Les magistrats français, des cause lawyers malgré eux ? - article ; n°62 ; vol.16, pg 93-113
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Politix - Année 2003 - Volume 16 - Numéro 62 - Pages 93-113
Les magistrats français, des cause lawyers malgré eux ?
Violaine Roussel
Cet article examine la construction d'une « cause du droit » qui se veut distante de tout militantisme politique, à la faveur des pratiques des magistrats français chargés de scandales politiques dans les années 1990. Reformulée et recadrée avec l'entrée en jeu de nouveaux entrepreneurs de cause, celle-ci connaît des variations successives, se muant en cause de la lutte contre la corruption et de la coopération judiciaire internationale. La captation de ces thèmes par des acteurs politiques centraux produit des effets de « politisation des causes » qui se trouvent alors radicalement redéfinies.
Are the French Magistrates Involuntary Cause Lawyers ?
Violaine Roussel
I analyze how French magistrates involved in political scandals in the nineties promote, through their uses of criminal rules and procedures, a « cause of law », rejecting all kinds of political activism. The mobilisation of new actors, in the judicial and in the political fields, leads to reframe progressively the original cause, focusing on the fight against corruption and for the international judicial cooperation. The political appropriation of such discourses contributes to politicize the cause and to shift hugely its meaning.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Violaine Roussel
Les magistrats français, des cause lawyers malgré eux ?
In: Politix. Vol. 16, N°62. Deuxième trimestre 2003. pp. 93-113.
Résumé
Violaine Roussel
Cet article examine la construction d'une « cause du droit » qui se veut distante de tout militantisme politique, à la faveur des
pratiques des magistrats français chargés de scandales politiques dans les années 1990. Reformulée et recadrée avec l'entrée
en jeu de nouveaux entrepreneurs de cause, celle-ci connaît des variations successives, se muant en cause de la lutte contre la
corruption et de la coopération judiciaire internationale. La captation de ces thèmes par des acteurs politiques centraux produit
des effets de « politisation des causes » qui se trouvent alors radicalement redéfinies.
Abstract
Are the French Magistrates Involuntary Cause Lawyers ?
Violaine Roussel
I analyze how French magistrates involved in political scandals in the nineties promote, through their uses of criminal rules and
procedures, a « cause of law », rejecting all kinds of political activism. The mobilisation of new actors, in the judicial and in the
political fields, leads to reframe progressively the original cause, focusing on the fight against corruption and for the international
judicial cooperation. The political appropriation of such discourses contributes to politicize the cause and to shift hugely its
meaning.
Citer ce document / Cite this document :
Roussel Violaine. Les magistrats français, des cause lawyers malgré eux ?. In: Politix. Vol. 16, N°62. Deuxième trimestre 2003.
pp. 93-113.
doi : 10.3406/polix.2003.1278
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2003_num_16_62_1278Les magistrats français,
des cause lawyers malgré eux ?
Violaine ROUSSEL
Les travaux anglo-saxons en termes de cause lawyering font émerger
deux questions particulièrement intéressantes aussi bien pour la
sociologie des professions que pour celle de l'action. La première
résulte de la tension, quelquefois soulignée par les travaux sur le cause
lawyering eux-mêmes, entre la cause d'un côté et la pratique juridique
{lawyering) de l'autre. L'interrogation porte alors sur le point de savoir où
chercher les déterminants de l'action des professionnels du droit concernés.
La notion de cause lawyers renvoie à une volonté de rendre raison de
pratiques professionnelles qui ne seraient pas simplement la traduction de
logiques d'action1. Comprendre les pratiques exige donc de
les replacer à l'intersection de deux espaces d'action, l'un professionnel,
l'autre militant ou politique. Le second aspect remarquable de l'analyse du
cause lawyering réside dans l'idée selon laquelle l'action « pour une cause »
est en règle générale également une action contre l'Etat (et ses politiques
publiques), face aux agents qui l'incarnent, notamment en juridiction. La
1. Sur les tensions pouvant résulter, pour les avocats concernés, des contradictions existant entre
les contraintes strictement professionnelles et les exigences du service de la cause, cf. Sarat (A.),
Scheingold (S.)/ « Cause Lawyering and the Reproduction of Professional Authority », et (A.),
« Between (the Presence of) Violence and (the Possibility) of Justice: Lawyering against Capital
Punishment», in Sarat (A.), Scheingold (S.), eds, Cause Lawyering: Political Commitments and
Professional Responsibilities, New York, Oxford University Press, 1998, surtout p. 10-11 et p. 332-333.
Ce point est également relevé par Israël (L.), « Usages militants du droit dans l'arène judiciaire : le
cause lawyering », Droit et société, 49, 2001.
Politix. Volume 16 - n° 62/2003, pages 93 à 113 Politix n° 62 94
figure du juge, quand elle apparaît dans l'analyse, intervient ainsi souvent
en contrepoint de celle de l'avocat, comme celle d'un agent de conservation
sociale2.
De ces deux aspects de l'analyse résulte un double intérêt du thème du cause
lawyering pour les pratiques qui forment l'objet de cet article : celles des
magistrats français dans le cadre des scandales politico-financiers des années
1990. Ces acteurs participent, en effet, par leurs usages des règles et
procédures juridiques, à la construction et à la promotion d'une « cause du
droit » qui se veut distante de tout militantisme politique. Progressivement
reformulée et recadrée, avec l'entrée en jeu de nouveaux « entrepreneurs de
cause » et l'émergence de nouvelles situations dans le cours de la décennie,
celle-ci connaît des variations successives, se muant en cause de la lutte
contre la corruption et de la coopération judiciaire internationale. L'enjeu de
cet article est de suivre ces logiques de formation et de transformation de
causes au sein de l'espace judiciaire, aussi bien que les mécanismes de
« politisation de la cause » qui interviennent lorsque d'autres types d'acteurs
s'en saisissent.
Ces mobilisations se déroulent dans le cadre d'un cause lawyering
improbable : en effet, cette perspective n'est pas d'abord destinée à penser
les activités d'autres juristes que les avocats, pas plus qu'elle n'est faite pour
les pays de civil law. Si l'on suit les présupposés initiaux de l'analyse du
cause lawyering, les magistrats français semblent bien peu disposés à agir en
défenseurs de causes, dans la mesure où ils sont bien des agents de l'Etat
dans un système de droit continental, mais aussi parce qu'ils affirment de
manière répétée leur strict professionnalisme auquel s'oppose - au moins à
première vue - la défense d'une cause particulière et militante. C'est
justement pourquoi ce terrain présente un intérêt spécifique : il permet,
contre la tentation de réduire la définition et la défense publique de causes à
celles de « causes politiques », d'appréhender la multiplicité possible des
formes de causes. L'objectif de ce travail n'est pas de fixer des définitions de
types de Il offre néanmoins la possibilité de suivre la manière dont
des acteurs jouent sur la délimitation et la dénomination de ce pour quoi ils
agissent, et d'apercevoir qu'ils peuvent non seulement refuser toute logique
partisane d'engagement, mais aussi rejeter tout étiquetage « politique » de
leur cause, au sens où celle-ci exigerait des changements supposant
l'intervention d'un organe politique (le vote d'une nouvelle loi par le
2. Cette vision découle d'une attention centrée quasi exclusivement sur les systèmes de common
law dans lesquels les juristes et les avocats sont considérés comme davantage enclins, en raison
notamment de leur culture professionnelle, à devenir des cause lawyers. Stephen Meili voit
a contrario dans la tradition positiviste un obstacle au développement du cause lawyering en
Argentine. Cf. Meili (S.), « Cause Lawyers and Social Movements: A Comparative Perspective
on Democratic Change in Argentina and Brazil », in Sarat (A.), Scheingold (S.), eds, Cause
Lawyering: Political Commitments and Professional Responsibilities, op. cit., surtout p. 497-498. Les magistrats français, des cause lawyers malgré eux ? 95
Parlement, par exemple), constituerait une critique du fonctionnement du
système politique, ou encore ferait référence à une contestation plus générale
de l'ordre social et politique.
Ainsi, des magistrats qui n'étaient pas au préalable militants ou politisés,
s'engagent, en partie malgré eux, dans la promotion d'une nouvelle
conception de l'application de la loi et de l'exercice du métier. Ils affirment
leur action juridiquement et professionnellement fondée, en appelant aux
exigences techniques du métier et en écartant précisément toute motivation
politique - dans tous les sens précédemment évoqués. Profitant des effets de
ces premières activités, d'autres protagonistes peuvent ensuite entrer dans le
jeu et se faire les porte-parole d'une cause partiellement différente : celle de
la lutte contre les malversations politiques. Dans le cours de ces
mobilisations, certains magistrats se singularisent en défendant
publiquement la nécessité de réformes susceptibles d'assurer une meilleure
coopération judiciaire. Si ces juges ne définissent pas leur initiative comme
militante mais veulent toujours servir une cause de la justice et de
l'indépendance judiciaire, ils font bien appel, cette fois, à une intervention
politique. Ces phénomè

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