Catholicisme et usure au XVIe siècle - article ; n°149 ; vol.52, pg 59-74
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1966 - Volume 52 - Numéro 149 - Pages 59-74
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Marc Venard
Catholicisme et usure au XVIe siècle
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 52. N°149, 1966. pp. 59-74.
Citer ce document / Cite this document :
Venard Marc. Catholicisme et usure au XVIe siècle. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 52. N°149, 1966. pp. 59-
74.
doi : 10.3406/rhef.1966.1756
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1966_num_52_149_1756ET USURE AU XVIe SIÈCLE CATHOLICISME
Au début de ce siècle, Max Weber, affirmait dans un essai
célèbre que la Réforme protestante avait engendré le capita
lisme moderne, tandis que l'Église catholique demeurait obst
inément fidèle à la condamnation médiévale de l'usure 1. Comme
toute théorie, celle-ci a prouvé sa fécondité en subissant une
critique serrée qui lui a fait perdre tout son tranchant en la
chargeant de nuances et de doutes. Du coté des réformés, on
a montré que le prêt à intérêt n'avait pas été admis sans hésita
tion ni retour, et que les raisons religieuses n'avaient sans doute
pas été les plus déterminantes en sa faveur 2. De même une série
d'ouvrages récents nous invitent à envisager avec autant de
nuances la position catholique sur l'usure au cours du xvie siècle.
Les passer en revue sans prétendre être exhaustif, indiquer ensuite
quelques points qui pourraient être objet des investigations des
historiens, voilà sans plus à quoi je voudrais consacrer ces
quelques pages.
Sur la façon dont la doctrine ecclésiastique de l'usure s'est
peu à peu élaborée au Moyen âge, on trouve un excellent exposé
dans le Dictionnaire de Théologie Catholique 8. Au cours des xne-
xve siècles, elle atteint son point de perfection. La condamnat
ion de principe est fondée sur un ensemble d'axiomes aristoté
liciens (« pecunia pecuniam non parit ») et de références bibliques
(Dt 23, 20-21 ; Ps 15, 5 ; Le 6, 35). Aussi l'intérêt ne peut se
justifier que par des titres extrinsèques, tels que le risque encouru
1. Max Weber, « Die protestantische Ethik und der Geist des Kapita-
lismus », dans Archiv fiir Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, t. XX-XXI
(1904-1905). Traduction française de J. Chavy, Paris, 1964.
2. Sur la question des rapports entre protestantisme et capitalisme, voir,
•outre l'article de R. Stauffenegger dans la présente revue, la bibliographie
et l'excellente mise au point données par Jean Delumeau dans Naissance
et affirmation de la Réforme (Paris, 1965), p. 301-325. Les pages qu'on va
lire étaient déjà rédigées quand est paru l'ouvrage de Delumeau, avec
lequel elles me paraissent s'accorder pour l'essentiel, tout en le complétant
quant à l'attitude des catholiques.
3. Dictionnaire de Théologie Catholique, t. XV, 2e partie (Paris, 1950),
•col. 2316-2390 : art. « Usure », par A. Bernard, G. Le Bras et H. du Pas
sage. 60 M. VENARD .
(« damnum emergens ») ou le manque à gagner (« lucrum cessans »).
Cependant, note M. Le Bras, l'application de cette doctrine « fut
adaptée aux nécessités nouvelles des particuliers et des États,
puisque les controverses relatives à la société, aux rentes, au
change, aux emprunts, se sont terminées par une solution libé
rale ». En revanche l'analyse du péché s'est considérablement
affinée, avec tendance à la rigueur. Au total, l'effet de l'ense
ignement ecclésiastique sur l'usure n'est « ni radical, ni médiocre » :
il n'a pas empêché l'accroissement de l'activité bancaire et du
volume des affaires, mais il maintient des restrictions collectives
(législation et opinion hostiles), et individuelles (devoir de resti
tuer).
Il semble que le début du xvie siècle soit marqué par un ra
idissement à l'égard de l'usure sous toutes ses formes. Sur le plan
théorique, les traités de Thomas de Vio dit Caiétan sur les monts-
de-piété (1498), sur les changes (1499) et sur l'usure (1500)
témoignent d'une sévérité plus grande que ceux des docteurs
du xve siècle *. Il faut aussi mentionner la condamnation très
ferme portée par le Concile du Latran (1515) contre l'usure 5.
Cette sévérité accrue, B. Schnapper l'a également notée dans
l'attitude du Parlement de Paris à l'égard des contrats de rente
dans les années 1500-1520 6. La conclusion qu'en tire B. Schnap
per mérite d'être citée :
« Cette sévérité s'explique par le ressaisissement des consciences au
début du xvie siècle. Le Moyen âge prohibait et punissait sévèrement
l'usure, mais celle-ci était d'une pratique générale. On péchait en
toute connaissance de cause, quitte à se repentir. Il n'en va plus de
même au début du xvie siècle. Les consciences sont de plus en plus
scrupuleuses. La Réforme est le signe de ce raffermissement. Il ne fau
drait pas croire que la première génération de Réformateurs eût une
conception moins austère que les catholiques des devoirs des chré
tiens. L'usure est un des domaines où s'exerce le plus leur esprit de
rigueur. Luther en particulier s'est exprimé avec violence au sujet
des rentes, une telle violence même que certains de ses disciples con
seillèrent aux débiteurs de refuser le paiement des arrérages. Il ne fal
lut pas moins que la guerre des paysans de 1525-1526 pour inspirer
à Luther la crainte des bouleversements sociaux, et le transformer,
sur le plan économique, en un défenseur de l'ordre établi. Bien entendu,
4. Signalons une fois pour toute le remarquable catalogue de « docteurs »
établi par M. R. de Roover dans son ouvrage sur Y Évolution de la Lettre-
de Change, XIVe-XVIIIe siècle (« Affaires et gens d'affaires », t. IV, Paris,
1953). Bien que l'auteur n'ait retenu que les docteurs qui ont traité des
changes, sa liste donne de façon à peu près complète tous ceux qui ont écrit
sur l'usure en général, car comme il dit lui-même, « presque tous ceux qui
ont traité de l'usure, et ils sont nombreux, s'occupent aussi de la question,
des changes ».
5. Citée par J. Delumeau, op. cit., p. 310.
6. Bernard Schnapper, Les rentes au XVIe siècle. Histoire d'un instru
ment de crédit. (« Affaires et gens d'affaires », t. XII, Paris, 1957). CATHOLICISME ET USURE 61
la même austérité inspire la doctrine catholique. C'est elle sans doute
qui explique la sévérité de la jurisprudence dans le traitement des
rentes à prix d'argent, aussi bien que les sincères scrupules moraux
des marchands de l'époque. 7 »
Or voici que, dans les années 1540, le principe même de la con
damnation de l'usure est remis en question. Il serait tentant d'y
voir une conséquence de la conjoncture économique : dans une
Europe en pleine expansion, mais où les trésors d'Amérique com
mencent à peine à arriver, on se trouve au point culminant de la
famine monétaire ; ainsi deux constatations s'imposent aux con
temporains, l'argent rapporte, et il est rare. En tout cas l'offen
sive en faveur du prêt à intérêt s'exerce sur un double terrain,
législatif et théorique.
D'une part nous voyons les pouvoirs civils, dans plusieurs
pays, légaliser un intérêt modéré : ainsi Charles-Quint dans une
ordonnance de 1540 pour les Pays-Bas, dont le préambule est
fort intéressant : il distingue l'usure, défendue à tous les chré
tiens de Vmtérêt « qui est permis aux bons marchands selon le
gain qu'ils pourraient raisonnablement faire » 8. Comme dit R. de
Roover, c'est le titre lucrum cessans inscrit dans la loi. De même
en 1545 une loi anglaise a admis un intérêt de 10 %. Et il fau
drait mentionner aushi les délibérations municipales, telles que
celle de Genève qui fixe en 1538 l'intérêt à 5 % 9. Dans U digue
élevée contre l'usure, une dangereuse brèche se trouve ouverte
p&r le décalage entre la législation civile et la législation rel
igieuse. Il est vrai que celle-ci pèse toujours d'un grand poids :
quand en 1548 le gouvernement royal voudra instaurer à Paris
une banque de dépôt, le premier argument invoqué par l&#

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