Dissuasion et non-prolifération : un équilibre difficile, nécessaire mais rompu - article ; n°3 ; vol.60, pg 707-721
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Politique étrangère - Année 1995 - Volume 60 - Numéro 3 - Pages 707-721
Deterrence and Non-Proliferation, a Delicate, Necessary, but Upset Balance, by Pascal Boniface
Deterrence and the non-proliferation of nuclear weapons are not contradictory, but rather complementary as a balance is maintained. France once stood aside from the NPT, as it considered Soviet-American arms control an obstacle to the constitution of its own nuclear deterrent. Having joined the Treaty, France made non-proliferation its strategic priority since 1991, albeit to the detriment of its policy of deterrence. The insistence it devoted to the unlimited extension of the NPT has led France to make concessions to non nuclear states, with detrimental effects on deterrence. The decision to renew nuclear testing further compounds the delegitimisation of deterrence.
La dissuasion et la non-prolifération des armes nucléaires ne sont pas antagoniques mais bien plutôt complémentaires si l'on respecte un équilibre entre les deux. La France, après avoir refusé de s'associer au Traité de non-prolifération (TNP) — la maîtrise des armements soviéto-américaine lui paraissant dirigée contre la constitution de sa force nucléaire —, fait de la non-prolifération, après 1991, sa priorité stratégique, au détriment de sa politique de dissuasion. L'insistance qu'elle a mise à soutenir un renouvellement illimité du TNP l'a conduite à faire des concessions aux pays non nucléaires dommageables à sa politique de dissuasion. La décision de reprendre les essais nucléaires va venir accentuer la délégitimation de la dissuasion.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Boniface
Dissuasion et non-prolifération : un équilibre difficile, nécessaire
mais rompu
In: Politique étrangère N°3 - 1995 - 60e année pp. 707-721.
Abstract
Deterrence and Non-Proliferation, a Delicate, Necessary, but Upset Balance, by Pascal Boniface
Deterrence and the non-proliferation of nuclear weapons are not contradictory, but rather complementary as a balance is
maintained. France once stood aside from the NPT, as it considered Soviet-American arms control an obstacle to the constitution
of its own nuclear deterrent. Having joined the Treaty, France made non-proliferation its strategic priority since 1991, albeit to the
detriment of its policy of deterrence. The insistence it devoted to the unlimited extension of the NPT has led France to make
concessions to non nuclear states, with detrimental effects on deterrence. The decision to renew nuclear testing further
compounds the delegitimisation of deterrence.
Résumé
La dissuasion et la non-prolifération des armes nucléaires ne sont pas antagoniques mais bien plutôt complémentaires si l'on
respecte un équilibre entre les deux. La France, après avoir refusé de s'associer au Traité de non-prolifération (TNP) — la
maîtrise des armements soviéto-américaine lui paraissant dirigée contre la constitution de sa force nucléaire —, fait de la non-
prolifération, après 1991, sa priorité stratégique, au détriment de sa politique de dissuasion. L'insistance qu'elle a mise à soutenir
un renouvellement illimité du TNP l'a conduite à faire des concessions aux pays non nucléaires dommageables à sa politique de
dissuasion. La décision de reprendre les essais nucléaires va venir accentuer la délégitimation de la dissuasion.
Citer ce document / Cite this document :
Boniface. Dissuasion et non-prolifération : un équilibre difficile, nécessaire mais rompu. In: Politique étrangère N°3 - 1995 - 60e
année pp. 707-721.
doi : 10.3406/polit.1995.4447
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1995_num_60_3_4447POLITIQUE ÉTRANGÈRE / 707
Dissuasion et non-prolifération :
Pascal BONIFACE * un équilibre difficile, nécessaire
mais rompu
La dissuasion et la non-prolifération nucléaires peuvent être considérées soit
comme parfaitement antagonistes, soit comme totalement complémenta
ires. La France a tenu successivement l'un puis l'autre raisonnement. Le
problème ne se pose évidemment pas dans les mêmes termes pour tous les pays.
Pour un Etat non doté d'armement nucléaire, l'incompatibilité entre la non-prol
ifération et la dissuasion est une évidence.
Dissuasion et non-prolifération : les deux faces d'une même pièce
Pour un pays nucléaire, au contraire, la non-prolifération peut venir renforcer la
dissuasion. Tout d'abord, en ne permettant pas ou en rendant plus difficile l'ac
cès d'autres pays à l'arme nucléaire, elle conforte l'avantage relatif des pays
nucléaires. La prolifération viendrait diminuer l'intérêt du statut d'Etat nucléaire
et en relativiser l'avantage. Lorsque l'on est un Etat nucléaire, mieux vaut que le
club soit composé de 5 membres plutôt que de 8, et de 8 plutôt que de 20.
Il ne s'agit d'ailleurs pas seulement d'une suprématie politique. Concrètement,
si de nouveaux Etats accédaient à l'arme nucléaire, la marge de manoeuvre mili
taire des pays qui la possèdent déjà serait limitée. Chacun s'accordera à recon
naître qu'il n'y aurait pas eu d'opération Bouclier du désert et encore moins
Tempête du désert si l'Irak avait possédé des armes nucléaires. Cependant, si
l'Irak avait été un Etat nucléaire, on peut penser que l'attitude des Etats-Unis en
juillet 1990, c'est-à-dire avant l'invasion du Koweit, aurait été différente.
L'émergence de nouveaux pays nucléaires amoindrirait automatiquement nos
capacités d'intervention extérieure, sans pour autant, comme cela est parfois
imaginé — et c'est le mot qui convient — , poser de problème de sécurité pour
le territoire français.
Il faut également avoir en tête le risque, de nature mathématique celui-ci, que
représente la prolifération nucléaire. Plus grand sera le nombre de pays possé
dant l'arme, plus forts seront les dangers de voir cette arme utilisée. Il y a là un
risque exponentiel dans la mesure où le passage de 8 à 16 pays nucléaires entraî
nerait une probabilité de voir l'arme utilisée bien supérieure à 2. Comme l'util
isation de l'arme nucléaire ruinerait l'idée de dissuasion, on voit que la
::" Directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Paris. / POLITIQUE ÉTRANGÈRE 708
non-prolifération vient conforter la dissuasion en évitant une banalisation de
l'arme nucléaire et en lui conservant un caractère sacré.
On pourrait paraphraser la formule selon laquelle désarmement et sécurité sont
les deux faces d'une même pièce en écrivant que dissuasion et non-prolifération,
de même que dissuasion et désarmement (au sens de réduction du nombre
d'armes nucléaires, mais non élimination totale de cette catégorie d'armes), sont
faits du même alliage. Inversement, course aux armements et dénucléarisation
sont les deux faces d'une autre pièce : celle de la guerre pensable, car possible,
de la non-dissuasion.
Les différents accords bilatéraux conclus entre Moscou et Washington (SALT I
et II, START I et II) servent la cause de la dissuasion, tout comme les réductions
unilatérales et réciproques des armes nucléaires tactiques déployées en Europe.
Elles ramènent les arsenaux nucléaires à des niveaux plus raisonnables, en tout
cas plus adaptés à une mission de dissuasion, et réduisent, ne serait-ce que légè
rement, la possibilité de combats nucléaires.
« La dissuasion et la non-prolifération sont fondamentalement compatibles dans
la mesure ou elles reposent l'une et l'autre sur la prévention ; la prévention des
conflits, d'un côté, et la prévention de la dissémination de ces armes, de l'autre.
Essentiellement préventives, dissuasion et non-prolifération apparaissent à cet
égard complémentaires, la sécurité française étant assurée par la combinaison de
l'une et de l'autre » [1].
S'il n'est plus question aujourd'hui d'opposer dissuasion et non-prolifération, ce
ne fut pas toujours le cas dans le passé.
La non-prolifération contre la dissuasion française
Au début des années 60, non-prolifération et dissuasion étaient perçues par les
responsables français comme totalement opposées. La raison en était simple. La
promotion par Washington et Moscou de la non-prolifération venait s'opposer
directement aux efforts de Paris pour se constituer une force de dissuasion. La
non-prolifération était donc perçue comme une tentative internationale en vue
de freiner l'effort national français d'indépendance stratégique.
Alors que la France avait été très active sous la IVe République en faveur du
désarmement [2], sous la Ve République, elle va s'opposer très fortement à la
maîtrise des armements mise en place par l'URSS et les Etats-Unis, symbole parf
ait à ses yeux de leur volonté d'établir un condominium.
La France a donc été, avant l'avènement du Traité de non-prolifération nucléaire
(TNP) il est vrai, un pays proliférateur. De la fin des années 50 au début des
années 60, elle a passé outre la tutelle américaine pour se doter d'une force de
dissuasion. La non-prolifération, élément central de la maîtrise des armements,
apparaît comme la quintessence de l'hypocrisie. Sous couvert de défense de l'in
térêt général (enrayer la course aux armements), les deux superpuissances pré
servent leurs intérêts nationaux (garantir leur supériorité militaire et avant tout
leur monopole nucléaire). Le problème est que la condamnation de la duplicité
soviéto-américaine sera perçue en dehors de nos frontières comme masquant mal
une duplicité comparable. Sous couvert de la du condominium
soviéto-américain, la France ne songeait en fait qu'à s'assurer une place dans le DISSUASION ET NON

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