Pour une psychanalyse pour touTEs, non à une psychanalyse homophobe
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Nous publions ci-dessous la réponse que Thamy Ayouch, psychanalyste, maître de conférences en psychopathologie à l’université de Lille 3, et « Professor Visitante Estrangeiro» à l’universidade de São Paulo, adresse à Monette Vacquin et Jean-Pierre Winter, auteurEs de l'article « Non à un monde sans sexes ! », dans Le Monde le 4 décembre 2012.
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Langue Français

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Pour une psychanalyse pour touTEs, non une psychanalyse homophobe http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/12/13/pourunepsychanalysepour toutesnonaunepsychanalysehom.html Thamy Ayouch D. R. Nous publions cidessous la rponse que Thamy Ayouch, psychanalyste, matre de confrences en psychopathologie l?universit de Lille 3, et Professor Visitante Estrangeiro l?universidade de So Paulo, adresse Monette Vacquin et JeanPierre Winter, auteurEs de l'article Non un monde sans sexes ! , dans Le Monde le 4 dcembre 2012. Raison ou tradition ? Pour Monette Vacquin et Jeanierre Winter, le projet de remplacer, dans le code civil, les termes de pre et mre par celui de parent est dcrit comme un vritable coup de balai idologique , une violence dflagratrice , un dni de la diffrence qui prcipitent l?humanit dans l? indiffrence , l?autre nom de la haine . La virulence de ce rquisitoire pourrait paratre trange, elle n?est pourtant que de raison, plaidentils en tant que psychanalystes. Cette violence viendrait, en effet, rpondre aux ambivalences inconscientes bien archaques , aux anciennes fureurs , aux destructions symboliques , et aux perversion , toute puissance et dni de la loi que charrierait ce projet. Celuici ne proviendrait pas seulement d? une minorit d?homosexuels demandeurs du mariage , mais d?une ultraminorit (laquelle ?) qui n?hsiterait gure recourir au terrorisme d?un langage qui fait la ruine de la pense : le politiquement correct . La mystification galitariste n?est alors que l??uvre de quelques idologues qui parlent une langue confuse mais qui la parlent avec violence, sidrant ou terrorisant leurs objecteurs par des sophismes . Examinons plus prcisment l?argumentaire des deux comparses. La disparition des termes de pre et mre du code civil les effacerait de notre identit. Fautil croire que le seul usage, dans le code civil, du terme parent entranerait immanquablement la dsutude, au quotidien, des vocables pre et mre, et la disparition de leurs rfrents ? N?estce pas, plutt qu?une
disparition, pourraiton demander, l?apparition, comme un cas parmi d?autres, de la configuration sociale premre, ct de celle de mremre ou prepre ? Plus fondamentalement, c?est d?abord la position quivoque des auteur.e.s qui nous plonge dans la perplexit. En effet, si ces vocables de pre et de mre s?inscrivent dans des sicles d?usage , ils sont galement prsents comme ces mots auxquels nous devons la transmission de la vie . Singulire hsitation ici, entre un usage historiquement situ, ftil ancestral, et la mtaphysique dification de termes garants de l?universelle transmission de la vie. Que choisiton ? Ces vocables et, partant, leurs rfrents, s?inscriventils dans une irrductible historicit, ou sontils transcendants tout usage, msusage, ou dsutude, dcidant alors, sub specie aeternitatis de ce qui vient codifier notre identit ? Car l?on peut invoquer le poids du temps, de la coutume et de la convention, et brandir des sicles et des sicles d?usage, qui font que mariage et alliance d?un homme et d?une femme sont confondus . La posture est ici claire : on en appelle la tradition. Nul changement qui ne vaille, les choses se sont toujours faites ainsi. L?argument reste celui des opposant.e.s aux premires revendications fministes ou dcolonisatrices, des adversaires des Civils Rights ou de la lutte contre l?Apartheid, ou, somme toute, des opposant.e.s toute contestation de l?ordre tabli. Une grammaire universelle de notre subjectivit ? Mais Monette Vacquin et JeanPierre Winter ne se cantonnent pas cette posture, et n?hsitent pas invoquer un argument antinomique, auquel va leur prfrence. Par del l?usage, le temps, la tradition ou le changement ? menues contingences historiques ?, il est fait appel la loi , la structure , le langage et la transmission de la vie , outils inaltrables d?une grammaire universelle de notre subjectivit. Le code civil, moment lgislatif d?une socit, loi profane, devient alors ce qui codifie notre identit , syntaxe intemporelle de notre subjectivit, Loi Sacre. Et qu?on ne craigne gure l?hypostase du langage : ces mots, pre, mre, nous devons la transmission de la vie . Si le langage est l?un des plus importants rseaux symboliques dans lesquels nous inscrivons notre subjectivation, il n?est pas, toutefois, une transcendance anhistorique. Rappelons nos structuralistes implacables que Saussure, dont se rclame toute thorie de la structure, ne spare pas la langue de la parole. Si la premire est la dimension sociale et collective du langage, n?existant virtuellement et parfaitement que dans la masse, et hors de la volont de l?individu, la parole, elle, est l?irrductible inscription historique de la langue, c?est un acte individuel de volont et d?intelligence (Saussure, Cours de linguistique gnrale). Point de langage, ni de langue sans parole, systme de transformations historiques et sociales faisant que nous ne parlons plus latin aujourd?hui ? hormis, pour certains, la messe.
On ne s?tonne gure alors des rsonnances bibliques de l?anathme : On ne fait pas la loi au langage ou alors il se venge . Voil donc le langage sous les traits de l?ternel, Dieu jaloux et vengeur , frappant de son courroux ceux qui en modifient les termes. S?il n?est ici qu?indirectement fait appel la biologie thologique ? Homme et femme il les cra ?, c?est pour mieux se rclamer d?un Symbolique linguistique, fonctionnant comme ultime substrat et suprme ordonnateur de toute manifestation historique et sociale. O tempora, o mores ! Mais attention ne pas confondre le langage, transcendance intemporelle, et un langage, qui fait la ruine de la pense : le politiquement correct . Celuici remplace, affirment les auteur.e.s, licenciement par plan social , ballon par rfrent rebondissant et mariage par discrimination lgale contre les citoyens fonde sur leur orientation sexuelle . trange mconnaissance des tournures linguistiques, se diraton, chez ceux qui revendiquent le langage comme l?alpha et l?omga du fonctionnement psychique. Car les tropes l??uvre dans ces faits de langage sont bien distincts : c?est par un euphmisme que licenciement devient plan social , et par une catachrse propre au jargon technocrate que ballon fait place rfrent rebondissant . Mais si mariage donne lieu discrimination lgale contre les citoyens fonde sur leur orientation sexuelle , c?est ici par hyperbole, et en aucun cas la priphrase ne prtend, comme dans les exemples prcdents, remplacer le mot. Le soutenir permet de dtourner habilement l?attention de la vise de la formule : celle de faire rflchir sur le statut de la sexuation et de la sexualit dans l?universalisme rpublicain. Fi donc de la varit des figures de style, un seul trope suffit, qui prside la rdaction de ce texte : l?apophtgme, sentence mmorable fustigeant les manquements la tradition. O tempora o mores , Ah, les jeunes d?aujourd?hui , ou, comme crivent Monette Vacquin et JeanPierre Winter, il faut tre sourd pour ne pas entendre le souffle juvnile qui parcourt tout cela , Notre gnration n?en finit plus de franchir des limites, ou de dtruire tout ce qui les incarne . La diffrence des sexes, garante de notre subjectivation ou du phallogocentrisme ?
Mais y regarder de plus prs, n?estce pas d?une vritable violence contre le langage que font montre les auteurs, lorsque mariage homosexuel, parent plutt que mre ou pre, deviennent, indiffremment, refus de la castration ? La tendance n?est gure originale : elle consiste rabattre la castration, manque, limite, faille et impuissance d?un sujet combler la demande de l?Autre, sur la seule diffrence perceptive des sexes. Mais n?estce pas ici confondre la thorisation psychanalytique et la thorie sexuelle infantile, pouser le regard du seul petit garon, qui, devant une dissemblance anatomique, introduit l?alternative d?un avoir ou n?avoir pas ? Et cette perception interprtative de la ralit n?estelle pas dj inscrite dans les conditions historiques de valorisation du masculin, et de dprciation du fminin propres la Vienne bourgeoise de la fin du dixneuvime sicle ? L?interprtation de la sexuation comme la possession ou la privation du pnis est empreinte de l?imaginaire collectif, et partant, subjectif, dans lequel elle advient : elle reste historiquement situe dans une perspective phallogocentrique qu?on souhaiterait diffrente actuellement. L?opration est simple : elle consiste littraliser ce que la psychanalyse a eu le soin de mtaphoriser, emplir d?imaginaire ce qu?une thorie ne vise que comme oprateur symbolique. En psychanalyse, la thorisation commence par une dsignification. Le processus analytique et sa thorisation crent du sens en subvertissant les significations codes de la langue et des mots : pulsion, plaisir, sexualit y perdent leur sens habituel, ce sont des mtaphores. Cellesci restent toutefois constamment menaces par un remplissage imaginaire, les ramenant au seul sens commun. Les littraliser, c?est confondre sexuel infantile et sexe, phallus et pnis, castration et perte de ce dernier. La diffrence anatomique des sexes devient alors le signifiant intemporel de notre subjectivation, le modle mme de la diffrence ? de culture, de classe ou d?idologie,  empchant de penser tout autant la singularit de chacune de ces diffrences que la diffrence au sein du mme sexe. Plus encore, la diffrence de pense qu?on pourrait afficher devant ce dogme ne serait que l?avatar d?un dni de la diffrence des sexes. Pointer les configurations multiples de celleci, souligner qu?il n?est de diffrence anatomique des sexes qui ne soit toujours et dj prise dans le sens historiquement institu du genre et son cortge d?inflations imaginaires, ou tenter, la manire des revendications galitaires fministes ou homosexuelles, de ramnager les formes localises que prend cette diffrence, ce serait pcher par dni de castration. Et ce n?est assurment pas d?homophobie que les auteurs feraient ici preuve ; ils le rappellent : la lutte contre l?homophobie, indispensable, est une chose . Cet acquit de conscience pos, on peut en toute srnit affirmer que la question du ??mariage homosexuel??  les guillemets laissent songeur  mle une problmatique lgitime une attaque institutionnelle sauvage qui mobilise les forces les plus archaques . Car une chose est la lutte contre l?homophobie, nous diton, une autre l?organisation juridique des liens entre les homosexuels , et une troisime la destitution des institutions par ceuxl mmes qui sont chargs de les laborer .
Ce serait faire preuve de mauvais esprit que de les confondre : il n?y a en effet nulle homophobie prsenter la revendication d?un ??mariage homosexuel?? par une minorit d?activistes comme une destitution des institutions , ou lui prfrer l?euphmistique organisation juridique des liens . L?insinuer serait exercer un chantage l?homophobie qui empche de penser ? Mais n?estce pas plutt ici l?interdit de penser inlassablement profr par une psychanalyse la tentation doctrinale ? Le projet de modification des termes du code civil, le mariage homosexuel ou l?homoparentalit ne seraientils pas, plus que des impensables symboliques, de nouvelles questions socitales impliquant d?tre penses nouveaux frais ? Plus que dans toute thorie ou pratique, la pense, en psychanalyse, n?advient qu? la faveur de l?impens sur lequel elle ouvre, et qui l?invite renouveler ses coordonnes de pense. C?est alors en vertu d?un interdit de penser les nouvelles modalits d?alliance et de filiation et leur contingence historique, que le mariage homosexuel apparat, nous dit on, comme une parodie , un coup de grce donn au mariage, susceptible de ne susciter, au mieux, que le rire ou le malaise, pas la satisfaction pure et simple . Un psychanalysme antipsychanalytique Et c?est par une grave confusion sur leur position que les auteurs confisquent ici la pense. La revendication du mariage homosexuel ne constitue pas, criventils, une demande satisfaire, mais un symptme dchiffrer . On reconnatra ici le propre de la posture analytique : l?analyste ne rpond pas par des actes la demande de l?analysant.e, en prtendant la satisfaire ou la faire disparatre, mais l?accompagne dans le dchiffrage de la position dsirante d?o elle merge. Mais cette minorit d?activistes , ces homosexuels en demande du mariage sontil des analysant.e.s de Madame Vacquin et Monsieur Winter, et leur adressentils cette demande ? Quelle toutepuissance conduit ici mes confrre/consoeur s?instituer psychanalystes d?une collectivit qui ne les a, du reste, gure sollicit.e.s, et sommairement appliquer une technique, des rgles et des concepts du cadre analytique toute une socit, pour en dchiffrer le symptme ? Au nom de quelle aberrante science psychanalytique s?autorisentelle/il statuer sur des questions socitales, prdire l?effondrement de la loi et se faire garant.e.s de la limite par un vigoureux rappel l?ordre ? S?il est une attitude analytique, et qui manque cruellement ici, c?est prcisment celle qui interroge le lieu d?nonciation d?un discours, son historicit, les enjeux inconscients qui y prsident, les rsistances l?altrit qui l?animent et le narcissisme qui le menace. Mais ce n?est certainement pas celle qui inscrit la psych ou la socit dans une quelconque prdictibilit. Laissons les oracles et les anathmes aux prophtes et aux prtres. Un.e psychanalyste n?a pas
vocation s?occuper de la morale de la socit, ni de son futur. Elle ou il n?a commerce qu?avec son analysant.e et vise respecter sa libert, en ne remplaant pas, au gr des plus grotesques contre transferts, son dsir par le sien. Que l?on songe donc s?interroger sur les usages normalisateurs, malheureusement si frquents, de la thorie analytique par des analystes autoproclam.e.s expert.e.s de la socit et des bonnes modalits de la subjectivation. Que l?on rflchisse aux dogmatismes qui, au nom de la psychanalyse, nous gratifient, dans les termes d?une mtapsychologie anhistorique, des prfrences subjectives les moins soumises l?analyse du contretransfert, et des strotypes les plus culs. Toute normativit au nom de la psychanalyse est une imposture, une suppression du processus analytique, au profit des seules conditions historiques, sociales, politiques, et non psychanalytiques, d?nonciation du discours. Le terme parent dans le code civil ne viendrait pas nier la castration, l?existence de mres et de pres, de femmes et d?hommes, mais proposer la pense d?autres structurations du dsir partir desquelles la ralit est aborde, d?autres institutions humaines, ponctuelles, historicises, renouvelant la perptuelle mutabilit du symbolique. Oublier cette historicit, c?est remplacer les mouvements thoriques et oprations analytiques par un noplatonisme o le Symbolique se confond avec la sphre thre de l?Intelligible, et Pre, Mre, Loi et Diffrence des sexes deviennent des Ides. C?est faire de la psychanalyse les vaticinations de quelques idologues qui parlent une langue confuse mais qui la parlent avec violence, sidrant ou terrorisant leurs objecteurs par des sophismes . Thamy Ayouch Thamy Ayouch a publi prcdemment sur Fministes en tous genres, "Tout le monde couche avec tout le monde !" Dernier ouvrage paru Ayouch T. (2012), La consonance imparfaite. Maurice MerleauPonty et la psychanalyse, Le Bord de l'Eau, Paris, 2012. Articles rcemment publis Ayouch T. (2012) : Genealogia da intersubjetividade e figurabilidade do afeto: Winnicott e Merleau Ponty , Psicologia USP, volume 13, n2, 2012. Ayouch T. (2012) : La psychanalyse : une pense magique ? , Cliniques mditerranennes 1/2012 (n 85), p. 175194
Articles paratre Ayouch T. : "MerleauPonty e a psicanlise: da fenomenologia da afetividade figurabilidade do afeto", Jornal de Psicanlise Ayouch T. : "A teorizao em psicanlise: mtodo, loucura, metfora", Revista brasileira de psicanlise Ayouch T. : Violences conjugales, violences thoriques. La psychanalyse l'preuve du genre , Clinique mditerranenne Ayouch T. : Le corps, un tmoin ? Psychanalyse et diffrence des sexes , Recherches en psychanalyse
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