L opinion allemande et la remilitarisation - article ; n°1 ; vol.16, pg 59-74
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Description

Politique étrangère - Année 1951 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 59-74
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joseph Rovan
L'opinion allemande et la remilitarisation
In: Politique étrangère N°1 - 1951 - 16e année pp. 59-74.
Citer ce document / Cite this document :
Rovan Joseph. L'opinion allemande et la remilitarisation. In: Politique étrangère N°1 - 1951 - 16e année pp. 59-74.
doi : 10.3406/polit.1951.2735
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1951_num_16_1_2735L'OPINION ALLEMANDE ET LA REMILITARISATION
L'affaire de Corée a précipité le rythme du mouvement qui — depuis la
rupture des accords quadripartites sur l'Allemagne — conduisait à la reconst
itution de forces armées allemandes. Cette évolution pouvait paraître
inéluctable aux observateurs étrangers et à quelques rares spécialistes all
emands qui ont eu l'occasion de connaître le contenu et les arrière-plans des
discussions internationales de ces dernières années ; elle n'en a pas moins
prodigieusement surpris l'immense majorité de la population allemande,
par sa rapidité et par sa brutalité.
Il y a moins de deux ans encore, la publication par un hebdomadaire
rhénan d'un article favorable à la reconstitution d'une armée allemande
suscitait, en France et en Allemagne, des protestations nombreuses. Cette
manifestation ne paraissait pas alors qu'inconvenante, elle était incongrue.
L'article, il est vrai, avait paru dans les colonnes du Rheinischer MerJçar,
qui passait pour bénéficier des faveurs de M. Adenauer, homme d'Etat
chrétien-démocrate, lequel n'était pas encore, à cette date, chancelier d'une
République fédérale. Vers la même époque, certaines publications améri
caines commencèrent à se demander si le désarmement total de l'Allemagne
n'avait pas ouvert toutes grandes à une Armée rouge agressive les portes
de l'Europe occidentale. La question d'alors est à présent devenue une
affirmation. Le chancelier Adenauer et l'opinion américaine ont été amenés,
par leur commun souci d'opposer une force militaire au moins égale aux
forces dont peut disposer l'Union soviétique, à poser en axiome la nécessité
d'une « remilitarisation » allemande.
L'opinion américaine, renseignée par une presse et une radiodiffusion
dont le caractère économique privé ne fait point obstacle à une certaine
unanimité, éloignée du présent et du passé récent de l'Europe par l'énorme
épaisseur de ses expériences et problèmes propres, n'a pas eu de peine à
accepter les conséquences allemandes d'une situation mondiale trans
formée. Les experts militaires du Pentagone peuvent pousser avant tout
au rétablissement d'une forte armée allemande autonome, le State Depart" 60 v JOSEPH ROVAN
ment peut évaluer avec davantage de nuances les dangers d'une telle évolu
tion, l'opinion dans son ensemble est prête à accepter l'inévitable, voire
à la souhaiter. Les pays européens sont plus hésitants, d'une Hollande avant
tout inquiète du progrès des « forces de subversion » sociale et morale dans
le monde, à la France déchirée par des angoisses contraires, les attitudes
peuvent varier considérablement :_ c'est en Allemagne cependant que les
débats qui se déroulent autour de la remilitarisation du vaincu d'hier
atteignent la véhémence la plus douloureuse. Comme le sort de notre pays
dépend, pour une part certaine, de l'issue de ces discussions, il peut paraître
utile d'en faire l'analyse, en prenant les faits tels qu'ils se présentent à la
fin du mois de novembre 1 950.
*
A la fin delà deuxième guerre mondiale, la haine du militarisme allemand
faisait partie du credo officiel des vainqueurs. Le avait préparé
l'avènement du nazisme, il avait remis à celui-ci un instrument docile et
merveilleusement bien adapté à ses buts. Keitel et Jodl furent jugés et
pendus dans la même fournée que les Streicher, Frank et Ribbentrop. L'ar
mée allemande fut dissoute — en dépit des espoirs que certains chefs civils
et militaires avaient placé dans l'intelligence des alliés occidentaux, qui ne
voudraient pas livrer sans défense aux influences soviétiques le cœur naguère
si bien protégé de l'Europe: Les anciens militaires de carrière, durant un
certain nombre d'années, furent privés de leurs droits financiers, de
leurs pensions, de leurs titres. Les anciens officiers se virent interdire
l'accès de certaines universités. La presse inspirée par les Alliés et dépen
dant de leur autorisation fit campagne contre le militarisme, qui avait sa
large part de responsabilité dans la catastrophe allemande. De nouveaux
procès furent faits en zone américaine, comme en zone anglaise, aux plus
connus des anciens chefs militaires du Reich, et presque toutes ces affaires
judiciaires se terminèrent par des condamnations. Un peu partout en
Europe des militaires allemands, dû simple soldat au commandant en chef,,
furent jetés en prison pour crimes de guerre, un grand nombre d'entre eux condamnés à mort et exécutés, ou condamnés à de longues années
de détention. A l'heure actuelle encore, plus de mille anciens militaires sont
détenus en Europe occidentale sous des inculpations de ce genre, et la
presse allemande a suivi avec un intérêt passionné le procès du général von
Falkenhausen qui se déroule à Bruxelles, en suscitant dans l'opinion belge
des réactions diverses et souvent opposées. La guerre idéologique avait
succédé, durant le deuxième grand conflit mondial, à la guerre nationale,,
dans le cadre de laquelle les gouvernements occidentaux s'étaient efforcés
en 1 939 de se maintenir, de peur — évidemment — de voir l'idéologie de REMILITARISATION ALLEMANDE 61
l'antifascisme les entraîner vers des conséquences politiques et sociales qu'ils
redoutaient. En 1 943, le général Eisenhower, vainqueur en Afrique, refuse
de recevoir le commandant en chef ennemi, le général von Arnim, qui vient
de capituler, et le grand chef américain souligne ainsi d'un geste specta
culaire la rupture de l'ancien lien d'honneur et de solidarité qui subsistait
naguère jusque sur le champ de bataille entre militaires de nations enne
mies. L'armée allemande était désormais au ban des armées civilisées. Les
antifascistes allemands, de leur côté, plus conscients que la plupart des
hommes d'Etat étrangers des liens qu'avait tissés entre les vieilles couches
dirigeantes d'avant 1933 et lâ nouvelle Allemagne d'Hitler une connexion
d'intérêts et d'espoirs, saluaient la condamnation de ce militarisme qui
avait fait de la Prusse du Grand Frédéric, de Bismarck et de Moltke cette
nation de proie dont les traditions alors encore empreintes d'une certaine
élévation morale avaient tôt dégénéré dans le mercantilisme belliciste de
Guillaume II. Les seules voix qui s'élevaient alors en faveur de l'armée
allemande venaient des milieux conservateurs antihitlériens dont la révolte
tardive en juillet 1944 avait payé au Moloch fasciste un terrible impôt de
sang et de souffrances. Leurs arguments furent assez forts pour imposer au
tribunal de Nuremberg l'acquittement collectif du Grand État-Major,
accusé de compter au nombre des associations criminelles. Les soldats
allemands de tout rang sont innocents des crimes que les chefs politiques
nazis leur avaient fait commettre ou qu'ils avaient accomplis en leur nom,
telle fut alors la formule de cette première tentative de réhabilitation. A
présent dans ses manifestations publiques, la « Fraternité » (Bruderschaft),
association politique d'anciens militaires, s'adresse aux « Soldats et Waffen
S. S. diffamés », et l'hebdomadaire Der Fortschritt, proche de l'« associa
tion professionnelle des anciens militaires de carrière», entreprend la réhabil
itation de chefs nazis tels que le « Gauleiter » de Hambourg, Kaufmann,
ou l'ancien maire de Strasbourg, le Dr Ernst.
Cette différence de ton fait comprendre le chemin parcouru en l'espace
de cinq ans. Après avoir dissous l'armée, proscrit le militarisme, interdit le
vol à voile et les fusils à air comprimé, empêché les paysans de défendre
leurs récoltes contre les sangliers, enfermé en prison des gosses de seize ans
trouv&#

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