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Langue Français

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Les gouvernements arabes fébriles
RÉVOLTE
TUNISIENNE
Le Forum de Davos est rattrapé par les événements qui secouent le sud de la Méditerranée.
Grands absents du WEF,les dirigeants du monde arabe tentent de sauver leur régime.
SID HAMMED HAMMOUCHE ET
THIERRY JACOLET
Il flottera une odeur de jasmin sur le
Forum économique mondial de Da-
vos. Les décideurs politiques et éco-
nomiques du monde qui défileront à
partir d’aujourd’hui au WEF ne man-
queront pas d’aborder les thèmes de la
crise économique ou de la montée en
puissance des pays émergents. Le ren-
dez-vous grison sera rattrapé par une
actualité plus brûlante: les mouve-
ments de contestation sociale inédits
qui secouent le monde arabe depuis
plusieurs semaines. Des tables rondes
et des ateliers seront consacrés à cette
poudrière. A commencer par la «révo-
lution du jasmin» qui a balayé en
quelques jours les 23 ans du régime
dictatorial de Ben Ali.
Depuis le début du mois, la fleur
qui embellit la révolution tunisienne
sème ses graines du Maroc au Yémen,
en passant par l’Egypte. Là où les po-
pulations souffrent des mêmes maux
que la Tunisie: cherté de la vie, pau-
vreté,
inégalités,
corruption,
chômage, mauvaise gouvernance...
La rue a pris conscience qu’elle a
désormais le pouvoir d’en finir avec
les dictatures et que la «jeunesse sans
avenir» peut prendre son destin en
main – notamment grâce aux réseaux
sociaux. «Pour la première fois, dans
les pays arabes, depuis la révolution
en Irak qui a renversé la monarchie
en 1958, la société civile a pris la pa-
role et cela a été suivi d’actes», éclaire
Mansouria Mokhefi, cheffe du pro-
gramme Moyen-Orient/Maghreb à
l’Institut français des relations inter-
nationales (IFRI). «Si ça a été possible
dans une dictature comme la Tunisie,
où régnait la terreur, les citoyens se
disent que cela peut se reproduire
ailleurs.» Y aura-t-il un printemps
arabe?
Maghreb: un chaudron aux portes
de l’Europe
Le départ de Ben Ali ouvre une nou-
velle ère pour les M aghrébins. Alors
que la rue tunisienne ne cesse de
crier son ras-le-bol, la situation est
explosive en Algérie. «On est assis
sur un énorm e volcan qui risque l'é-
ruption à tout m om ent», affirm e
Adel Chetah, patron d'une entrepri-
se, à Alger. «Les gens rêvent d'un m i-
racle à la tunisienne. Ils veulent que
l'arm ée et le président Bouteflika se
retirent des affaires.» M ais l’arm ée
tient le pouvoir. Et elle n’est pas prê-
te à le lâcher.
M êm e colère au M aroc où la
m isère sociale est criarde. On re-
proche au roi Moham ed VI, la cor-
ruption, la captation des richesses
et le baillonnem ent de la presse.
Des m anifestations ont été orga-
nisées à Casablanca pour exiger des
réform es im m édiates. Résultat: les
dirigeants ont du m al à trouver le
som m eil. Ils ont pris des m esures
pour calm er les esprits. «Les gou-
vernem ents essaient de canaliser
les
m ouvem ents
de
revendica-
tions», observe le chercheur M an-
souria Mokhefi. M êm e le plus vieux
dictateur du m onde arabe, le Libyen
Mouam m ar Kadhafi, est intervenu à
la télé pour rassurer son peuple et
garantir qu’il ne m anquera de rien...
En Algérie, le président Boutefli-
ka a baissé début janvier les prix des
denrées de prem ière nécessité. Il a
constitué des stocks de céréales,
achetant un m illion de tonnes de
blé. De leur côté, le M aroc et la Li-
bye ont com m andé respectivem ent
255 000 t et 100 000 t de grains. «Ces
régim es n’ont rien com pris. Le
peuple dem ande la liberté et les
gouvernem ents veulent lui rem plir
le ventre avec du pain», tonne Kha-
led Am ir, sociologue à l’Université
de
Rabat.
L’Europe
est
aussi
concernée par les événem ents. Si
les régim es ne se réform ent pas, la
jeunesse n’a qu’une idée en tête:
traverser la M éditerrannée.
Proche-Orient: l’Egypte et
la Jordanie sous haute pression
De tous les dirigeants du Proche-
Orient, ce sont le roi Abdallah II de
Jordanie et le président égyptien
Hosni Moubarak qui redoutent le
plus la révolte de leur population te-
nue par une m ain de fer. En Egypte,
la situation est très tendue. Après
trente ans de pouvoir, Moubarak, 82
ans, veut transm ettre le flam beau à
son fils. Or le peuple de la plus an-
cienne république du m onde arabe
refuse. Il exige des réform es écono-
m iques et le départ de Moubarak.
En
tém oignent
les
centaines
d'Egyptiens descendus hier dans la
rue au Caire, chantant des slogans
contre le président. Les blogueurs
égyptiens ont d’ailleurs la rage: ils
stigm atisent
leur
gouvernem ent
soutenu par les Occidentaux.
Plus au sud, au Soudan, même
constat. Des milliers de gens ont ap-
pelé à la fin du régime totalitaire du
président El Béchir. Un jeune hom-
me de 25 ans s’est même immolé par
le feu, reproduisant l’acte désespéré
du jeune tunisien qui a déclenché
l’embrasement de son pays. Un geste
répété en Mauritanie, au Maroc, en
Jordanie et en Algérie ces derniers
jours. Du côté de la Jordanie, les isla-
mistes mènent la fronde, espérant
mettre un terme à la monarchie. La
réponse du roi Abdallah II n’a pas
tardé: il a promis des réformes poli-
tiques profondes et quelques me-
sures sociales.
Péninsule arabique: même
les pétromonarchies vacillent
Le vent de la contestation balaie égale-
ment les pétromonarchies du golfe
arabe. Le ventre plein, à Riyad comme
à Abou Dhabi, la société civile réclame
plus de libertés et de démocratie. Signe
de ce malaise, un homme est décédé
après s’être immolé par le feu en Ara-
bie saoudite. Une première. A Mascate,
capitale du sultanat d’Oman, on pro-
teste contre la vie chère. A Dubai, le
malaise social menace. Au sud de la
péninsule, le Yémen siffle comme une
cocotte-minute. Le président Ali Ab-
dullah Saleh, au pouvoir depuis une
trentaine d'années, semble en danger.
En plus d’être une base arrière d’al-
Qaïda, le Yémen affronte la grogne du
peuple qui risque de faire tomber le ré-
gime. Et comme ailleurs, son président
joue la carte de la menace islamiste
pour garder le soutien des Occiden-
taux. Quitte à sacrifier son peuple...
I
Lire égalem ent en page 7
LE COURRIER
LA LIBERTÉ • MERCREDI 26 JANVIER 2011
6
INTERNATIONAL
DIRIGEANTS ARABES ABSENTS
Les dirigeants
du monde arabe
brilleront par leur absence à
Davos. Une discrétion qu’on ne
leur connaissait pas. Pas ques-
tion de quitter leur pays, de peur
de perdre leur fauteuil présiden-
tiel ou leur trône. Le roi du Maroc
Mohammed VI qui avait hébergé
un forum du WEF à Marrakech
était attendu dans la station gri-
sonne. Il a préféré rester au
chaud dans son royaume. Le pré-
sident algérien Bouteflika,
malade, doit gérer au jour le jour
la révolte. Même le roi Abdallah et
sa femme Rania ne feront pas le
déplacement habituel. Leur
apparition dans les fastes de
Davos pourraient avoir des effets
ravageurs à Amman. Quant à
Moubarak, il est plus paniqué que
jamais par le soulèvement de
l’opposition. Le nombre de
ministres arabes participant au
WEF se compte sur les doigts
d’un main, essentiellement d’Ara-
bie saoudite et des Emirats. De
rares patrons arabes se rendent
aussi à Davos. Encore un signe
qui montre que les décideurs ont
peur d’affronter les questions qui
fâchent et surtout celle-ci: que
faire face à des pays arabes cor-
rompus et aux économies mal
gérées par des régimes autori-
taires à bout de souffle?
SAH/TJ
La rue a pris
conscience qu’elle
a désormais le
pouvoir d’en finir
avec les dictatures
Des milliers d’Egyptiens ont réclamé hier le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir
depuis près de trente ans, lors d’importantes manifestations à travers le pays.
KEYSTONE
Facebook fait trembler Moubarak
Des milliers d’Egyptiens ont réclamé hier le dé-
part du président Hosni Moubarak (lire égale-
ment en page 7), au pouvoir depuis près de
trente ans, lors de manifestations à travers le
pays inspirées par la révolte populaire tunisien-
ne. L’analyse de Hasni Abidi, directeur du
Centre d’études et de recherche sur le monde
arabe et méditerranéen à Genève.
Fort de l’exemple tunisien, le mouvement
égyptien peut-il faire tomber Moubarak?
Hasni Abidi:
Difficile d’anticiper. Mais les in-
grédients sont réunis. Etat d’urgence, longé-
vité du pouvoir du président, sa volonté de le
transmettre à son fils Gamal, la corruption
qui atteint des sommets, etc. Cette «journée
de la colère» montre que les espaces contrôlés
de libertés ne suffisent plus à évacuer les frus-
trations. Il est significatif que la mobilisation
se soit faite via internet. Les partis d’opposi-
tion, la presse indépendante et les islamistes,
dont les Frères musulmans, sont en retrait,
pris de court.
C’était une journée test?
Oui, car il y a eu un grand élan de solidarité qui
met le pouvoir à l’épreuve, mais aussi l’opposi-
tion, en montrant que celle-ci n’a pas dépassé le
stade d’une opposition alibi servant à légitimer le
pouvoir. Pour le gouvernement, c’est sa capacité à
gérer les manifestations qui est testée. En Tunisie,
tout a basculé quand la police a tiré à balles
réelles. Le régime égyptien, mieux rôdé, est
conscient qu’il ne peut se permettre de bavures.
Du coup, les manifestants tenteront de pousser le
bouchon le plus loin possible. Tout dépendra si le
mouvement s’inscrit dans la durée, seule façon
de faire sauter le verrou pour arriver à un scénario
tunisien, bien que cela soit peu probable en ce
moment. Le mouvement aura un poids détermi-
nant sur la gestion de la transition du pouvoir. Il se
nourrit
beaucoup
des
récentes
élections
législatives qui ont vu la victoire massive du Parti
national démocratique du président. En octobre,
on saura qui seront les candidats à la présiden-
tielle. S’oriente-t-on vers un «Moubarak 2», un
«Moubarak fils» ou vers une ouverture et des ré-
formes sociales et politiques?
La colère des coptes, à la suite de l’attentat d’Alexandrie
le 31 décembre, est-elle un ingrédient de la révolte?
Question très sensible, car les coptes ont toujours
fait très attention à être partie prenante de la vie
politique et une grande partie d’entre eux sont
soumis à une hiérarchie copte très proche du
pouvoir. D’où la tentative de ne pas impliquer des
éléments confessionnels dans l’opposition poli-
tique. La très mauvaise gestion de la crise par le
pouvoir a toutefois terni son image, en particulier
à l’étranger, alors que Moubarak a toujours cher-
ché à fonder sa légitimité sur la scène internatio-
nale, où les critiques ont fusé contre son incapacité
à gérer le fait religieux.
Le Vatican a demandé que les chrétiens d’Orient soient
protégés, provoquant le rappel de l’ambassadeur
égyptien au Vatican. L’université d’Al Azhar, plus
grande autorité sunnite, a aussi gelé le dialogue
interreligieux avec Rome...
C’est la réponse d’un régime autoritaire qui
cherche à détourner l’attention sur l’étranger
pour masquer son incapacité à protéger les
coptes et son refus d’ouvrir le débat sur leur
droit à être de véritables citoyens.
Peut-on s’attendre à un «printemps arabe»?
Les événements en Tunisie ont montré que le
monde arabe n’est pas si désespérant que ça,
qu’il est capable d’évoluer par lui-même. Le
concept de l’«exception culturelle» d’un monde
musulman imperméable à la démocratie est
tombé en même temps que Ben Ali. C’est là que
je vois surtout l’effet domino.
PROPOS RECEUILLIS
PAR RACHAD ARMANIOS
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