L Encyclopédie en Pologne - article ; n°1 ; vol.1, pg 31-45
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1951 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 31-45
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 760
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Jean Fabre
L'Encyclopédie en Pologne
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1951, N°1-2. pp. 31-45.
Citer ce document / Cite this document :
Fabre Jean. L'Encyclopédie en Pologne. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1951, N°1-2. pp. 31-
45.
doi : 10.3406/caief.1951.1999
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1951_num_1_1_1999EN POLOGNE L'ENCYCLOPÉDIE
Communication de M. Jean FABRE
à l* Association internationale des Etudes françaises, à Paris,
le 2j août 195 1.
En ce qui concerne la Pologne, le xviif siècle se caractérise
par deux séries d'événements, qui aboutissent à deux résultats
d'importance égale, mais de signe contraire : la disparition
politique de l'Etat polonais; le retour de la nation polonaise
à la communauté européenne, sa place reconquise, non certes
dans le с concert » des puissances, mais dans la « république
des lettres » : nulle part, la vieille locution humaniste, remise
en faveur par le cosmopolitisme des lumières, n'a retrouvé plus
spontanément qu'en Pologne sa raison d'être et sa pleine
signification.
Depuis près de deux siècles, par nécessité, par lassitude et
aussi par une sorte de bizarre vocation, la Pologne s'était isolée,
retranchée de l'Europe; sa culture s'était figée et très vite
sclérosée dans les formes traditionnelles de l'humanisme, vidées
de leur contenu. Quelques apparences brillantes, la « politesse »
et l'air de Versailles un moment répandus à Varsovie par deux
reines françaises, ne peuvent faire illusion. Dans le meilleur
cas, celui du P. Konarski par exemple, promoteur de la réforme
intellectuelle et morale, la pensée polonaise, quand elle sort
de sa léthargie, à la Teille de l'Encyclopédie, se retrouve au
temps d'Erasme ou d'Orzechowski. C'est pour l'historien un
spectacle instructif et passionnant que de voir un pays, offert
comme une proie inerte à l'avidité de ses voisins, refaire en un
(1) Pour ne pas alourdir cette communication de références, nécessa
irement nombreuses, je me permets de renvoyer le lecteur à mon ouvrage,
Stanislas-Auguste Poniatawfki et l'Europe des lumières, paru conjointement
dans les séries des publications de l'Institut d'Etudes Slaves et de la
Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg (Société d'Edition Let
Belles-Lettres, Paris, 1972). On y trouvera l'indication détaillée de la
plupart des sources, imprimées et manuscrites, dont il est fait état dans
cet «xposé. — de 1740 à 1795 — deux siècles d'expériences et demi-siècle
de culture, pour rejoindre son temps, le dépasser presque et
mourir, finalement, à l'avant-garde des idées.
Cette renaissance — une des plus belles de l'histoire —
condamnait par l'absurde les partages et devait les rendre
nécessairement caducs. Mais on peut soutenir, par contre,
qu'elle les a, sinon provoqués, du moins accélérés. Les deux
séries de conséquences convergent : l'état polonais a disparu
parce que, pendant deux siècles, la nation polonaise n'avait
pas suivi le rythme du développement politique, social, écono
mique et spirituel de l'Europe; mais il a disparu aussi parce
que la Pologne se rénovait trop vite pour ne pas émouvoir
l'inquiétude de ses voisins, après leur convoitise, et pour ne
pas, tout aussi bien, se faire illusion sur ses propres forces. Elle
fut victime, à la fois, de sa décadence et de son renouveau.
Or, l'Encyclopédie tient une place évidente dans Tune et
l'autre de ces perspectives. Dans la disparition de l'état polo
nais, elle a joué un rôle de témoin, d'avertisseur et, si l'on veut,
de complice; en revanche, le réveil de la vitalité et la renais
sance de la culture polonaises ont trouvé en elle un des instr
uments les mieux appropriés à leur programme et à leurs besoins.
♦ *
On n'insistera sur le premier point : l'Encyclopédie et la
Pologne, que dans la mesure où il peut éclairer le second. Sinon,
on serait amené à instruire un procès de tendance, entreprise
toujours décevante, et à faire de périlleuses discriminations
entre les divers encyclopédistes qui, de près ou de loin, se sont
intéressés à la Pologne. En gros, on se bornera à constater — et
comment s'en étonner à cette date? — que Y Encyclopédie
reflète le mépris quasi traditionnel où, depuis le début du
XVIIe siècle, la Pologne était tenue par la plupart des voyageurs,
des juristes et des publicistes occidentaux. Certains des traits
dont ils se servaient pour caractériser ce « monstre » politique,
économique et social avaient pris force de lieux communs :
absurdité de la démocratie appliquée à un grand état;
anachronisme d'un système de gouvernement « gothico-slavo-
nico-romano-sarmatique », à prétentions Spartiates; incurie
criminelle d'une noblesse qui tient les paysans en esclavage,
empêche la constitution d'un tiers-état et abandonne le com
merce aux mains des juifs; méfaits d'un système d'éducation
que les jésuites mettent au service de l'ignorance et du fana
tisme, etc. Montesquieu, Voltaire, Mably, Hume, Adam Smith
renchérissent de sévérité. Certains philosophes envisagent
3* une nécessité inéluctable un démembrement de la Polocomme
gne ou, ce qui vaudrait mieux, sa prise en charge par quelque
monarque éclairé : en 1760, La Condamine propose un plan
de ce genre à Frédéric II. Il n'est pas étonnant qu'un pess
imisme aussi général et aussi autorisé ait déteint sur l'article
Pologne et, implicitement, sur d'autres articles (Collège, Démo~
cratie, etc.) de Y Encyclopédie; il est plus curieux de constater
qu'il s'y manifeste avec beaucoup plus de nuances et de res
trictions que dans l'Essai sur les mœurs ou le Dictionnaire
portatif, sans parler de la Correspondance littéraire de Grimm.
Le responsable de cette bienveillance, au moins relative, est,
au premier chef, l'abbé Coyer. Cet ex-jésuite devenu « philo
sophe», ancien précepteur du petit-fils de Sobieski, connaiss
ait la Pologne d'une façon beaucoup plus directe que la
plupart de ses congénères, et il la comprenait beaucoup mieux.
Son Histoire de Jean Sobieski, quoique conçue dans l'esprit
résolument anti-héroïque de l Histoire de Charles XII, faisait
une large place à son admiration pour le patriotisme polonais,
à sa foi dans les possibilités spirituelles de la Pologne. Or, pour
rédiger l'article Pologne, le chevalier de Jaucourt ne crut pou
voir mieux faire que de résumer ou de démarquer, sans d'ail
leurs s'en cacher le moins du monde, le remarquable Tableau
général de la Pologne placé en frontispice de l'Histoire de
Sobieski. Mieux encore, il emprunta, d'un cœur aussi léger,
la substance et la forme même de ses articles Patrie, Patriote,
Patriotisme, à la Dissertation où le même Coyer réhabilitait
la notion et le terme même de patrie. Pouvait-on plus allègr
ement démentir le cosmopolitisme qu'on imagine habituel aux
encyclopédistes? Voltaire ne s'y trompera point et son Diction
naire portatif se chargera de faire, sur cet article comme sur
beaucoup d'autres, l'indispensable travail de police ou de mise
au point. Une thèse surtout l'impatientait, comme elle irritera
plus tard le prince de Ligne : que là où il n'existe pas de
liberté politique, il ne peut y avoir de patrie. Idée révolutionn
aire, mais très vieille idée, particulièrement chère aux légistes
polonais du xvi* siècle. Par la grâce du couple Coyer- Jaucourt,
elle allait redevenir lieu commun.
De même, l'article Pologne, tout en réservant leur place
aux tares consacrées, mettait en valeur plusieurs facteurs, à
porter au crédit de la Pologne : son passé de tolérance; sa
sympathie traditionnelle pour les sectes : Hussites, ariens,
évangélistes, qui fait de cette redoute du catholicisme « le para
dis des juifs » ; la douceur de ses mœurs qui remédie aux
inconvénients de son absurde police et rend, chez elle, le néfaste
statut du servage plus humain que dans n&

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