Le problème constitutionnel au Maroc - article ; n°2 ; vol.26, pg 110-123
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Description

Politique étrangère - Année 1961 - Volume 26 - Numéro 2 - Pages 110-123
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 144
Langue Français

Extrait

Nevil Barbour
Le problème constitutionnel au Maroc
In: Politique étrangère N°2 - 1961 - 26e année pp. 110-123.
Citer ce document / Cite this document :
Barbour Nevil. Le problème constitutionnel au Maroc. In: Politique étrangère N°2 - 1961 - 26e année pp. 110-123.
doi : 10.3406/polit.1961.2377
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1961_num_26_2_2377PROBLÈME CONSTITUTIONNEL AU MAROC LE
Le Maroc, en franchissant le seuil de sa nouvelle indépem-
dance, avait à faire face à bien des problèmes urgents. Sous
le protectorat, le pays était divisé en trois zones distinctes,
ayant chacune leur langue, leur système d'éducation, leurs mé
thodes d'administration, des monnaies différentes et un sys
tème économique propre. Le sort des troupes étrangères et des
bases avait été remis à plus tard — source probable de diffi
cultés — étant donné la violente insurrection qui faisait rage
au-delà de la frontière orientale, et les sympathies marocaines,
totalement opposées à celles de leur ancien protecteur français.
Le désir de l'indépendance économique suivrait certain
ement de près la réalisation de l'indépendance politique : autres
délicates négociations en perspective avec les nations protect
rices, et au cas où les gouvernements français et espagnol ne
désireraient pas continuer leur assistance financière, nécess
ité de chercher des ressources ailleurs. On pouvait prévoir la
revendication du protectorat espagnol de Tarfaia ; presque
sûrement aussi celle de l'enclave d'Ifni ; et peut-être celle des
autres enclaves espagnoles. La frontière méridionale avec l'Al
gérie et au-delà n'a jamais été reconnue par un gouvernement
indépendant marocain ; et quoi qu'on puisse penser des reven
dications marocaines concernant d'autres territoires, il est cer
tain que la séparation complète entre le Maroc et ces régions
avait été le fait du protectorat ; une fois son indépendance re
couvrée, le Maroc verrait l'occasion de renverser la vapeur.
Le Maroc a fait de rapides progrès dans le domaine matériel
sous le Protectorat, grâce à la compétence et au dynamisme
de la bureaucratie française établie dans un pays de haut po
tentiel, aidée d'autre part par certaines circonstances fortuites
qui encouragèrent les capitalistes français à investir dans î«
territoire contrôlé par les Français. Pendant leur lutte pour
rindépendance, les nationalistes, constatant combien le pro- 111 MAROC
tactorat faisait obstacle à l'indépendance de la nation, en con
clurent qu'il faisait également obstacle à son développement
économique. Ils ne doutaient pas que l'élan économique con
tinuerait sa progression tandis qu'ils s'attacheraient à construi
re un Etat indépendant et à marocaniser l'administration. En
réalité, les cadres disponibles furent absorbés par la reprise
en main de l'administration et par la tâche plus que suffisante
de conserver ce qui existait déjà ; le tarissement du capital
étranger rendit particulièrement ardu le problème de faire
vrvre Casablanca.
Ces problèmes si complexes qu'ils soient, étaient cependant
de ceux qu'un organisme d'Etat en bonne santé pouvait résou
dre tant bien que mal sans mettre en cause son existence. Le
Maroc avait à faire face d'autre part à un problème fondament
al : le problème constitutionnel qui touchait à la nature mê
me de l'Etat. A l'époque de la création du Protectorat, en 1912,
l'Etat marocain, bien qu'ayant mille ans d'existence, était en
core complètement médiéval dans sa constitution et dans sa
forme de gouvernement. La situation était totalement différent
e en Tunisie, par exemple, ou l'Etat avait subi les mêmes in
fluences réformistes qui avaient prévalu en Turquie et en
Egypte, et où il y avait eu un essai de constitution dès 1860. Le
Maroc au contraire gardait une conception médiévale de la
royauté. Une fois au pouvoir, le monarque officiait par la grâ
ce de Dieu plutôt que par la volonté du « peuple ».
Son action s'inscrivait bien entendu dans les limites de la
coutume, il avait le devoir de prendre avis et l'influence toute
puissante de la religion était un frein à ses exigences, ainsi
que l'absence de toute bureaucratie pour imposer sa volonté.
L'Etat n'était en fait qu'une accumulation de cités, de villages,
de tribus, de nomades et d'individus qui n'obéissaient qu'au
tant qu'ils le jugeaient bon ou étaient contraints de le faire
par la force dont disposait le souverain. Telle l'Opposition de
Sa Majesté au Parlement britannique, la dissidence était un
rouage du mécanisme gouvernemental.
L'autorité ne s'inquiétait que du maintien d'un minimum
d'ordre, de l'observance de la religion et de lever les impôts.
On ne pouvait pas parler vraiment d'une armée régulière ei
é'mne administration. NEVIL BARBOUR 112
Les 44 années de protectorat ne modifièrent pratiquement pas
le caractère constitutionnel du Maroc musulman. On créa bien
sûr des routes, des écoles, des hôpitaux et une bureaucratie
capable et centralisée. Cette dernière était cependant avant
tout française, espagnole ou multi-nationale ; elle fonctionnait
en faveur des représentants des puissances protectrices et non
pour le compte du sultan ou de tout autre autorité nationale.
Avec l'avènement de l'indépendance, la supervision étrangère
fut supprimée ainsi que la base constitutionnelle empruntée
aux institutions du pays protecteur. La marocanisation permit
à la bureaucratie de subsister, tandis que les fonctionnaires
étrangers se retiraient, causant une perte inévitable de rende
ment. Les anciens services devinrent des ministères dont les
chefs étaient des Marocains responsables devant le sultan. Mais
bien que ces ministres dirigeassent une machine gouvernement
ale moderne et eussent été choisis parce qu'ils représentaient
des partis politiques, ils n'étaient en fin de compte rien d'autre
que des secrétaires chargés d'exécuter la volonté du souverain.
Le plus important parmi les partis politiques était de loi»
l'Istiqlal ; il avait été en même temps que le sultan le prin
cipal artisan de l'indépendance. Le programme du parti envi
sageait la transformation du Maroc en démocratie parlement
aire et avait l'approbation du sultan. Dix sept mois après l'i
ndépendance, ce dernier mettait l'accent sur ses intentions en
échangeant son titre de sultan contre celui de roi et en bapti
sant l'empire chérifien du nom de Royaume du Maroc. Aupar
avant, il avait désigné les membres d'une Assemblée consult
ative. Bien qu'elle ne fut pas élue, celle-ci était aussi repré
sentative que possible. L'établissement de conseils locaux élus
devait suivre, qui donneraient au peuple l'expérience de l'exer
cice de la démocratie, avant que se tiennent des élections pour
une Assemblée constituante. Nommée pour deux ans, l'Assem
blée prouva son utilité et sa période d'activité fut prolongée à
deux reprises. Bien que ses résolutions fussent en réalité des
recommandations, les ministres qui se présentaient devant elle
étaient très désireux d'éviter toute critique hostile de la part
des comités formés en son sein ; elle eut ainsi, grâce à se»
réactions escomptées, une influence considérable sur la poli
tique adoptée. Sa tâche fut plus tard gênée par des difficul- MAROC 113
tés politiques dont nous allons parler et elle fut dissoute au
début de 1959.
Si important que fut l'Istiqlal, il ne fut jamais aussi bien
organisé que le Neo-Destour en Tunisie et son président Allai
el Fassi n'eut jamais une position de chef national comparab
le à celle de Bourguiba. C'est pourquoi il ne fut jamais à mê
me, comme ce fut le cas pour le parti tunisien, de remplir le
vide constitutionnel — ceci sans parler de la place beaucoup
plus considérable que tenait la monarchie au Maroc. Cepen
dant une fois l'indépendance consolidée par la création des or
ganismes de la souveraineté nationale, pa

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