Jean-François Bayart
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Jean-François Bayart

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             Jean-François Bayart  Jean-François Bayart est directeur de recherche au CNRS. Ancien directeur du CERI (1994-2000), il est professeur à lInstitut détudes politiques de Paris et président du Fonds danalyse des sociétés politiques. Il a récemment publié Le Gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation (Fayard, 2004).   La Turquie, une candidate ordinaire    En décembre lUnion européenne doit apporter une réponse claire au sujet de louverture de négociations dadhésion avec la Turquie : soit oui, soit non. Chacun saccorde à reconnaître limportance de ce choix. Pourtant le débat reste confus et comme parasité par des arrière-pensées idéologiques ou électoralistes. Il est temps de lui conférer un tour rationnel, dautant que la vigueur des arguments échangés est souvent proportionnelle à la méconnaissance concrète de la Turquie dont font preuve ceux qui les échangent.  Le faux problème de lidentité européenne de la Turquie     Sortons demblée dun faux dilemme quant à lappartenance, ou non, de la Turquie à lEurope. Les Turcs eux-mêmes ont leur idée sur la question. Selon les sondages, 75% dentre eux souhaitent ladhésion de leur pays à lUE, pour des raisons économiques, mais aussi parce
 
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quils voient en celle-ci la garantie dun Etat de droit et le débouché logique de lépopée kémaliste. Dont acte. Mais bien sûr les opinions publiques de lUE ne peuvent se satisfaire de cette seule auto-identification à lEurope. Elles ont leurs doutes, historiques, culturels, religieux. A tort.  La place de lEmpire ottoman au sein du Vieux Continent, fût-ce au titre d « homme malade » ou de menace militaire, a toujours été une évidence. En conquérant Constantinople la dynastie ottomane ne fait pas sortir Byzance de lEurope. Elle sappuie sur des Grecs pour semparer de la ville, coopte dans son système de pouvoir des élites chrétiennes et juives, accueille les Séfarades expulsés de la péninsule ibérique, sallie à lEglise orthodoxe et aux principautés roumaines pour gouverner 1 . LEmpire ottoman reprend à son compte le « césaro-papisme » de Byzance, cest-à-dire la subordination de la religion au souverain 2 . Culturellement il est également le légataire universel de lEmpire dOrient : sa musique, sa cuisine sont néo-byzantines. Il est vrai que certains des contempteurs de la candidature turque tirent précisément de cet enracinement de lEmpire ottoman dans le passé byzantin un argument supplémentaire pour contester lappartenance de la République postkémaliste à lespace culturel européen. Selon une vieille figure de rhétorique, le « césaropapisme », privé des apports de la théologie catholique et du droit romain (sic), puis des Lumières et du positivisme rationaliste, serait à la base du despotisme oriental. Mais pourquoi, alors, accepter le principe des candidatures de la Bulgarie ou de la Roumanie, et ne pas proposer lexpulsion de lUnion de la Grèce, inapte à la liberté pour cause dorthodoxie ?  De même le nationalisme turc qui, à partir du XIXème siècle, sémancipe progressivement de lislam et du multiculturalisme ottoman pour déboucher sur lautoritarisme « jeune turc » puis kémaliste, est de facture européenne. Il se forge sur les bancs de la Sorbonne ou à linitiative des élites turcophones ottomanes chassées de Russie et des Balkans, défaite militaire après défaite militaire. Il recèle la même ambivalence que lensemble des nationalismes européens. Il est porteur à la fois dune conception positiviste du Progrès et dexclusion, voire de violences abominables. Lenracinement du                                                  1 Voir louvrage classique de Nicolae Iorga, Byzance après Byzance. Continuation de lHistoire de la vie byzantine , publié en français à Bucarest en 1935 et réédité en anglais en 2000 par le Center for Romanian Studies à Iasi (Roumanie). Selon lauteur Byzance sest perpétuée au sein de lEmpire ottoman jusquau début du XIX° siècle, sans pouvoir survivre aux idées des Lumières, de la Révolution française et du nationalisme. Cf également R. Mantran, dir., Histoire de lEmpire ottoman , Paris, Fayard, 1989. 2 G. Dagron, Empereur et prêtre. Etude sur le « césaropapisme » byzantin , Paris, Gallimard, 1996 ; P. Dumont, « Lislam en Turquie, facteur de renouveau ? », Les Temps modernes , 456-457, juillet-août 1984, pp. 352-376 ; R. Mantran, dir., Histoire de lEmpire ottoman , op. cit.  
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