Minorités ethniques, opposition et subversion en Thaïlande - article ; n°3 ; vol.32, pg 295-323
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Description

Politique étrangère - Année 1967 - Volume 32 - Numéro 3 - Pages 295-323
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Fistié
Minorités ethniques, opposition et subversion en Thaïlande
In: Politique étrangère N°3 - 1967 - 32e année pp. 295-323.
Citer ce document / Cite this document :
Fistié Pierre. Minorités ethniques, opposition et subversion en Thaïlande. In: Politique étrangère N°3 - 1967 - 32e année pp.
295-323.
doi : 10.3406/polit.1967.2186
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1967_num_32_3_2186MINORITÉS ETHNIQUES
OPPOSITION ET SUBVERSION EN THAÏLANDE
L'une des questions qui, pendant des années, a été le plus
souvent posée par les journalistes aux dirigeants thaïlandais
concernait la « minorité chinoise » de Thaïlande dans laquelle
on a longtemps voulu voir une « cinquième colonne » potent
ielle. Pareille insistance semble s'expliquer par la méconnaiss
ance du fait qu'en Thaïlande les Chinois immigrés — qui à la
différence de ce qui se passe dans les pays malais ne sont séparés
des autochtones par aucune barrière religieuse ou alimentaire —
tendent à s'assimiler au bout de la seconde ou de la troisième
génération au point que nombre de dirigeants thaïlandais ont du
sang chinois dans les veines.
Cette tendance à l'assimilation, un moment contredite dans
les années 1930 par le développement de l'immigration chinoise
féminine, est favorisée aujourd'hui par l'arrêt presque total de
tout mouvement migratoire et par la faveur avec laquelle est vue
depuis 1958 l'entreprise industrielle privée qui a été longtemps
un domaine chinois. Bien qu'ils soient concentrés principale
ment à Bangkok et dans la région centrale du pays les Chinois,
au surplus, ne peuvent être considérés comme une minorité
ayant une assise territoriale qui leur soit propre. En admettant
même que leur origine ethnique rende certains d'entre eux plus
accessibles à la propagande de Pékin, une action subversive de
leur part s'intégrera nécessairement dans un mouvement d'oppos
ition à direction thaïlandaise (1).
(1) En janvier 1967, le Premier ministre thaïlandais, le maréchal Thanom
Kittikachon, a révélé au cours d'une conférence de presse, que 122 suspects avaient
été arrêtés dans les provinces situées du Nord-Ouest au Sud-Ouest de Bangkok (de
(Suphanburi au Nord, à Prachuap Khirikhan au Sud) et a présenté ceux-ci comme
des Thaï-born Chinese qui auraient reçu leur entraînement en Chine communiste.
Mais il précisait d'autre part que l'organisation des activités terroristes dans cette
partie du pays était le fait du lieutenant-colonel Payome Chulanon (le leader du
« Front Patriotique Thaïlandais »), ancien député de Phetburi, ville située préci
sément au cœur de cette région. (Cf. Santosh (A.B.), « The first round », Far Eas
tern Economie Review, 6 avril 1967, pp. 23-25. 296 FISTIE
Le cas des Lao du Nord-Est et celui des Malais des provinces
méridionales est très différent dans la mesure où il s'agit de
minorités périphériques ayant une assise géographique précise
dans les limites de laquelle elles forment le gros de la population.
Cet état de choses donne à leurs problèmes certains caractères
spécifiques qui en font toute la gravité pour le gouvernement de
Bangkok et que nous nous proposons d'étudier ici en les repla
çant dans leur perspective historique.
Originalité des Lao de Thaïlande
Lorsqu'ils se sont répandus dans la partie centrale de la
péninsule indochinoise, les peuples thaïs se répartissaient entre
trois groupes linguistiques différents qui peuvent toujours être
distingués aujourd'hui : les Shans (2) représentés surtout dans
l'Est de la Birmanie, les Thaïs proprement dits (ou siamois) qui
occupent maintenant la plaine du Menam Chao Phya et les Lao
dont les uns (les Lanna Thais) formèrent la population du
royaume de Chiengmai et peuplent toujours le Nord de la Thaï
lande actuelle, tandis que les autres — dont il est question ici —
occupèrent la zone moyenne du bassin du Mékong sur la rive
occidentale du fleuve comme sur la rive orientale. Alors que le
dialecte lao parlé dans la Thaïlande septentrionale ne diffère
pas très sensiblement du Siamois, le lao du Laos et du Nord-Est
de la Thaïlande n'est pas directement intelligible pour les Thaïs
de la région de Bangkok et constitue en fait une langue distincte.
Si les Lao de la région Nord-Est (Phak Isan en Siamois) ont
conservé leur originalité, c'est en grande partie pour des raisons
géographiques. Le plateau qu'ils occupent est bordé à l'Ouest et
(2) Cette appellation est celle que leur donnent les Birmans. Les Shans eux-mêmes
se désignent sous le nom de Thaïs. Ils sont également représentés en Thaïlande où
ils se qualifient de Thaï yaï (Grands Thaïs), englobant tous les autres Thaïs sous
le nom de Thai noï (Petits Thaïs). THAÏLANDE 297
au Sud par un relief montagneux et tourne ainsi le dos au reste
de la Thaïlande. Il ne participe pas au puissant système hydro
graphique du Menam Chao Phya qu'alimentent les rivières qui
descendent du Nord, et n'est arrosé que par ses propres cours
d'eau qui prennent leur source dans le rebord occidental du
plateau. Si l'on ajoute que les précipitations y sont moins abon
dantes que dans les autres régions, que la saison des pluies y est
plus courte et que le sol y est en outre très perméable, on s'expl
iquera que l'aridité soit la caractéristique essentielle du Phak
Isan. Sa population n'est donc pas seulement relativement isolée,
elle est aussi sensiblement plus pauvre que celle du reste du pays,
le rendement de la riziculture n'étant que la moitié de la moyenn
e nationale et la différence des niveaux de vie s'établissant
suivant la même proportion. Le riz dont il s'agit est d'ailleurs un
riz glutineux, impropre à l'exportation, et dont la consommation
est une des caractéristiques des Lao que les gens de Bangkok
qualifient de « mangeurs de riz gluant ».
Depuis les années 1930-31, époque à laquelle Zimmerman
faisait sa grande enquête sur l'agriculture siamoise, la condition
des habitants du Nord-Est ne semble pas s'être améliorée très
sensiblement. A cette époque, l'économie monétaire n'avait
pratiquement pas encore pénétré le Phak Isan dont la populat
ion vivait repliée sur elle-même, la plupart des maisons rurales
— des constructions sur pilotis — abritant un métier à tisser
en-dessous des pièces d'habitation. Depuis lors, cette population
a subi le double effet d'un essor démographique très rapide —
qui dans cette région aride a pour conséquence la diminution
des rendements agricoles, des terres de moins en moins favora
bles devant être mises en culture — et d'un certain développe
ment de l'économie d'échange à laquelle la présence militaire
américaine doit certainement donner aujourd'hui un surcroît
d'intensité. Pour nombre d'agriculteurs, il semble qu'il en soit
résulté non un enrichissement mais un appauvrissement : alors
que l'enquête de Zimmerman indiquait que moins de 5 % des
cultivateurs du Nord-Est prenaient des terres en location, une
source récente affirme que 38 % du sol cultivé dans cette région 298 FISTIE
est entre les mains de propriétaires absentéistes (3). Autrement
dit, si ce chiffre est exact et sous réserve du fait qu'il ne s'agit
plus ici de cultivateurs mais de superficie, en trente-cinq ans,
un tiers environ de la population rurale du Phak lsan aurait
perdu la condition de propriétaire dont elle jouissait primitive
ment. Le fait que la même région soit devenue un foyer d'émi
gration vers Bangkok est d'ailleurs lui aussi un signe d'appau
vrissement et en tout cas de surpopulation relative. Il est
intéressant de noter qu'à certains moments depuis la dernière
guerre, cette émigration s'est faite également en direction de la
rive orientale du Mékong, c'est-à-dire vers le Laos, sans qu'il soit
d'ailleurs possible de chiffrer exactement ce phénomène.
Antécédents historiques du problème Lao.
C'est au milieu du XIVe siècle que l'on peut faire remonter
les liens étroits qui existent entre le Phak lsan thaï

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