L unité yougoslave - article ; n°6 ; vol.11, pg 569-582
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Description

Politique étrangère - Année 1946 - Volume 11 - Numéro 6 - Pages 569-582
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Vernant
L'unité yougoslave
In: Politique étrangère N°6 - 1946 - 11e année pp. 569-582.
Citer ce document / Cite this document :
Vernant Jacques. L'unité yougoslave. In: Politique étrangère N°6 - 1946 - 11e année pp. 569-582.
doi : 10.3406/polit.1946.6260
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1946_num_11_6_6260YOUGOSLAVE L'UNITÉ
I. — L'unité nationale par la fédération.
La Yougoslavie est probablement l'Etat contemporain dont les institu
tions et l'évolution politique suscitent les discussions les plus passionnées.
C'est en même temps l'un des Etats sur lequel l'opinion publique est le
moins bien informée. Il est, par suite, utile de décrire les lignes générales du
régime de la République federative populaire en le rattachant aux antécédents
historiques qui ont rendu son avènement possible et peut-être nécessaire; car
alléguer à titre d'explications soit des pressions extérieures, soit une imita
tion consentie de modèles étrangers, reste superficiel. Les peuples you
goslaves n'ont cédé, pendant quatre ans, ni aux promesses, ni aux menaces,
ni à la terreur. Pour comprendre la nouvelle situation politique et la nouvelle
organisation administrative du pays, il faut avoir recours aux causes internes.
Le 31 janvier 1946, le Presidium de l'Assemblée constituante de la Répu
blique federative populaire de Yougoslavie contresignait la Constitution
actuellement en vigueur. L'article premier définit en ces termes la forme
de l'Etat : « La République federative populaire de Yougoslavie... est un
Etat populaire à forme républicaine (I), une communauté des peuples
égaux en droits qui, en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
y compris celui de libre sécession, ont exprimé leur volonté de vivre dans
l'Etat fédératif. » L'article 2 énumère les six républiques populaires de
Serbie, Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro,
la province autonome de Voïvodine et la région autonome de Kossovo et
Métohia, qui constituent la République federative. Cette définition
consacre l'une des transformations les plus heureuses et fécondes — la
plus inévitable aussi — qu'ait opérées l'Assemblée constituante. On en a
(1) La République a été proclamée par l'Assemblée constituante, le 29 novembre 1945. 570 J. VERNANT
signalé la parenté avec la définition de l'Etat soviétique (2). Mais cette
constatation ne rend compte ni des raisons internes, ni de la portée du
nouveau statut yougoslave.
La Constitution de la République federative populaire s'est substituée
à celle qui avait été adoptée par l'Assemblée constituante des Serbes,
Croates et Slovènes, le 28 juin 1921, puis profondément modifiée en 1931.
La Constitution de 1921 affirmait en maints passages le caractère unitaire
du royaume. Ainsi, l'article 4 spécifiait : « II n'existe dans tout le royaume
qu'une seule nationalité (3). » De même, l'article 95 relatif à l'administra
tion limitait l'importance des régions (circonscriptions administratives)
à un maximum de 80Q 000 habitants et interdisait la création de régions
nouvelles, empêchant ainsi la création de circonscriptions régionales pour
la Croatie et la Slovénie, où elles eussent pu préfigurer une autonomie
réclamée par l'opinion publique. A la tête de chaque région, un fonction
naire nommé par le roi administrait les affaires d'Etat et contrôlait de
près les organes élus : assemblées régionales, d'arrondissement, commun
ales. Cette organisation avait pour effet de confier l'administration de
régions diverses par la tradition, par la culture, par la structure économique,
à des représentants du pouvoir central, qui, de 191 8 à 1941, furent les in
struments de l'esprit autoritaire et hégémonique des classes dirigeantes
serbes. Ce danger avait été aperçu dès la fin de la première guerre mondiale
et l'effondrement de l'empire austro-hongrois. Quelques jours avant la
demande d'armistice formulée par la monarchie dualiste, en octobre 1 91 8,
le parlement croate (4) s'était constitué en Conseil national se considérant
comme l'organe gouvernemental et le représentant diplomatique de la
Croatie. En même temps, des gouvernements locaux s'étaient institués à
Llubljana, Sarajevo et Split. Dès l'armistice, le Conseil national de Zagreb
manifesta son désir d'une assez large autonomie pour la Croatie, sinon d'une
réelle indépendance, en désaccord avec la déclaration de Corfou de 1917,
qui proclamait la volonté des représentants croates de s'unir avec la Ser
bie. Après la défaite des empires centraux, la population croate était peu
soucieuse de secouer la tutelle de Budapest pour subir trop étroitement
celle de Belgrade. Une longue tradition de méfiance à l'égard de l'Eglise
(2) Celle-ci se trouve au chapitré 2, article 13, de la Constitution des Républiques socialistes
soviétiques promulguée en août 1936. « L'Union des républiques socialistes soviétiques est un
État fédéral formé par l'association volontaire des suivantes,
lesquelles possèdent des droits égaux... » Suivent les noms des onze républiques socialistes sovié
tiques.
(3) La Constitution de 1 946 institue de même une citoyenneté fédérale dont jouissent tous les
citoyens de la République federative populaire (article 48), mais l'esprit de cette institution est
rendu bien différent en raison de l'existence des républiques fédérées.
(4) II existait depuis 1868 et disposait de certains pouvoirs sur le plan politique, la Hongrie
contrôlant au contraire la vie économique du pays. L'UNITÉ YOUGOSLAVE 571
orthodoxe serbe avait accompagné l'éveil, au XIXe siècle, du sentiment
national chez les catholiques croates, réagissant contre la domination
magyare. Au contraire, la Bosnie-Herzégovine, voire même la Dalmatie affi
rmaient leur désir d'unité avec Belgrade. En Croatie et en Slovénie, les sen
timents s'avérèrent donc d'emblée beaucoup plus indécis. L'hostilité à
un régime centraliste se manifesta tout au long des débats constitutionnels,
qui durèrent jusqu'en 1921, et le vote même de la Constitution ne mit pas
un terme à une crise qui devait rester virtuellement ouverte jusqu'au
démembrement de 1941. Dès l'abord, les partis politiques les plus divers
critiquèrent l'organisation de l'Etat : les communistes réclamaient, dès
1 91 8, une Fédération yougoslave (5). L'abbé Korocec, chef du parti clé
rical slovène, demandait une « autonomie basée sur les individualités natio
nales ». Cette crise permanente de l'unité nationale fut l'occasion et le
prétexte du coup d'Etat par lequel, le 5 janvier 1 929, le roi Alexandre sup
prima le régime parlementaire et renforça le régime autoritaire (6).
Le 3 octobre 1929, le nom officiel de royaume des Serbes, Croates et
Slovènes était changé en celui, plus unitaire, d'État yougoslave. Enfin, le
3 septembre 1931, une nouvelle Constitution confirmait ces tendances cen
tralistes et autoritaires. Le législateur avait désormais la faculté d'ordonner
que les votes seraient publics et non secrets (ce qui fut décidé par la loi du
12 septembre 1931 et appliqué pour les élections du 8 novembre et les sui
vantes); les garanties constitutionnelles pouvaient être supprimées au cas où
l'intérêt public le commanderait. A la Chambre unique prévue par la Const
itution de 1 921 , on adjoignait un Sénat, dont la moitié des membres étaient
non pas élus, mais nommés par le roi. Du point de vue administratif, les
articles 88 et 89 prévoyaient la subdivision du pays en 9 banovines (7). A
la tête de chaque banovine, était un ban nommé par le président du Conseil
et par décret royal, et dépositaire de toute autorité. Il avait notamment
pouvoir d'abroger toutes les décisions des conseils des banovines (élus),
des comités de banovines (nommés sur proposition du ban) et des conseils
municipaux, si elles lui paraissaient contraires à la Constitution, aux lois, ou
nuisibles aux int

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