Le changement passe-t-il par l Ecole Nationale d Administration ? - article ; n°3 ; vol.8, pg 35-63
30 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le changement passe-t-il par l'Ecole Nationale d'Administration ? - article ; n°3 ; vol.8, pg 35-63

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
30 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politiques et management public - Année 1990 - Volume 8 - Numéro 3 - Pages 35-63
Si l'on considère les changements affectant la société française et le rôle de l'Etat, l'auteur se demande si l'ENA a changé le paysage de la haute fonction publique, et si elle contribue à former les acteurs du changement. Fidèle à la méthode anthropologique fondée sur une expérience dé terrain de longue durée, la réflexion suit deux axes: le premier évoque la pratique des hommes qui font l'ENA, à titre d'élèves, ou en qualité de dirigeant et de membre du personnel ; le second aborde la notion de territoires et d'espaces qui délimitent l'Ecole et fluctuent. Il semble que le processus d'institutionnalisation qui a marqué l'Ecole ait limité l'ampleur du changement voulu à une certaine époque et contribué à reproduire, presqu'à l'identique et selon certaines figures rituelles, l'élite de la haute fonction publique. Tout en conduisant son objectif de formation, l'Ecole s'est adaptée à la hiérarchie antérieure plutôt qu'elle ne l'a réformée. De petits et de grands changements dans la formation des hommes traduisent la volonté de l'ENA d'accompagner son temps et signalent une certaine réorientation des valeurs, des missions et des compétences qu'elle promeut. Mais il semble que le changement passe dans l'Ecole mieux qu'il ne passe par elle.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 257
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Irène Bellier
Le changement passe-t-il par l'Ecole Nationale d'Administration
?
In: Politiques et management public, vol. 8 n° 3, 1990. pp. 35-63.
Résumé
Si l'on considère les changements affectant la société française et le rôle de l'Etat, l'auteur se demande si l'ENA a changé le
paysage de la haute fonction publique, et si elle contribue à former les acteurs du changement. Fidèle à la méthode
anthropologique fondée sur une expérience dé terrain de longue durée, la réflexion suit deux axes: le premier évoque la pratique
des hommes qui font l'ENA, à titre d'élèves, ou en qualité de dirigeant et de membre du personnel ; le second aborde la notion de
territoires et d'espaces qui délimitent l'Ecole et fluctuent. Il semble que le processus d'institutionnalisation qui a marqué l'Ecole ait
limité l'ampleur du changement voulu à une certaine époque et contribué à reproduire, presqu'à l'identique et selon certaines
figures rituelles, l'élite de la haute fonction publique. Tout en conduisant son objectif de formation, l'Ecole s'est adaptée à la
hiérarchie antérieure plutôt qu'elle ne l'a réformée. De petits et de grands changements dans la formation des hommes traduisent
la volonté de l'ENA d'accompagner son temps et signalent une certaine réorientation des valeurs, des missions et des
compétences qu'elle promeut. Mais il semble que le changement passe dans l'Ecole mieux qu'il ne passe par elle.
Citer ce document / Cite this document :
Bellier Irène. Le changement passe-t-il par l'Ecole Nationale d'Administration ?. In: Politiques et management public, vol. 8 n° 3,
1990. pp. 35-63.
doi : 10.3406/pomap.1990.2952
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pomap_0758-1726_1990_num_8_3_2952CHANGEMENT PASSE-T-IL PAR LE
L'ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION
Irène BELLIER *
Résumé Si l'on considère les changements affectant la société française et le rôle de
l'Etat, l'auteur se demande si l'ENA a changé le paysage de la haute fonction
publique, et si elle contribue à former les acteurs du changement. Fidèle à la
méthode anthropologique fondée sur une expérience dé terrain de longue
durée, la réflexion suit deux axes: le premier évoque la pratique des hommes
qui font l'ENA, à titre d'élèves, ou en qualité de dirigeant et de membre du
personnel ; le second aborde la notion de territoires et d'espaces qui
délimitent l'Ecole et fluctuent. Il semble que le processus
d'institutionnalisation qui a marqué l'Ecole ait limité l'ampleur du changement
voulu à une certaine époque et contribué à reproduire, presqu'à l'identique et
selon certaines figures rituelles, l'élite de la haute fonction publique. Tout en
conduisant son objectif de formation, l'Ecole s'est adaptée à la hiérarchie
antérieure plutôt qu'elle ne l'a réformée. De petits et de grands changements
dans la formation des hommes traduisent la volonté de IENA d'accompagner
son temps et signalent une certaine réorientation des valeurs, des missions et
des compétences qu'elle promeut. Mais il semble que le changement passe
dans l'Ecole mieux qu'il ne passe par elle.
* CNRS - Groupe d'Analyse des Politiques Publiques.
Revue POLITIQUES ET MANAGEMENT PUBLIC, Volume 8, n° 3, septembre 1990.
(5) Institut de Management Public - 1 990. 36 Irène BELLIER
L'Ecole Nationale d'Administration fait aujourd'hui figure d'institution
vénérable. Depuis sa création, combien de voix ne se sont-elles pas élevées
sur l'échiquier politique pour revaloriser son rôle, souhaiter sa profonde
transformation ou appeler à sa disparition ? "E la nave va" imperturbable, de
réformes en réformettes, conduisant tous les ans à bon port ses promotions
d'énarques. En 45 ans cependant la maison a déménagé, s'est agrandie, et a
diversifié ses activités. Certains considèrent que "malgré tout, les anciens
élèves de l'ENA ont accompagné, voire initié le changement dans la société
civile au cours des trente glorieuses". (J.F. KESLER 1985: 483). L'Ecole a-t-
elle pour autant profondément modifié le paysage sociologique de la haute
fonction publique française ? Peut-on considérer que, sélectionnant les hauts
fonctionnaires de demain, qui seront aux commandes de l'Etat dans dix ou
vingt ans, elle produit les acteurs du changement ? S'intéresser aux rapports
entre l'ENA et le changement implique de remonter aux origines mêmes de
cette institution, construite en rupture avec le modèle antérieur de
recrutement dans la fonction publique, pour apprécier les effets de l'action de
l'Ecole et les formes que prend le changement à l'intérieur de l'Ecole,
répondant en partie à la transformation du rôle de l'Etat dans une société en
mouvement. Dans sa démarche analytique, l'anthropologue s'attache à deux
dimensions cruciales que sont les pratiques des hommes, constitutives de
leur être en société et le lieu qu'ils occupent: tour à tour, territoire physique,
lieu de pouvoir, ou espace administratif. Ma réflexion repose sur une étude de
terrain de plus de trois ans à l'ENA.
La pratique L'ENA est née du cerveau des hommes qui, reprenant de précédents projets
des hommes (cf G. THUILLIER 1983), ont cherché par la négociation à construire I a
meilleure école pour une fonction publique en pleine réorganisation et un Etat
en pleine reconstruction. Très vite elle a acquis ses lettres de noblesse, et les
hommes qu'elle a formés ont commencé à faire parler d'eux, et d'elle. L'ENA
s'est institutionnalisée et ne peut être considérée sans les personnes qui
l'animent. Dans cette première partie nous essaierons de voir de quelle façon
l'ENA a donné naissance à un milieu qui l'a consolidée sans bouleverser
radicalement le paysage de la fonction publique dont elle coiffe les sommets.
L'ENA est-elle le moteur du changement ?
Les paradoxes du processus d'institutionnalisation
Instance organisatrice du rite de passage vers le pouvoir d'Etat et vers
d'autres formes de pouvoir, économique ou politique, l'ENA se présente
depuis son origine comme une société clivée, fortement segmentée. Une
césure majeure distingue le personnel et les élèves, que redoublent des
cloisonnements internes à deux niveaux: entre les dirigeants choisis pour
leurs origines et le "petit personnel" affecté dans cette enceinte au hasard des
concours ou des amitiés; entre les élèves admis par diverses procédures de
sélection. Le pôle administratif se caractérise par sa permanence car, si les
hommes changent, les fonctions restent étroitement définies , tandis que les
impétrants -"initiés", élèves, ou stagiaires au sens large - se succèdent à un changement passe-t-il par l'Ecole Natbnale d'Administration ? 37 Le
rythme régulier et se distinguent tous les uns des autres, les énarques se
regroupant sous l'étiquette d'ancien élève. L'organisation interne comme la
coupure avec l'extérieur ont pour effet de sceller le sentiment d'appartenance
à une grande famille tout en distinguant les branches et les voies
d'identification. La double caractéristique du morcellement et de la répétition
présente dans la structure administrative et scolaire qualifie cette institution
comme une organisation-moteur de ce que, à la suite de P. BOURDIEU, nous
appellerons un rite d'institution car "...en conférant un titre scolaire, qui avec
le titre professionnel qu'il contribue de plus en plus fortement à déterminer,
[elle] est une des composantes majeures de l'identité sociale." (1989 : 198).
Comme le remarque M. ABELES dans son ouvrage sur l'Anthropologie de
l'Etat, "le recours au rite est la marque du travail de pérennisation de la société
sur elle-même" (1990, 122). Ceci se vérifie pour une institution comme l'ENA à
travers la symbolique du rite d'identification nominale des promotions, dans
les rites de sélection, de classement et d'affectation des énarques, ou encore
dans les cérémonies des "arbres de Noël" et des voeux annuels qui intègrent
élèves et personnel. Ces différen

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents