La société de l irrationnel : discours sur la décomposition des valeurs
11 pages
Français

La société de l'irrationnel : discours sur la décomposition des valeurs

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
11 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

- La société de l’irrationnel : discours sur la décomposition des valeurs Résumé : Si la démocratie est fragilisée aujourd’hui, c’est qu’existe bel et bien une « fracture idéologique » entre les individus et l’Etat qui les gouverne L’évolution d’un Etat, d’une société ne peut se faire sans la prise en compte des intérêts des citoyens. C’est ce qu’ont montré à travers l’Histoire les différentes Révolutions ayant revêtit des natures diverses. Mais au fond la finalité est la même rétablir l’ordre pour ensuite le renverser à nouveau. Toute évolution sociale obéit donc à un processus cyclique sans fin à moins de tomber dans l’irrationnel amenant ainsi à des situations d’instabilité permanente accentué par le progrès technologique. Il faut reconsidérer la place de l’individu dans l’Etat tout en tenant compte de l’environnement qui l’entoure, des « sphères d’influence » qui ne se limitent pas au pouvoir politique… Jamais nos sociétés n’ont connu pareil progrès technologique et scientifique en ce début de XXIème siècle, ère du post-modernisme, mais aussi pareille fragilité démocratique et instabilité permanente des systèmes institutionnels. Les crises économiques qui ont frappé la planète (zone Europe mais aussi les Etats-Unis) ne sont dues qu’à l’avènement progressif du libéralisme et de la mondialisation de l’économie de marché favorisant ce qu’il convient d’appeler la « démocratie économique ».

Informations

Publié par
Publié le 03 septembre 2012
Nombre de lectures 289
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

- Lasociété de l’irrationnel: discours sur la décomposition des valeurs
Résumé :Si la démocratie est fragilisée aujourd’hui, c’est qu’existe bel et bien une «fracture idéologique » entre les individus et l’Etat qui les gouverne L’évolution d’un Etat,d’une société ne peut se faire sans la prise en compte des intérêts des citoyens. C’est ce qu’ont montré à travers l’Histoire les différentes Révolutions ayant revêtit des natures diverses. Mais au fond la finalité est la même rétablir l’ordre pour ensuite le renverser à nouveau. Toute évolution sociale obéit donc à un processus cyclique sans fin à moins de tomber dans l’irrationnel amenant ainsi à des situations d’instabilité permanente accentué par le progrès technologique. Il faut reconsidérer la place de l’individu dans l’Etat tout en tenant compte de l’environnement qui l’entoure, des «sphères d’influence» qui ne se limitent pas au pouvoir politique…
Jamais nos sociétés n’ont connu pareil progrès technologique et scientifique en ce début de XXIème siècle, ère du post-modernisme, mais aussi pareille fragilité démocratique et instabilité permanente des systèmes institutionnels. Les crises économiques qui ont frappé la planète (zone Europe mais aussi les Etats-Unis) ne sont dues qu’à l’avènementdu libéralisme et de la mondialisation de progressif l’économie de marché favorisant ce qu’il convient d’appeler la «démocratie économique ». Cette nouvelle forme de gouvernance fondée sur la suprématie des capitaux marque l’achèvement du processus d’intégration obéissant à une logique systémique que les économistes partisans des théories de Hayek appelleraient « néo-libéralisme ».
En réalité, ce processus économique pratiqué à l’échelle mondiale et en ce qui concerne la France au niveau d’une organisation supra-étatique qui s’appelle l’Union européenne, n’est que la résultante de la disparition programmée dans les années 90 du communisme et de l’effondrement du bloc de l’Est ayant entrainé une vague de démocratisation politique partout dans le monde. La démocratie politique a donc précédé la démocratie économique mais cette dernière l’a dépassé y compris dans des Etats comme la Chine où l’on parle encore aujourd’hui, sous un doux euphémisme, de démocratie populaire. La chute du communisme a en quelque sorte montréles failles d’un modèle de société pseudo-égalitaire (mise en commun des biens et abolition des classes sociales) et aussi permis d’affirmer que la démocratie, le moins pire de tous les régimes comme l’affirmait Churchill, est le seul régime viable susceptibled’entrainer la prospérité économique et intellectuelle d’un Etat. Un point final sur l’Histoire est ainsi mis lors de l’effondrement du bloc de l’Est et de la chute du Mur de Berlin comme l’ont montré deux grands auteurs l’un américain, F. Fukuyama dans le «dernier homme et la fin de l’Histoire» et l’autre français qui se nomme E. Todd, à travers son livre visionnaire «la chute finale ».
1
Cette Révolution politique dans la continuité de 1789 en France a amené la nouvelle Révolution économique après celle qu’a connue l’Europe au XIXème siècle et que l’on a appelé la «Révolution industrielle ». Au fond, chaque société, chaque Etat connait une évolution cyclique qui se perpétue éternellement. Pour reprendre l’exemple français mais qui peut aussi s’appliquer et se généraliser au monde, à la planète, les premières Révolutions permettant la transformation d’un Etat sont de nature politique comme par exemple celle de 1789 en France qui a marqué la fin de la société inégalitaire de l’Ancien régime et la naissance de la démocratie et plus tard de la République. La deuxième Révolution française a eu lieu avec la Révolution industrielle et l’essor de la classe ouvrière en France (comme partout en Europe d’ailleurs) supplantant peu à peu le secteur agricole et permettant de créer un dynamisme économique qui fera la prospérité du peuple français jusqu’à la veille de la Première guerre mondiale. La troisième Révolution qu’a connue la France a eu une origine culturelle avec les événements de Mai 68 qui se sont propagés aussi en Europe et sur le continent Nord-américain. Les principales revendications de ces événements furent plutôt idéologiques et marqués par un désir de liberté notamment en matière sexuelle.
Au fond, les Révolutions sont bénéfiques aux Etats et amènent des changements profonds dans leur identité et leur histoire contrairement aux «Coups d’Etat», décrit par M .AgulhonCette logiquecomme néfastes aux intérêts d’une civilisation. suit donc un modèle cyclique un peu comme l’évolution de notre planète Terre soumise aux changements climatiquesque d’aucuns qualifient d’alarmiste.
Ainsi, la nouvelle Révolution économique que connait actuellement le monde à l’aube du XXIème sièclene s’inscrit-elle pas dans cette « spirale infernale des cycles » marquant l’évolution des Etats et des civilisations? Cette Révolution est-elle différente des précédentes du fait qu’elle plonge le Monde actuel dans une certaine irrationalité ?
Les progrès scientifiques et technologiques depuis ces trente dernières années ne confèrent-ils pas à cette Révolution un caractère différent des précédentes et qu’il faudrait qualifier de Révolution technologique et numérique ?
En effet, la course effrénée au progrès semble avoir engendré une société basée sur la consommation de masse, les loisirs et le spectacle. Le développement des nouvelles technologies de l’information dont Internet mais aussi les téléphones portables des 3émes et 4émes générations et les tablettes numériques ont permis l’émergence de sociétés de réseaux pour reprendre les thèses de M. Castells et de
2
transformer l’humanité en «village global » selon les termes du sociologue canadien M. Mac Luhan. Le temps a ainsi été réduitet l’espace aboli.
La place occupée par les médias dans l’espace public est de plus en plus prégnante puisque jamais les moyens de communication n’ont été aussi présents et aussi denses qu’actuellement.
La consommation de l’information devient une véritable «drogue » du fait de son accessibilité à tout un chacun. Les cerveaux de chaque individu doivent être connectés en permanence pour recevoir la quantité de messages, d’informations véhiculés par les médias. Même le pouvoir politique semble ne pas échapper à cette logique de la société du spectacle décrite par G. Debord dans son ouvrage célèbre.
Le politique trouve de plus en plus dans le « médiatique » un moyen de contrôle de la démocratie. La sphère médiatique laisse de moins en moins de place à la vie privéedes citoyens et entraine un déclin culturel par la pratique de l’uniformisation des savoirs. Les médias traditionnels comme l’école par exemple sont «absorbés » par les médias dits de communication comme la télévision basée sur l’image audiovisuelle. C’est ce que le médiologue français R. Debray appelle la « vidéosphére ». Le culte lié à l’image a fait de notre société, une société du tout voir (« eikonocratie») où l’indécence prend souvent le pas sur la beauté de l’image et son caractère artistique. Il existe ainsi plusieurs types d’images: des images artistiques, des images iconiques (religieuses), des images économiques (marchandes), des images ludiques ou images de divertissement, des images d’information.
L’information construite autour de l’image et du son essentiellement se caractérise par une horizontalité du message délivréfacilitant l’accès à tous au contenu du message maisaussi par l’extrême volatilité de ce dernier qui par Internet notamment peut voyager à travers l’immensité de la «toile ». Ainsi, les informations délivrées par les « tubes » circulent certes en masse mais sont d’une extrême pauvreté de par leur contenu mais ont aussi un caractère éphémère. C’est ce qu’un auteur, P. Josèphe, décrit dans son ouvrage « la société immédiate ».
Par ailleurs, les nouvelles technologies de l’information ont brisé les rapportshumains en facilitant la circulation de messages par des outils techniques ou des machines créant ainsi un repli des identités propres à chaque individu, à chaque civilisation et enfermant l’Homme dans un individualisme exacerbé (D. Wolton).
En effet, la communication ne doit pas obéir seulement à une logique basée sur la technicité des moyens de circulation de l’information mais doit surtout se traduire
3
par un rapprochement des rapports humains vivant en collectivité et partageant les mêmes valeurs, la même culture, la même langue etc.
La construction de l’Europe composée à l’heure actuelle de 27 Etats est le résultat le plus abouti pour le moment de ce partage des valeurs et des cultures à travers des institutions communes notamment que puisse former les grandes démocraties du continent européen.
Ce rêve d’Union entre les Etats du vieux continent et annoncé par de grands visionnaires tels V. Hugo ou E. Kant au XIXème siècle, n’est plus une chimère. La naissance d’un véritable «espace public européen de communication » (Habermas) a permis l’émergence d’une puissance politique et économique ayant dépassé le simple cadre de l’Etat centralisé et nationaliste tel qu’il a existé fin XIXème et début XXème avec les régimes fascistes et nazis.
Néanmoins, ce phénomène a entrainé cependant une « déconstruction » (selon l’expression de J. Derrida) du modèle étatique classique dans l’esprit des citoyens ainsi qu’une décomposition des valeurstraditionnelles comme la famille, les relations parentales, sentimentales, professionnelles etc.
Dans la société hyper-médiatisée d’aujourd’hui qui évolue de plus en plus vite et qui de ce fait génère des mutations brutales de nos modes de pensées et de vivre, les classes sociales ont évolué. Les métiers ouvriers et agricoles sont délaissés au profit d’emplois plus intellectuels et moins répétitifs. L’espérance de vie a augmenté comme le nombre de personnes diplômées. Pa ailleurs, l’exode rural et l’urbanisation massive qui s’est propagéentrainé une concentration des secteurs a d’activités dans les grandes villes et notamment dans les bureaux avec l’apparition du secteur tertiaire. L’urbanisation massive marque néanmoins la nécessité de prendre en compte le respect de l’environnement mais aussi de permettre à tous d’accéder à un logement décent alors que certains quartiers dans les grandes villes deviennent de plus en plus sensibles et se « ghettoïsent ».
Ce sont les nouveaux enjeux du Droit à l’aube de ce XXIème siècle. Le pouvoir politique semble cependant dépassé par certains enjeux sociaux cruciaux et les gouvernements successifs adoptent avec déraisons des lois sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences normatives que cela peut entrainer. Nos sociétés contemporaines produisent trop de Droit et ce de façon à satisfaire une opinion publique qui est de plus en plus hostile à la classe politique dans son ensemble, au pouvoir politique quel que soit le parti politique en place. La crise des rapports entre gouvernants et gouvernésn’est que la résultante d’un décalage, d’un fossé qui existe entre un pouvoir politique qui ne voit la solution aux problèmes sociaux qu’à
4
travers l’élaboration d’un «véritable arsenal législatif » (il faut légiférer sur tout). Les politiques ne raisonnent que dans «l’être» (le « Zein » pour reprendre le terme du juriste positiviste autrichien H. Kelsen) et non dans le « devoir être » (le « Zollen »). Le Droit doit être pensé en se projetant dans l’avenir et non dans l’instant présent.
Le juriste doit raisonner « de lege ferenda » et non « de lege lata ».
La crise du pouvoir politique et de ses rapports avec les citoyens est donc la résultante d’une inflation normative ineffective mais aussià un Etat de moins en moins présent ou pas assez présent dans les grands secteurs notamment économiques ce qui conduit à des dérives en l’absence de tout contrôleet de toute instance de régulation sur le secteur bancaire notamment. Le déclin de l’Etat-providence est la conséquence de la libéralisation des marchés avec l’Union européenne mais aussi la mondialisation à plus grande échelle permettant la circulation et l’échange des capitaux. La privatisation de nombreux secteurs d’activités en France par exemple (secteurs de l’eau, de l’électricité, des transports ou des télécommunications) a entrainé la mainmise du secteur économique sur le politique au sein de l’espace public.Il faut donc repenser le politique et sa place dans ses rapports avec les citoyens notamment. C’est ce que prônent divers intellectuels modernes comme E. Todd, P. Rosanvallon ou J-L. Nancy.
Ainsi, aujourd’hui, la «sphère économique » semble être la partie la plus importante où convergent les intérêts des citoyens et où se porte le regard des citoyens. On ne peut plus penser la société comme le firent pendant longtemps les matérialistes, c’est-à-dire qu’une société se construit historiquement par des rapports entre différentes classes qui s’affrontent, qui s’opposent comme le décrivait Marx à travers la notion de « lutte des classes » (opposition entre prolétariat et bourgeoisie). Il existe certes des classes sociales comme il en a existé dans l’Histoire de France. Par exemple, au Moyen-Age, où l’on avait la classe des paysans, la classe des chevaliers et celle des gens d’Eglise. A la Révolution française, nous retrouvons à peu près le même distinguo à travers les trois ordres que formaient la noblesse, le clergé et le Tiers-état dont Sieyès en souligna le rôle fondamental.
Aujourd’hui, les classes sociales ne sont plus qu’un instrument aux mains des politiques et des médias à des fins électoralistes. Il convient plutôt de parler de «sphères d’influence» au lieu de classes sociales même si on opère volontiers un distinguo en France entre les classes défavorisées, les classes moyennes et les classes privilégiées.
Ces sphères d’influence occupent l’espace public et interagissent sur l’environnement dans lequel évoluent les citoyens, exerçant un véritable pouvoir
5
sur leur processus décisionnel.Il ne s’agitdonc plus de penser les rapports entre individus de manière verticale à travers la notion de classe sociale comme souligné plus haut mais penser ces rapports de manière horizontale où l’idée de hiérarchisation est moins présente ; où des rapports linéaires on passe au circulaire avec une confrontation entre celles-ci, parfois des affrontements idéologiques inégaux mais aussi des collusions entrainantun effet néfaste sur l’opinion publique.
On a ainsi la sphère politique dirigée par des élites qui nous gouvernent et dont J-P. Chevènement les décrivaient à travers son livre sur les «L’Enarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise » (1967).Ces élites sont entourés d’intellectuels (hauts fonctionnaires la plupart du temps) qui leurs servent de conseillers détenant un certain pouvoir intellectuel, un savoir leur conférant une autorité légitime mais dont un auteur, J. Benda, a dénoncé cette collusion du milieu intellectuel avec le politique dans un ouvrage intitulé « la trahison des clercs ». Nous en revenons ainsi à l’adage «ce sont les meilleurs qui gouvernent » et dont Platon vantait les mérites à travers ses œuvres où il idéalisait une société, une cité-Etat gouvernée par des « Rois-philosophes ».
La deuxième sphère influente au sein del’espace public est la sphère économique où gravitent au sein de cette sphère les grandes entreprises issues la plupart du temps du CAC 40 et leurs dirigeants issus de la finance mondiale. La collusion entre le politique et l’économique est fréquente alorsles grands dirigeants que d’entreprises vivent la plupart du temps des «commandes de l’Etat» (cas des groupes Lagardère ou Dassault).
La sphère médiatique dispose elle aussi d’une force d’influence sur les citoyens et sur le mode de fonctionnement d’un Etat démocratique comme la France. Longtemps des auteurs se sont interrogés sur le rôle joué par les médias à savoir si ces derniers constituaientun véritable pouvoir influent sur l’opinion publique (c’est le fameux quatrième pouvoir de la presse décrit parBurke) ou alors s’ilsne seraient en fait que des contre-pouvoirs face à la domination, à l’emprise qu’exercerait sur eux le pouvoir politique ou le pouvoir économique. Décrit ainsi, les médias comme la presse ou l’audiovisuel ne seraient au final que des «chiens de garde de la démocratie» selon l’expression de S. Halimi.
En tous les cas la « forte peopolisation » de la vie publique en France due à la propension des médias de l’image qui permettent la théâtralisation de l’information diffusée (c’est la fameuse «société du spectacle » décrite par G. Debord dans son ouvrage) mais aussi l’utilisation de cette information par le politique afin d’élaborer des normes juridiques montre la forte influence exercée par le médiatique sur le
6
politique mais aussi un manque d’indépendance et de séparation entre ces deux forces en présence ou tout du moins le politique cherche à reconquérir sa place dans l’espace publique que le médiatique occupe largement grâce à trois facteurs essentiels qui sont: la maitrise des sources de l’information, la capacité à diffuser largement celle-ci et l’impact important que le message médiatique exerce sur les destinataires (source : J. Ranciére, Le destin des images).
La même réflexion peut être formulée à propos de la sphère judiciaire puisque en France les juges sont loin de jouir d’un prestige aussi grand qu’aux Etats-Unis par exemple où la Cour suprême construit le droit de « la common law » à travers sa jurisprudence. La France, elle, n’a pas cette tradition juridique et les juges suprêmes restent soumis au droit écrit dans les codes et sont dépourvus de toute capacité d’interpréter donc de créer du Droit alors que la jurisprudence est reconnue comme une composante du droit positif. Les juges en France sont tyrannisés par le pouvoir politique qui les contrôlent et nomme une partie de la magistrature (exemple des Procureurs) mais aussi ils sont sous la pression des médias et de l’opinion publique donc du peuple.
Le pouvoir judiciaire reste cependant un pouvoir à part entière car rendre la justice a toujours constitué une fonction régalienne dont Locke et Montesquieu ont souligné l’importance au XVIIIème siècle à travers leurs théories surla « séparation des pouvoirs ». Mais il convient de dépasser ce stade.
Après le politique, l’économique, le médiatique et le judiciaire, il convient de préciser qu’existe deux autres sphères d’influence occupent une place centrale dans les démocraties contemporaines à savoir la sphère religieuse, un peu moins influente tout de même du fait de la laïcisation progressive des sociétés modernes et de la séparation entre le politique et le religieux, entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel (loi de 1905 en France). Néanmoins, la question de la place de la religion dans nos sociétés reste un élément central dès lors que coexiste sur un territoire plusieurs religions qui chacune doivent être traitées sur un pied d’égalité. C’est la définition que donne une société moderne et progressiste du concept de laïcité.
Les grandes religions monothéistes comme le christianisme, le judaïsme ou l’Islam sont là pour nous rappeler que les grandes civilisations ne se construisent pas sans le religieux, sans un recours à une certaine dose de « symbolisme »ou d’irrationnel.
Les religions ont toujours occupé une place centrale dans l’esprit des Hommes depuis la nuit des temps.
7
Par ailleurs, la sphère religieuse a toujours eu une influence sur la sphère politique. Pensons aux guerres de religions comme les sanglants affrontements en France entre les Catholiques et les Protestants au XVIIème siècle.
Au XXème siècle, un auteur célèbre américain, S. Huntington, avait même prédit que la guerre des cultures, le choc des civilisations aurait un caractère religieux avant tout.
L’autre sphère d’influence dans les démocraties repose sur ce qu’il convient d’appeler réellement les «métiers du spectacle». C’est la sphère artistique mais les mots « art » et « artiste » doivent être entendus au sens large du terme. Cette sphère recoupe les professions en rapport avec le milieu artistique et qui ont une certaine notoriété auprès du public, auprès des citoyens, grâce ou à cause des médias. Font partis de cette sphère, tous ceux qui vivent de leur art (acteurs, chanteurs, animateurs, sportifs professionnels etc.)
Cette sphère exerce une forte influence sur les individus car dans nos sociétés où l’image tient une place de choixavec elle les canons de la beauté, la célébrité et procure un sentiment d’admiration, de vénération ou d’adoration conduisant nécessairement à un accroissement de l’espace public au détriment de l’espace privée et de la vie intime des personnes.C’est ce qu’il convient de nommer le voyeurisme. Le pouvoir charnel exercé par cette sphère sur les individus ne repose quesur des critères esthétiques et ne tient pas compte de l’éthique dont toute profession doits’imposer le respect.
Ainsi, pour résumer, la vie en société réside dans des rapports de force et d’influence que des hommes ou groupes d’hommes exercent seuls ou en communs à travers des domaines, des champs de compétences qui agissent sur les comportements sociaux et sur notre façon de penser et d’agir en communauté.
De nos jours, le déclin des valeurs traditionnelles (famille, morale, la culture, l’éducation) a permis l’essor d’un individualisme et d’une concurrence exacerbés entre les individus quel que soit leur milieu social, développant ainsi des contre-valeurs comme la consommation à outrances, les dépendances à toute sorte de vices d’ordre sexuel ou des substances psychotropes, les incivilités et la transgressions des interdits, la fin des tabous, l’avènement des loisirs de masse, de la culture de l’image donc du paraitre au détriment de la culture de l’écrit, de la société du spectacle basée sur la théâtralisation des relations professionnelles, familiales, amoureuses etc. Bref, une véritable « psychanalyse freudienne » de la société s’impose pour la guérir des maux dont elle souffre.
8
Ne nous inquiétons pas néanmoins de ce rationalisme poussé à son extrême qui conduit au final à des comportements irrationnels gouvernant nos modes de vie et de pensée qui nous poussent à plus d’individualisme et d’autonomie.
Au fond, la pensée individualiste permet d’assurer la stabilité d’unEtat et de son régime politique car comme le soulignait l’économistelibéral A. Smith à travers la « théorie de la Main invisible » :lorsqu’un individu agit pour soi, il agit indirectement pour les intérêts de la collectivité.
Ainsi, la démocratie donc la collectivité a pour base le respect du pluralisme des modes de pensée et des modes de vie. Donc, pour un libéral, la liberté sous toutes ses formesdoit être préférée à l’égalité pure qui n’existe pas en démocratieet dont le Droit et la justice ne peuvent assurer le strict respect sauf à opérer un rééquilibrage des forces dans les rapports sociaux. En effet, la quête de l’égalité parfaite conduit à la négation des libertés individuelles et des choix amenant à un mode de pensée unique propre aux Etats totalitaires parfaitement décrits par les philosophes H. Arendt et R. Aron et qui ont trouvé une réalité concrète à travers les idéologies nazies et fascistes ayant dominé la deuxième moitié du vingtième siècle, conduisant l’humanité à l’obscurantisme et au chaos.
Comme l’écrivait le romancier anglais descience-fiction A. Huxley dans le « Meilleur des Mondes», les civilisations n’ont pas d’autres choix si elles veulent éviter les guerres idéologiques, c’est de faire confiance au progrès technologique et scientifique donc à un système de valeur qui convient de nommer « démocratie capitaliste ».L’Occident et notamment l’Europe a ouvert la brèche en confiant à une entité supra-nationale répondant à une logique fonctionnaliste, c’est-à-dire l’Union européenne, d’être garante de la paix et de la sécurité despar la peuples garantie de certaines libertés comme la libre circulation des travailleurs, des services, des capitaux. La libre concurrence en quelque sorte car ce quis’applique à micro-échelle pour les citoyens des Etats, s’applique aussi pour les Etatseux-mêmes. Sur la scène internationale, les rapports entre Etats (entités abstraites) sont exactement comme les rapports entre individus au sein d’un Etat. Ce sont des rapports de force où les plus puissants sortent vainqueurs. Et actuellement, les grandes puissances qui dominent la scène mondiale sont des démocraties capitalistes tels l’Union européenne, les Etats-Unis, la Chine etc.
Cependant, l’instabilitépermanente du monde comme des rapports humains ne mettentpas à l’abri les systèmes politiques et économiques des Etats modernes. L’irrationalité des comportements humains peut à tout moment conduire à des abus. Nous avons pu le voir avec les crises économiques qui ont eu lieu notamment
9
avec la crise dite des « subprimes » aux Etats-Unis ou avec la question plus récente de la dette des Etats souverains en Europe (exemple de la Grèce) mais aussi les crises politiques et religieuses qui ont entrainé « une vague révolutionnaire » dans les Etats arabes avec le « printemps des peuples » comme en Egypte, en Tunisie ou en Libye. En somme, un dérèglement ou un déséquilibredes sphères d’influence (économique, politique, religieuse, médiatique) comme mentionné plus haut, risque de conduire les sociétés et leurs individus à l’effondrement. Les Mayas, ce grand peuple de bâtisseur de l’Amérique précolombienne et qui a notamment prédit la fin du Monde pour 2012 ne s’est-il pas éteintaprès 4000 ans d’Histoire, tout en ayantconnu un «âge d’or» qu’aucune autre civilisation aussi développée n’a connu.
Si l’Histoireest un éternel recommencement et se perpétue à l’infinie à travers le temps comme notre système solaire, il est possible alors que nous assistions à un renouveau du concept d’Etat dont l’évolution s’est faiteavec progressivement d’abord les cités-Etats qui dans l’Antiquité grecque notamment ont été les premières formes de mise en place d’un pouvoir institutionnalisé et hiérarchisé (mêmes si des exemples plus anciens existent) avec une vie en communauté et des règles juridiques précises. A la Renaissance, ces cités-Etats ont perduré avec comme exemple parlant la fameuses République de Venise qui deviendra par la suite comme la République de Gênes une composante de l’Italie unifiée. Avant d’avoir été centralisée, le pouvoir s’est exercé essentiellement au niveau local (cas en France des fiefs seigneuriaux qui ont précédé l’unification du royaume de France et la naissance de la Monarchie absolue avec la concentration des pouvoirs aux mains du Roi).
L’apparition de l’Etat-Nation au XIXème siècle par la prise en compte de critères nouveaux comme le peuple, composante de l’Etat en plus du territoire et de la souveraineté (E. Renan) a marqué la naissance de la démocratie moderne. La chute des grands empires au début du XXème siècle qui ont traversé les guerres napoléoniennes (l’empire austro-hongrois, l’empire ottoman, l’empire russe) va conduire à un déclin progressif de l’Etat et a un délitement du pouvoir central au profit de structures infra-nationales comme les collectivités locales en France mais aussi à l’apparition de structures supra-nationales comme les organisations internationales ou des structures plus « intégrées» comme l’Union européenne aujourd’hui. Il s’agit d’un retour en arrière.
L’actuelle crise des sociétés modernes est en partie due à ce déclin de l’Etat et des rapports entre l’Etat et ses citoyens. Les bases du Contrat social lancées par JJ. Rousseau au XIXème siècle sont peut-être à revoir si ne nous voulons pas retourner à l’Etat de nature comme cela subsiste dans certaines sociétés dites
10
« primitives », à moins que nous soyons malgré-nous déjà « retombé » dans cet état qu’il conviendrait de nommer «état de nature sociabilisé » mais qui conduit à des comportements irrationnels et violents.
Pourquoi ne pas alors reconstituer plutôt une société utopique basée sur la paix, la tolérance et le multiculturalisme. Pensons à la trame dressée par T. More dans son livre « Utopia » ou plus concrètement à cette cité du bien-être baptisée « Auroville » au Nord de l’Inde et crée par une française, Mira Alfassa, dans laquelle des hommes et femmes du monde entier réapprennent à vivre simplement et en toute tranquillité d’esprit et dans le respect des règles environnementales.
Laurent Jourdaa.
Le 01/09/2012.
11
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents