L autre Alexandre - article ; n°2 ; vol.57, pg 293-308
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Politique étrangère - Année 1992 - Volume 57 - Numéro 2 - Pages 293-308
The Other Alexander, by Stéphane Yerasimos
The Macedonian question is currently the central issue governing relations between Yugoslavia, Bulgaria and Greece. This region, an extreme case of ethnie and religious mix, was partitioned in 1912. Bulgaria was left disatisfied and has laid irredentist daims more or less overtly ever since. Greece was disturbed by the proclamation of an independent Macedonia in September 1991, fearing eventual daims on its own territory, and refuses to recognise a state called Macedonia. As a resuit of this problem, developments in the Albanian situation, the growing involvement of Turkey and the increased concern of Western countries in the region, new alliances are being formed and new conflicts are on the horizon.
La question de la Macédoine est aujourd'hui au centre des relations entre la Yougoslavie, la Bulgarie et la Grèce. La région, mélange exemplaire d'ethnies et de religions, fut partagée en 1912, mais la Bulgarie, se considérant lésée, la revendique depuis, plus ou moins ouvertement. La proclamation d'une République de Macédoine en septembre 1991 inquiète également la Grèce qui craint des revendications sur son propre territoire et refuse de reconnaître un État qui porterait le nom de Macédoine. Cette question, accompagnée de l'évolution albanaise, de la présence de plus en plus significative de la Turquie dans les Balkans et des intérêts occidentaux dans la région, est à la base des nouvelles alliances ou des nouveaux conflits qui se profilent à l'horizon.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Stéphane Yerasimos
L'autre Alexandre
In: Politique étrangère N°2 - 1992 - 57e année pp. 293-308.
Abstract
The Other Alexander, by Stéphane Yerasimos
The Macedonian question is currently the central issue governing relations between Yugoslavia, Bulgaria and Greece. This
region, an extreme case of ethnie and religious mix, was partitioned in 1912. Bulgaria was left disatisfied and has laid irredentist
daims more or less overtly ever since. Greece was disturbed by the proclamation of an independent Macedonia in September
1991, fearing eventual daims on its own territory, and refuses to recognise a state called Macedonia. As a resuit of this problem,
developments in the Albanian situation, the growing involvement of Turkey and the increased concern of Western countries in the
region, new alliances are being formed and new conflicts are on the horizon.
Résumé
La question de la Macédoine est aujourd'hui au centre des relations entre la Yougoslavie, la Bulgarie et la Grèce. La région,
mélange exemplaire d'ethnies et de religions, fut partagée en 1912, mais la Bulgarie, se considérant lésée, la revendique depuis,
plus ou moins ouvertement. La proclamation d'une République de Macédoine en septembre 1991 inquiète également la Grèce
qui craint des revendications sur son propre territoire et refuse de reconnaître un État qui porterait le nom de Macédoine. Cette
question, accompagnée de l'évolution albanaise, de la présence de plus en plus significative de la Turquie dans les Balkans et
des intérêts occidentaux dans la région, est à la base des nouvelles alliances ou des nouveaux conflits qui se profilent à
l'horizon.
Citer ce document / Cite this document :
Yerasimos Stéphane. L'autre Alexandre. In: Politique étrangère N°2 - 1992 - 57e année pp. 293-308.
doi : 10.3406/polit.1992.4122
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1992_num_57_2_4122POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 293
Stéphane YERASIMOS * L'autre Alexandre
La légende grecque d'Alexandre le Grand raconte que la sœur du
souverain, désespérée de sa mort, se jeta à la mer et se transforma
en sirène. Depuis elle arrête les navires et demande « le roi Alexan
dre est-il vivant ? ». Si un capitaine ratiocineur a le malheur de répliquer
« il est bien mort et depuis fort longtemps », la sirène, folle de douleur,
envoie le bateau par le fond. Mais le vrai marin, imbu de la sagesse des
mers, répondra « il vit toujours et il règne » et alors la gorgone lâchera
doucement la proue et s'enfoncera dans les profondeurs. Dans le pays
d'Alexandre la raison porterait-elle malheur et la sagesse consisterait-elle à
répéter sans fin les vieilles légendes rassurantes ?
Les stigmates du passé
Avec la défaite du roi Persée face aux Romains en 168 avant l'ère
chrétienne, le royaume hellénisé de Macédoine cesse d'être un Etat indé
pendant. Province romaine et byzantine, elle subit les invasions avares,
slaves, bulgares et accueille les personnes déportées du nord des Balkans ou
de l'Asie mineure. Sa plus grande partie — à l'exception du littoral
égéen — sera incorporée au premier royaume bulgare entre 883 et 1014, au
deuxième royaume bulgare de 1204 à 1246 et elle fera partie de l'empire
serbe d'Etienne Douchan de 1299 à 1355. Avec la conquête ottomane,
accomplie entre 1383 et 1430, elle perd jusqu'à son nom et reçoit d'import
ants flux de populations turques, auxquelles se mêlent celles islamisées des
Balkans, tandis que des juifs, réfugiés d'Espagne, d'Italie et d'Europe
centrale, s'y installent également.
Dans l'Empire ottoman, les distinctions entre les peuples s'établissent sur
une base religieuse. Ainsi l'ensemble des chrétiens orthodoxes des Balkans
sont placés sous la juridiction du patriarcat grec de Constantinople, seule
instance chrétienne reconnue — avec le patriarcat grégorien arménien —
par l'administration ottomane, puisque l'Eglise catholique n'aura droit de
cité dans l'Empire que bien tardivement. Par conséquent, la hiérarchie
religieuse orthodoxe est dans ses échelons supérieurs quasi exclusivement
grecque et devient le véhicule de la langue et de la culture grecques. En
dehors de l'activité de quelques noyaux monastiques, la langue et la culture
des autres peuples balkaniques de l'Empire ottoman, serbes, bulgares,
* Professeur à l'université de Paris VIII. 294 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
albanais (en grande partie islamisés), roumains, restent orales, vernacu-
laires, et les régions des Balkans slavisées entre le Ville et le XI Ve siècle
semblent avoir ainsi vocation à s'helléniser sous la tutelle du patriarcat grec
où à s'islamiser.
Toutefois, le renouveau national affecte l'ensemble de ces peuples au
XIXe siècle. Le processus d'émancipation n'est pas le même pour tous,
puisque, en même temps qu'ils luttent contre le pouvoir ottoman, les non-
Grecs doivent s'opposer au patriarcat de Constantinople, lequel s'engage de
plus en plus dans la cause de l'hellénisme. Ainsi prennent naissance les
luttes internes les Balkans qui ne laissent pas indifférentes les grandes
puissances. L'autonomie serbe, acquise dès 1815, est parrainée par l'Au-
triche-Hongrie, en lutte avec la Russie pour le contrôle des Balkans, mais
l'orthodoxie et le panslavisme brandis par la Russie lui attirent plus facil
ement les peuples de la région. L'indépendance grecque sera appuyée en
1828 par trois puissances, la Grande-Bretagne, la France et la Russie, tandis
que la France parraine également le processus national roumain, qui se
précise au début des années 1860, tout en se penchant sur le sort du
Monténégro.
Si ces premiers Etats nationaux se créent sur des territoires où ils possèdent
une majorité ethnique incontestable (la Vieille Serbie entre Nis et Belgrade,
le Péloponnèse et la région d'Athènes, les principautés de la Valachie et de
la Moldavie), ils ne considèrent cette formation que comme un premier
noyau destiné à s'élargir au dépens de l'Empire ottoman jusqu'à englober la
totalité des « frères irrédimés ». Or, le reste des territoires européens de
l'Empire au début des années 1870 est composé, d'une part, des peuples
dont le mélange avec les populations musulmanes (Bulgares) ou leur propre
islamisation (Albanais) entrave le processus national et, d'autre part, des
régions dont le mélange d'ethnies, de langues ou de religions rend la
question nationale inextricable : la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macéd
oine.
C'est à cette époque que la Russie s'attelle à l'indépendance bulgare. La
première étape est la création d'une Eglise nationale bulgare, imposée au
sultan mais refusée par le patriarche, d'où un schisme au sein de l'ortho
doxie. Le processus enchaînant clergé, école, renaissance de la langue et
diffusion du sentiment national se met alors en marche, activement secondé
par la Russie, laquelle, après avoir inspiré l'insurrection de 1876, intervient
militairement l'année suivante pour imposer une grande Bulgarie, compren
ant la plus grande partie de la Thrace et de la Macédoine, avec accès à la
mer Egée, et correspondant à la plus grande extension du royaume bulgare
du Xe siècle.
Cette création bloque toute issue des puissances centrales vers la mer Egée
et le Proche-Orient et inquiète la Grande-Bretagne, en offrant à la Russie,
par Bulgarie interposée, une descente vers les mers chaudes. Ainsi, à la
conférence de Berlin en 1878, la nouvelle principauté bulgare devra rétrocé
der la totalité de la Macédoine et le sud de la Thrace à l'Empire ottoman.
Entre-temps tout le monde en aura profité pour avancer d'un cran vers le
cœur des Balkans : la Serbie occupe la haute vallée de la Morava, la Grèce
se fait attribuer la Thessalie, le Monténégro double sa superficie et l' Au
triche-Hongrie occupe la Bosnie- Herzégovine mais aussi le Sandjak de Novi BALKANS I GRÈCE ET BULGARIE I 295
Pazar, pour empêcher une jonction de la Serbie et du Monténégro qui
créerait un nouveau bouchon sur le chemin du « Drang nach Osten »
germanique. A partir de ce moment, l'opposition entre Slaves et Germains
se précise dans les Balkans.
L'Autriche-Hongrie est tentée d

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