Psychanalyse & Poésie
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Description


Appendice 1.
Les poètes sont majeurs, pléniers ou météores, jamais prophètes.
L’avènement du nazisme est dû au besoin pour l’Allemagne d’avant-guerre d’un grand chef spirituel, d’une sorte de berger de l’Ame germanique.
Ils l’attendaient à travers l’oeuvre des grands Romantiques.
Hélas, le paradis espéré s’est métamorphosé en apocalypse, le grand guide s’est muté en barbare sanguinaire dans les messes noires de l’holocauste.
Appendice 2.
Chez les poètes épris d’une mythologie liée aux éléments, les plus subtils sont ceux qui traitent des minéraux
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Extrait

Pierre David
Psychanalyse et poétique
In: Langue française. N°23, 1974. pp. 54-62.
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David Pierre. Psychanalyse et poétique. In: Langue française. N°23, 1974. pp. 54-62.
doi : 10.3406/lfr.1974.5682
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1974_num_23_1_5682Docteur Pierre David, psychanalyste, Paris.
PSYCHANALYSE ET POÉTIQUE
Je me propose d'examiner ce qui dans la structure versifiée du poème
peut ou non subir une exégèse psychanalytique. Cette approche est délicate
parce qu'il est difficile de distinguer les facteurs institutionnels et individuels
dans la prosodie et le rythme. Les poètes eux-mêmes ne nous aident guère sur
ce point. Valéry en témoigne qui avouait que Le cimetière marin s'était
d'abord imposé à lui sous une forme prosodique extérieure : le décasyllabe.
J'étudierai en même temps d'où provient le retentissement affectif de
la poésie. Sur ce problème les recherches actuelles laissent insatisfait. Les
linguistes font appel à des causes externes comme le symbolisme phonétique,
ou bien encore se retranchent derrière une hypothétique « connotation affec
tive ».
Autrefois, dans Plaisir poétique et plaisir musculaire, A. Spire avait
proposé une distinction entre l'aspect < bucco-auditif » dans la « phrase
affective э et la participation du corps musculaire sous la forme de mouve
ments rythmés en rapport avec les origines anciennes de la poésie. Une
telle hypothèse avait l'intérêt d'attirer l'attention sur deux aspects trop
méconnus du fait poétique : l'évocation subtile par les mots et l'effet du
poème sur le narcissisme et le corps tout entier. Je parle là du « récepteur ».
Mais un tel aspect du problème concerne aussi Г « émetteur » c'est-à-dire le
poète. Il est en effet notoire en clinique psychanalytique que l'investissement
libidinal du corps peut être mis en jeu lors de la sublimation poétique. Ceci
peut aller jusqu'au syndrome de dépersonnalisation. Si les autres artistes, et
en particulier les peintres, ne sont pas à l'abri de ces manifestations patho
logiques, il est cependant connu que les techniques des arts plastiques aident
à y pallier. Chez le poète la projection des mots et leur organisation sur la
surface de la page ne suffisent pas à le protéger dans un art où l'essentiel
de la création se situe en effet à un niveau bucco-auditif. On est donc en
droit de se demander si, pour eux, la prosodie ne joue pas le rôle d'un
soutien corporel et narcissique dans l'élaboration poétique. Cet apport exté
rieur, dont la poésie moderne tente de se détacher, serait peut-être un garde-
fou.
Les recherches linguistiques actuelles sont exclusivement orientées vers
54 de la forme des poèmes dans leur rapport avec le sens exprimé. l'analyse
Elles ne tiennent pas compte du facteur affectif que nous essayons d'explorer.
Et, lorsqu'elles empruntent à la psychanalyse son appareil conceptuel, c'est
pour confondre les effets de sens et les évocations imaginaires provoqués par
les jeux du signifiant dans les textes poétiques avec les formations de l'incons
cient. Or le poème étant — comme toute œuvre d'art — une chose « trans
narcissique » \ il me semble légitime d'étudier ses répercussions sur le nar
cissisme du poète et de son lecteur.
Le véritable problème réside dans la possibilité ou non d'appliquer
à la poésie le modèle freudien du mécanisme du plaisir et de sa genèse par
les œuvres d'art. Celui-ci est la transposition du schéma, élaboré par Freud,
concernant les rapports du mot d'esprit et de l'inconscient. Le plaisir esthé
tique, « plaisir perceptuel de la beauté des formes » agit comme « prime
incitatrice » et correspond au « plaisir préliminaire » (Vorlust) du mot
d'esprit. Il permet de détourner l'attention consciente du récepteur et ainsi
de l'attirer vers « de plus grandes profondeurs ». Il faut entendre par là le
désir inconscient et les fantasmes qui, sous une forme travestie, constituent le
ou les thèmes de l'œuvre d'art*.
Or si, comme le propose Jakobson, le < message » poétique est un mes
sage < réifié » — dans lequel s'institue une équivalence entre les éléments
de la forme phonique et les éléments sémantiques — nous devons nous demand
er dans cette structure quelle est la part du « plaisir préliminaire » et celle
des fantasmes et thèmes. Y a-t-il intrication de la thématique et de la forme
prosodique et rythmée ? Est-ce que le principe d'équivalence doit se réduire
au sens exprimé dans chaque segment de la phrase poétique, le thème général
du poème étant mis à part * ?
Nous cherchons à cerner ici ce qui est de l'ordre du Vorlust, de la
с prime incitatrice ». Nous sommes obligés de le faire en tenant compte de
ce que la forme phonique ne joue pas seule et qu'elle implique à chaque fois
le sens. C'est dans ce qui peut s'exprimer du refoulé le plus archaïque que
nous cherchons la solution de ce problème. Commentant les théories freu
diennes de l'art, E. Jones écrivait : « Les artistes ont raison lorsqu'ils soutien-
1. J'emprunte cette expression au livre d'A. Green, Un ceil en trop, éd. de Minuit,
1969. Il nomme l'oeuvre d'art « objet transnarcissique ». Je préfère « chose transnarcissi
que » avec ce que cela comporte d'allusions heideggeriennes_
2. C'est encore dans le chapitre consacré à « L'art » dans l'étude de l'œuvre de
Freud par E. Jones qu'on trouve la meilleure analyse de la pensée freudienne sur ce
sujet.
3. Je sais que les sémioticiens souhaitent appliquer le principe à la totalité du
poème. Je pose la question pour bien montrer que chez Freud la dichotomie est
explicite entre la forme et le thème.
Ses recherches sur les œuvres littéraires — comme l'analyse de la Gradiva et le
poète et son imagination — s'originent de ses recherches sur le fantasme dans les
années 1906-1909.
Freud ne pensait pas rendre compte du Vorlust par la psychanalyse. Et c'est un
usage fallacieux que font de sa pensée ceux qui sautent délibérément le pas des techni
ques signifiantes du mot d'esprit au poème. Ce dernier n'est pas un mot d'esprit. Il est
< chose » bien qu'il soit fait d'un assemblage de signes linguistiques. Il est le produit
d'un travail conscient auquel l'inconscient participe. Le problème de la forme se pose
véritablement et ne peut être éludé.
55 que la source du goût artistique est plus profondément enfouie que nent
n'importe quel fantasme inconscient, et qu'elle est plus éloignée de notre vie
instinctuelle que n'importe quel autre intérêt humain, à l'exception possible
des mathématiques pures ; en d'autres termes, elle représente le summum de la
désexualisation. Eloignement toutefois ne veut pas dire impénétrabilité.
Lorsqu'on songe aux matériaux utilisés dans les cinq arts — la peinture,
l'argile, la pierre, les mots et les sons — tout psychologue doit en conclure
que l'intérêt passionné pris à apporter un certain ordre dans ce chaos doit
signifier aussi une extraordinaire sublimation des plaisirs infantiles les plus
primitifs et le refus d'eux le plus extrême. En termes psychanalytiques, cette
concentration passionnée représente une fixation à un stade de " plaisir pré
liminaire " (Vorlust)4 ». Suivant les indications de Jones, je vais essayer — à
partir d'un exemple très simple — de montrer qu'on peut déceler dans cer
taines organisations versifiées la sublimation de tendances archaïques en
rapport avec l'oralité et la préoralité.
Deux vers de Baudelaire et deux vers de Brizeux.
Je sais que les vers que je vais étudier ne sont pas caractéristiques des
préoccupations de nombreux poéticiens actuels. Le problème du consonan-
tisme que H. Meschonnic considère comme très important dans la poésie
moderne n'y apparaîtra pas.
D'autre part, les récurrences phonématiques allitératives ou paronomasti-
ques n'y jouent qu'un rô

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