Technologies, défense et relations transatlantiques - article ; n°4 ; vol.59, pg 1005-1015

Yves Boyer

Description

Politique étrangère - Année 1994 - Volume 59 - Numéro 4 - Pages 1005-1015
Technologies, Defense and Transatlantic Relations, by Yves Boyer
Today the international compétition among nations bas shifted from the quest of traditional tools of power towards the mastering of key technologies as well as their applications. Consequently, the acquisition of scientific and technological advantages provides a dominant position within the concert of nations. In this framework, the United States are trying to acquire and maintain a dominant trade position vis-à-vis their main economie rival, the European Union. The question of maintaining a strong defense industrial base in the European Union shall thus he examined in the general framework of the overall relations with the US. Not only the maintenance of this industry is of paramount importance to preserve a strong high-tech base in Europe but also for providing the EU members ivith a freedom of maneuver when contemplating the development of a common defense policy. Accordingly, the main question adressed in this article relates to the potential effects of a growing contradiction in the Western world between maintaining a strategie cohesiveness in the field of defense when at the same time entering a period of fierce competition in the field of trade of high-tech products.
Aujourd'hui, la compétition internationale s'est déplacée de la recherche des instruments traditionnels de pouvoir vers la maîtrise de technologies-clefs ainsi que de leurs applications. Désormais, en effet, l'acquisition d'avantages scientifiques et technologiques dans les domaines stratégiques confère une position dominante dans le concert des nations. A l'égard de son principal concurrent dans le domaine des industries de défense — l'Union européenne — les Etats-Unis cherchent à acquérir, à développer et à maintenir des positions commerciales dominantes. Dans ces conditions, parmi les raisons qui devraient pousser les Etats européens à relever le défi des industries de défense américaines, figure au premier plan la question fondamentale de leur capacité à préserver, à travers les industries de défense, une liberté de manœuvre politico-stratégique. Les partenaires d'hier contre le danger soviétique — Etats-Unis, Japon et Union européenne — sont devenus des concurrents sans que, désormais, le sens d'un danger mortel commun ne vienne tempérer l'âpreté de la compétition technologique, économique et commerciale qu'ils se livrent. Cette inflexion a été, jusqu'à présent, prise en compte sans provoquer de fracture dans l'Alliance occidentale. Sur le long terme, il pourrait en être autrement.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1994
• Nombre de lectures: 51
• Langue: Français
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Boyer
Technologies, défense et relations transatlantiques
In: Politique étrangère N°4 - 1994 - 59e année pp. 1005-1015.
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Boyer. Technologies, défense et relations transatlantiques. In: Politique étrangère N°4 - 1994 - 59e année pp. 1005-1015.
doi : 10.3406/polit.1994.4334
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1994_num_59_4_4334Résumé
Aujourd'hui, la compétition internationale s'est déplacée de la recherche des instruments traditionnels
de pouvoir vers la maîtrise de technologies-clefs ainsi que de leurs applications. Désormais, en effet,
l'acquisition d'avantages scientifiques et technologiques dans les domaines stratégiques confère une
position dominante dans le concert des nations. A l'égard de son principal concurrent dans le domaine
des industries de défense — l'Union européenne — les Etats-Unis cherchent à acquérir, à développer
et à maintenir des positions commerciales dominantes. Dans ces conditions, parmi les raisons qui
devraient pousser les Etats européens à relever le défi des industries de défense américaines, figure au
premier plan la question fondamentale de leur capacité à préserver, à travers les industries de défense,
une liberté de manœuvre politico-stratégique. Les partenaires d'hier contre le danger soviétique —
Etats-Unis, Japon et Union européenne — sont devenus des concurrents sans que, désormais, le sens
d'un danger mortel commun ne vienne tempérer l'âpreté de la compétition technologique, économique
et commerciale qu'ils se livrent. Cette inflexion a été, jusqu'à présent, prise en compte sans provoquer
de fracture dans l'Alliance occidentale. Sur le long terme, il pourrait en être autrement.
Abstract
Technologies, Defense and Transatlantic Relations, by Yves Boyer
Today the international compétition among nations bas shifted from the quest of traditional tools of
power towards the mastering of key technologies as well as their applications. Consequently, the
acquisition of scientific and technological advantages provides a dominant position within the concert of
nations. In this framework, the United States are trying to acquire and maintain a dominant trade
position vis-à-vis their main economie rival, the European Union. The question of maintaining a strong
defense industrial base in the European Union shall thus he examined in the general framework of the
overall relations with the US. Not only the maintenance of this industry is of paramount importance to
preserve a strong high-tech base in Europe but also for providing the EU members ivith a freedom of
maneuver when contemplating the development of a common defense policy. Accordingly, the main
question adressed in this article relates to the potential effects of a growing contradiction in the Western
world between maintaining a strategie cohesiveness in the field of defense when at the same time
entering a period of fierce competition in the field of trade of high-tech products.POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 1005
Technologies, défense et relations
transatlantiques
Si la diffusion du progrès technologique s'est étendue à la planète tout
entière depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'origine de ce
progrès est restée l'apanage d'un nombre restreint de pays, au premier
rang desquels se trouvent les Etats-Unis. Cette aventure technologique a été
identifiée, outre- Atlantique, au mythe de la « frontière » : une « frontière » au
contenu non plus physique, mais dont la conquête fait appel aux meilleures
qualités de l'intelligence humaine afin de repousser toujours plus loin les
connaissances scientifiques et imaginer leurs nombreuses applications prati
ques. C'est ainsi qu'en 1945, Vannevar Bush intitulera l'un de ses ouvrages :
Science, the Endless Frontier. Beaucoup plus tard, afin de légitimer son projet
d'Initiative de défense stratégique, le président Reagan, avec un sens politique
achevé, recourra lui aussi, et à maintes reprises, à cette image d'une « nouvelle
frontière », celle-là, située dans l'espace. Aujourd'hui, à propos de la révolu
tion qui caractériserait les affaires militaires post-guerre froide, des spécialistes
américains reprennent encore et toujours ce thème de la « frontière » [1].
Au-delà de cette imagerie propre à la culture américaine, les Etats-Unis ont
adopté à l'égard de la diffusion de l'évolution technologique, une attitude
ambiguë. Avec prodigalité, voire générosité, ils en ont fait bénéficier la
communauté internationale, contribuant ainsi d'une façon incontestable au
progrès économique et social de nombreux Etats, condition sine qua non de
l'essor généralisé de la démocratie. Par ailleurs, leur souci légitime de sécurité
nationale les a incités à mettre sur pied des procédures juridiques unilatérales
ou négociées, visant à restreindre la diffusion et l'emploi de certaines technol
ogies. Dès lors, depuis 1945, ils n'ont cessé d'envisager les voies et les
moyens pour conserver le monopole de certaines connaissances scientifiques
et technologiques destinées à une application militaire. L'exemple le plus
caractéristique de ce choix politico-stratégique reste le plan Baruch, présenté
aux Nations Unies en mars 1946, visant à aménager, dans un sens favorable
aux Etats-Unis, la diffusion des connaissances liées à l'énergie atomique tout
en verrouillant la prolifération nucléaire.
Aujourd'hui, plus que jamais, il est incontestable que la compétition interna
tionale s'est déplacée de la recherche des instruments traditionnels de pouvoir,
* Directeur adjoint du CREST-Ecole polytechnique, directeur du cycle « Evolution technologi
que et défense » au Collège interarmées de défense (Paris). Cet article est également paru dans la
revue Europa-Archiv du 15 décembre 1994 sous le titre « Sprengt die Militârtechnik das
Transatlantische Bùndnis ? ». 1006 1 POLITIQUE ÉTRANGÈRE
comme l'étendue du territoire, le contrôle de richesses naturelles, la posses
sion d'industries lourdes, l'importance de la population ou des forces armées,
vers la maîtrise de technologies-clefs ainsi que de leurs applications, tout
particulièrement dans les domaines de la défense, de l'aérospatial et de la
collecte et du traitement de l'information. L'acquisition d'avantages scientif
iques et technologiques dans ces domaines stratégiques confère désormais une
position dominante dans le concert des nations. Selon certains commentateurs
américains, si les Etats-Unis étaient capables de développer et d'exploiter ces
connaissances, ils pourraient bénéficier « d'opportunités extraordinaires pour
façonner l'environnement économique et de sécurité à l'échelle internatio
nale » [2]. Après des années de doute, la confiance dans l'avenir se développe
à nouveau aux Etats-Unis. Aux inquiétudes exagérées de la fin de la décen
nie 80 devant la concurrence japonaise et européenne, succède une phase, sans
doute elle aussi excessive, d'euphorie, qui faisait annoncer au magazine
Newsweek que « l'Europe est en passe de perdre la course à la technolo
gie » [3].
Si la puissance des Etats-Unis a décliné, en termes relatifs, devant le dyna
misme de leurs principaux concurrents économiques et commerciaux — Japon
et Union européenne — , Washington continue néanmoins à bénéficier
d'atouts liés à la maîtrise des espaces et des flux qui lui permettent de
maintenir son leadership international [4]. Un manque d'harmonisation entre
les impératifs économiques de chacun de ces trois ensembles pourrait mettre
en cause leur cohésion dans le domaine de la sécurité [5]. Ces contradictions
sont lourdes de tensions dont les premiers symptômes sont apparus au début
des années 70. Depuis lors, elles n'ont été ni apaisées, ni résolues, ni même
circonscrites.
Hautes technologies et compétition internationale
Aux Etats-Unis, ces tensions ont été l'objet d'une prise de conscience au
début des années 80 lorsque, à la croissance de 12,5 % par an, des exporta
tions des industries américaines de hautes technologies, entre 1982 et 1992,
répondait, dans le même temps, une diminution sensible de la part des Etats-
Unis dans le