Conversions - article ; n°1 ; vol.10, pg 69-88
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Conversions - article ; n°1 ; vol.10, pg 69-88

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1958 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 69-88
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur A. J. Steele
Conversions
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp. 69-88.
Citer ce document / Cite this document :
Steele A. J. Conversions. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp. 69-88.
doi : 10.3406/caief.1958.2124
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1958_num_10_1_2124CONVERSIONS
Communication de M. A. J. STEELE
(Edinburgh University)
au /Xe Congrès de l'Association, le 22 juillet 1957
Telle cerise de Rémy Belleau, toute « païenne », de
vient pour le P. Richeome un indice de la gloire du
Créateur (1). Telle rose, minutieuse, de Pontus de Tyard
refleurit pour le P. de Bussières (2). Toute l'encyclo
pédie humaniste, cosmologique ou simplement blason-
nière, s'associe chez les écrivains spirituels à la tradi
tion de la Bible et du Cantico di frate Sole, « tout ce
qu'il y a de beau, de rare et de curieux dans la na
ture » (3). Les protestants prennent part au concert
П) Belleau, Petites Inventions: La Cerise; Richeome, cité par
Bremond et Grolleau : Anthologie des écrivains catholiques, p. 11.
(2) Pontus de Tyard, Vers lyriques : Les Roses de son île ;
Bussières, Descriptions poétiques : La Rose.
(3) Voir le sous-titre de l'ouvrage de Cl. Morel : Les Rayons
de la Divinité dans les créatures, cité par Busson : Pensée reli
gieuse, p. 61. Et cf. notamment Bellarmin : De ascensu mentis ad
Deum per scalas rerum creatarum ; Richeome : L'Art d'aimer
Dieu par les créatures. Bremond signale son culte du menu, sa
myopie, comme dirait Croce ; et L. Lessius, jésuite de Louvain :
De Numine eiusque providentia, où l'on peut noter par exemple
cette promesse de tant de descriptions baroques : .Ver minor
colorum variatio (floribus), candidis, flavis, gilvis, luteolis, san-
guineis, puniceis, cyaneis, purpureis, ianthinis, colore semplici,
miscello, multiplici, saturo, diluto, ex rubro pallescente, ex croceo
rubescente, ex puniceo purpurascente ; aurato vel ригригео inters
puncti, virgati, stellati, segmentati : fundo gemmato, umbone
media, apicibus e centro prodeuntibus, quibus varius color, forma
et dispositio multiplex. Denique singulae species ad mirac.ulum
pulchrae. Singulae particulae in tanta varietate ita conformatae
et dispositae ad elegantiam formae pro nátura et tempore
cuiusque, ut nulla arte possint melius aut accommodatius. Quis
ista considérons non agnoscat artificis savientiam, eamque admi- A.-J. STEELE 70
de louanges. Notons toutefois la différence d'accent,
entre le Microcosme de Scève, par exemple, humaniste
en somme bien plus que religieux, et l'œuvre de Du Bar-
tas, où tout est rapporté d'emblée à Dieu. « Pour l'inven
tion, disait Du Perron, chacun sait que Du Bartas ne l'a
pas et qu'il n'a rien à lui, et qu'il ne fait que raconter
une histoire (4). Précisément, c'est par là surtout que
Du Bartas est un poète calviniste (5). Il raconte la
grande Histoire. Non seulement en effet il faut remonter
de l'œuvre à l'Ouvrier (6), rompant l'envoûtement de
la chute qui fait que nous nous arrangeons pour vivre
dans ce monde qui est le sien, comme si Dieu n'existait
point ; mais encore faut-il, au lieu d'y contempler des
perfections en quelque sorte statiques et essentielles, à
la manière des Grecs ou de saint Thomas, participer au
dynamisme de l'immense drame, cosmique, de la Ré
demption : conception hébraïco-chrétienne (7). Une
théologie semblable anime les Tragiques de d'Aubigné.
Et comment ne pas songer à Milton ? (8)
retxiT, laudet et veneretur ? (I, 30). L'influence de Lessius et de
Richeome fut grande. Saint-Amant adressant son Contemplateur
à Cospéan ne fut sans doute pas étranger à ce mouvement. Lors
de nos discussions en 1954 sur le sentiment de la nature, M. Da-
gens nous rappelait opportunément l'aspect religieux de la ques
tion. Jésus au milieu du soleil serait-ce un écho bérullien ? Il y
aurait lieu certainement de parler d'une conversion du thème de
la solitude : d'où tant d'ermitages, de thébaïdes, de Chartreuses
poétiques. Cf. par exemple Fr. de Sales : Introduction, III, xxiv,
et sa Description du Mont de Voiron ; chez les poètes, Arnauld
d'Andilly : Solitude ; descriptions de Martial de Brives ; Stances
anonymes dans Recueil des plus beaux vers, p. 870 ; Perrin :
Chartreuse ; Malaval : Beautés de la solitude chrétienne ; même
La Fontaine (solitude de saint Male), etc.
(4) Perroniana, 1669, p. 30.
(5) Pour quelques « constantes » de la poésie des Réformés,
voir l'article d'A.-M. Schmidt, Revue de l'Hist. du protestantisme,
1935. Cf. aussi son édition des Sonnets chrétiens du pasteur
L. Drelincourt.
(6) Cf. Calvin : Quod dicit Deum manifestasse, sensus est, ideo
conditum esse hominem ut spectator sit fabricae mundi :
datos ei oculos, ut intuitu tam pulchrae imaginis ad auctorem
ipsum feratur. (Corpus Reform. XLIX, 23) ; et : « Jetons la vue
sur une plume de paon. N'y a-t-il pas là un artifice si admirable
que nous ne savons que dire sinon de glorifier Dieu ? » (XXXV,
423). Il revient souvent sur les merveilles de la nature, ce magni-
ficum theatrum coeli et terrae, innumeris miraculis refertum (II,
247). Pour le menu chez Calvin, cf. XXVI, 204 : la mouche, le
brin d'herbe.
(7) Voir L. Wencélius : L'Esthétique de Calvin, I, 6.
(8) Quelles que soient d'ailleurs les limites de son calvinisme. STEELE 71 A.-J.
Parmi tant de conversions, il y en a une qui est cen
trale. Au seuil du xvi" siècle poétique en France se
dresse, symbolique, dans les pages de Lemaire de Belges,
le temple de Vénus (9). Jamais Aphrodite n'aura ac
cordé aux mortels de plus splendides epiphanies qu'au
temps de la Renaissance. Epiphanies et incarnations ;
alors qu'au moyen âge elle ne se révélait guère qu'en
songe, en ce songe qui hantait encore l'esprit du pauvre
écolier rêvant aux dames du temps jadis, ou bien on
l'adorait naïvement tantôt, et tantôt subrepticement,
prêt à chanter la palinodie. Mais elle renaît sous le pin
ceau d'un Botticelli, flottant incertaine entre le divin
et l'humain. Incarnée déjà peut-être dans la Simonetta
du Politien, nous la retrouverons par exemple dans la
Cassandre de Ronsard s'habillant au matin (10) ; et
chaque poète de la Renaissance va célébrer une déesse
sous la forme de sa maîtresse. Celeste donna, anzi ter
restre dea (11). D'autre part, on est pénétré du sent
iment lucrétien de l'empire absolu de la beauté et de
l'amour, jenseits des Guten und des Bôsen :
Sur les cloîtres sacrés la flamme on voit passer...
Contre un Dieu si puissant, qui les Dieux peut forcer,
Jeûnes ni oraisons ne se peuvent défendre (12).
Or, quoi qu'en dise le xviii* siècle, point de déité sans
temple.
Ecoutons Philippe Desportes :
Solitaire et pensif, dans un bois écarté,
Bien loin du populaire et de la tourbe épaisse,
Je veux bâtir un temple à ma flère Déesse
Pour apprendre mes vœux à sa divinité.
(9) Concorde des deux langages. On rapproche avec raison de ce
temple celui de Jean de Meung, dont la doctrine provient du natu
ralisme chrétien de l'école de Chartres, où Nature est vicaire de
Dieu. Mais le rappel de cette doctrine chez Lemaire est de pure
forme ; il va bien plus loin que Jean de Meung dans la parodie
du rite. Comme le remarque M. Frappier, il ne réussit pas la
conciliation des deux temples de Vénus et de Minerve ; on pense
au cas analogue du Bower of Bliss de Spenser (voir cependant
С. S. Lewis : The Allegory of Love).
(10) Amours, 39.
(11) Marino : In morte délia sua donna.
(12) Sonnets pour Hélène, I, 36. Cf. déjà Roman de la Rose,
4444. 72 A.-J. STEELE
Là, de jour et de nuit, par moi sera chanté
Le pouvoir de ses yeux, sa gloire et sa hautesse,
Et, dévot, son beau nom j'invoquerai sans cesse
Quand je serai pressé de quelque adversité.
Mon œil sera la lampe ardant continuelle
Devant l'image saint d'une dame si belle ;
Mon corps sera l'autel, et mes soupirs les vœux ;
Par mille et mille vers je chanterai l'office,
Puis, épanchant mes pleurs et coupant mes cheveux
J'y ferai tous les jours de mon cœur sacrifice (13).
C'est ici le пес plus ultra du pseudo-pétrarquisme ?
on ne va guère plus loin dans la voie du prosternement„
de l'abandon, de l'adoration ravie. Fantais

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents