire honnestement.
Leur parler et leur vestement Se voit tel qu’une honneste femme 5 Auroit peur de recevoir blasme S’habillant si lascivement. Le col ne se tourne à leur aise 6 Dans le long reply de leur fraise. Desja le froment n’est pas bon Pour l’empoix blanc de leur chemise ; Il faut, pour façon plus exquise, Faire de ris leur amidon.
Leur poil est tondu par compas, Mais non d’une façon pareille, Car en avant, depuis l’oreille, ll est long, et derrière bas. Il se tient droit par artifice, Car une gomme le herisse Ou retord ses plis refrisez, Et dessus leur teste legère Un petit bonnet par derrière 7 Les monstre encor plus desguisez .
Je n’ose dire que le fard Leur soit plus commun qu’à la femme : 8 J’aurois peur de leur donner blasme Qu’entre eux ils pratiquassent l’art De l’impudique Ganimede. Quant à leur habit, il excede 9 Leur bien, et un plus grand encor; Car le mignon, qui tout consomme, Ne se vest plus en gentil-homme, Mais (comme un prince) de drap d’or.
10 Pensez-vous que ces vieux François Qui, par leurs armes valeureuses, En tant de guerres dangereuses Ont fait retentir autrefois Le bruit espandu de leur gloire, Avec le nom de leur victoire, 11 De çà, de là, de toutes parts, Eussent leur chemise empoisée, Eussent la perruque frisée, 12 Eussent le taint blanchi de fard?
Hector ainsi ne s’atteintoit, Ainsi ne s’atteintoit Achille, L’un qui, preux, défendoit sa ville, Et l’autre qui la combattoit. Mais ainsi le mol Alexandre, Qui ne savoit pas se defendre, S’accoustroit d’un atour mignard Et fuyoit au bruit des armes ; Et au grand conflict des alarmes Se cachoit, poltron et couard.
Et toutefois ce mol troupeau, Ces faces ganymediennes, Ces ames epicuriennes, Qui ne sont qu’un pesant fardeau Et faix inutile à la France, Consomment toute la substance De l’eglise et du noble aussy. Et le tiers estat miserable Gemit sous le faix importable De ces prodigues sans soucy.
Les premiers et plus grands honneurs De vous, anciens capitaines, Pour la couronne de vos peines, Sont pour ces delicats seigneurs,
Qui, pour le guerdon de leurs vices, Sont jouissans en leurs delices De l’honneur par vous merité. Que vous sert d’aller à la guerre, Puisqu’on peut tels degrez acquerre Par une molle oisiveté ?
Les grands biens à Dieu destinez Et consacrez à son service Sont, pour nourrissiers de leur vice, Baillez à ces effeminez, Qui trocquent, eschangent et vendent Les bénéfices, et despendent Les biens vouez au crucifix, Que l’on leur baille en mariage, En guerdon de maquerellage, Ou pour chose de plus vil prix.
Et, pour pouvoir mieux contenter Leur pompe, leur jeu, leur bombance Et leur trop prodigue despense, Il faut tous les jours inventer 13 Nouveaux estats, nouvelles tailles, Qu’il faut du profond des entrailles Des povres sujets arracher, Qui traînent leurs chetives vies Sous les griffes de ces harpies Qui avallent tout sans mascher.
Ouvrez les yeux, peuples françois, Voyez vostre estat miserable, Vous de qui le nom redoutable Faisoit peur aux plus puissans rois Et aux nations les plus braves ; Ores, miserables esclaves, Sous tel joug cois vous vous tenez, Et laissez manger la substance De tous les estats de la France À ces mols et effeminez.
1. Cette satire en couplets « fut semée en ce temps à Paris et divulguée partout soubs ce titre. » L’Estoille, qui en parle ainsi (édit. Michaud, t. 1, p. 74), ne manqua pas de la recueillir. Elle se trouve parmi les manuscrits qui sont à la Bibliothèque impériale, mais les anciens éditeurs de sonJournalont eu la pruderie de ne pas l’y joindre à sa date. M. Champollion l’a seul osé à moitié. À la suite du passage que je viens de citer, il a donné six des couplets. Les autres méritoient le même honneur, M. V. Luzarche l’a pensé ; aussi a-t-il publié toute la pièce dans une note de son excellente édition duJournal historiquede P. Fayet, 1852, in-12, p. 151–160 ; nous le pensons comme lui, et c’est ce qui nous la fait reproduire ici. Nous en prenons le texte dans un volume très rare :Le cabinet du roy de France, dans lequel il y a trois perles précieuses d’inestimable valeur, par le moyen desquelles Sa Majesté s’en va le premier monarque du monde, et ses sujets pas du tout soulagez, 1581, in-8. Elle y porte pour titre :Les indignitez de la cour, et il existe quelques différences entre son texte et celui du manuscrit de L’Estoille. Nous indiquerons les principales. 2. François de Médicis étoit alors grand-duc de Toscane. On sait quelle étoit son habileté pour l’invention de nouveaux impôts et sa rigueur à les exiger. Quatre ans après l’époque dont on parle ici, il ne fut arrêté ni par la famine, ni par la peste, qui désoloient ses états, et leva des contributions plus que jamais exorbitantes. 3.Var. : Et fait un party de la somme. 4. V. l’une des précédentes pièces sur lesimpositeurs italiens.
5.Var. :
6.Var. :
Auroit peur d’en recevoir blasme En usant si lascivement.
Leur œil ne se trouve à son aise Dedans le reply de leur freize.
Le premier vers vaut mieux en ce qu’il donne une idée de la hauteur des fraises, qui alloient jusqu’aux yeux. 7. « Ces beaux mignons, dit L’Estoille (t. 1, p. 74), portoient les cheveux longuets, frisés et refrisés par artifice, remontant par-dessus leurs petits bonnets de velours, comme font les putains, et leurs fraizes de chemise de toile d’atour empesez et longues de demi-pied, de façon qu’a voir leurs testes dessus leurs fraizes, il sembloit que ce fust le chef de saint Jean dans un plat. » Une anecdote qui se trouve dans lePeroniana (Cologne, 1691, in-12, p. 145) donne mieux que tout ce que nous pourrions dire une idée de la largeur des fraises qui se portoient alors : « La reyne, lisons-nous…, ayant mis une fort grande fraize, voulut manger de la bouillie et se fit apporter une cuiller qui avoit un fort grand manche, si bien qu’elle pouvoit manger sa bouillie sans gâter sa fraize. » Henri III s’en étoit lassé quelque temps : « Au commencement de novembre (1575), dit l’Estoille, le roi laissa sa chemise à grands godrons, dont il étoit autrefois si curieux, pour en prendre à collet renversé à l’italienne. » Mais en 1578 la mode des fraises « d’un tiers d’aulne » reprit plus que jamais fureur. (Mém. de P. Fayet, p. 2.) Lescolletsrevinrent et restèrent. Sous Louis XIV pourtant, les arriérés, comme le Sganarelle de l’École des maris, jouée en 1661, ne s’y étoient pas encore conformés. « Ma foi, dit Lisette de ce suranné, Ma foi, je l’enverrois au diable avec sa fraize. » V., sur les collets et rabats à godrons, t. 1, p. 163. 8.Var. : J’avois peur d’en recevoir blasme. 9.Var. : Tout leur bien et tout leur trésor.
10.Var. :
Pensez-vous que nos beaux François. 11.Var. : En tant de périlleux hazards. 12. Longtemps ce fut le blanc dont on se placardoit la figure qui s’appelafard. V.Notice e des manuscrits, t. 5, p. 163. L’usage universel du rouge au 18siècle, où la poudre dont on se couvroit la tête rendoit le blanc impossible pour le visage, a seul fait donner au mot fardle sens que nous lui donnons. Regnier (sat. 9, v. 8) parle aussi de lacérusedont on se fardoit. Cette mode de teinture faciale étoit venue d’Italie, comme tous les vices et les ridicules du même temps. V., dans un livret très rare publié vers 1500,Bazelletta del preclarissimo poeta Faustino de Rimine, un sonnet moral sur la manie de se farder (Catal. Libri, p. 238, nº 1481). 13.Var. : Nouveaux imposts.
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