Gauche américaine, gauche européenne : un même combat ? - article ; n°1 ; vol.33, pg 129-140
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 129-140
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Dick Howard
Gauche américaine, gauche européenne : un même combat ?
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°33-34, 1992. pp. 129-140.
Citer ce document / Cite this document :
Howard Dick. Gauche américaine, gauche européenne : un même combat ?. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme
social. N°33-34, 1992. pp. 129-140.
doi : 10.3406/chris.1992.1513
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1992_num_33_1_1513INTERNATIONAL
GAUCHE AMERICAINE, EUROPÉENNE :
UN MÊME COMBAT ?
Dick Howard
Pourquoi parler d'une gauche aujourd'hui ?
Le marché, le capital, la libre entreprise semblent avoir triomphé et
s'il y a une opposition, elle se situe plutôt du côté des atavismes, tels le
nationalisme ou la religion intégriste, que chez une gauche dont la
caractéristique dominante a toujours été sa croyance dans un avenir
radieux, un progrès historique nécessaire sinon une utopie volontariste.
La chute décisive et sans appel du socialisme dit « réel » semble sans
appel. Si, autrefois, l'on pouvait se dire que la théorie (ou l'espoir qu'elle
était censée incarner) restait valable bien que la pratique fût inadéquate,
ou bien que les leaders avaient failli, ou que les conditions n'étaient pas
encore mûres, ou bien encore qu'il fallait blâmer l'ennemi impérialiste
d'avoir contraint une révolution, bonne à l'origine, à suivre un chemin
défensif et coûteux, ces parades n'ont plus de sens depuis 1989.
Pourtant, il ne faut pas lire la situation nouvelle à partir de catégories
héritées de l'ancien ordre. Si la Guerre froide est finie, cela implique que
les uns aussi bien que les autres ont perdu leur raison d'être : la gauche
et la droite se définissaient réciproquement, et la disparition de l'une
entraîne celle de l'autre, de sorte que nous serions arrivés à la « fin de
l'histoire ». Or cette idée d'une fin de l'histoire est justement une idée
commune aux théories de la gauche, marxienne ou pas, et d'une droite
qui se définit justement par son refus de la modernité. Est-ce donc à dire,
Dick Howard est professeur de philosophie à l'Université de l'État de New York à
Stony Brook, et actuellement chercheur associé au CREA à Paris. Auteur notamment de
From Marx to Kent et The Marxian Legeen, il a publié en français La naissance de la
pensée politique américaine (1987).
129 avec Francis Fukuyama ou d'autres moins théoriciens, que nous vivons
le triomphe du libéralisme et, corrélativement, la fin des idéologies ?
Avant d'avancer plus loin dans l'analyse, je me permets d'introduire
une remarque personnelle autobiographique. L'idée d'un triomphe du
libéralisme et de la fin des idéologies était monnaie courante lorsque
j'étais étudiant aux États-Unis dans les années 60 ; et c'était ma
génération qui se chargeait de lui porter la contradiction dans la pratique
en inventant ce qu'on appela une « nouvelle gauche ». J'y reviendrai
longuement, mais il convient dès l'abord d'insister sur la distinction entre
une gauche qui se veut nouvelle et celle qui se charge de réaliser les
idéaux et les rêves de ses ancêtres. Pour ne donner qu'un exemple, la
nouvelle gauche ne cherchait pas à réaliser la timide ébauche d'un
État-providence investi de la mission de prendre en charge la vie des plus
défavorisés. Elle ne se comprenait pas tant comme soc/a/-démocrate
mais plutôt comme social-démocrate. La différence est de taille, mais ses
implications ne pouvaient pas se comprendre entièrement au moment de
sa naissance car la Guerre froide déformait toujours la vision qu'en
pouvaient avoir aussi bien les participants que les analystes extérieurs.
Pour comprendre l'actualité nouvelle, il faut donc revenir en arrière,
pour retrouver un monde non encore déformé par le manichéisme
politique ; il faut retrouver le moment de la naissance de la politique
moderne pour se rendre compte que la démocratie ne se définit pas par
opposition au socialisme mais plutôt comme critique pratique de Y absolu
tisme et de sa prétention à cumuler dans une seule instance politique le
pouvoir, la loi, et l'interprétation légitime de ces deux instances. La
démocratie n'est pas un système réalisé mais la mise en question d'une
société hiérarchique héritée d'un passé figé. L'advenir de la démocratie
lors des révolutions française et américaine marque non seulement la
naissance de la politique moderne mais aussi le moment où apparaît
pour la première fois le clivage droite/gauche. Une réflexion sur la
manière dont les uns et les autres ont vécu puis conçu et enfin réfléchi
cette démocratie politique (ou cette politique de la démocratie) nous
aidera à comprendre la distinction entre la (ou les) gauches américaines
et européennes. Elle nous permettra de comprendre aussi pourquoi il
faut parler encore aujourd'hui de l'existence et des projets d'une gauche
que d'aucuns nommeraient « post-totalitaire » mais dont les origines
s'étaient ébauchées déjà chez la nouvelle gauche.
Entre déterminisme et idéalisme
Mais rassurez-vous, je ne vais pas passer en revue deux cents ans
130 d'histoire comparative. Pour en faire l'économie, je me permettrai,
toujours afin d'introduire des réflexions sur l'actualité, quelques remar
ques conceptuelles ou même philosophiques.
En dehors du contexte de la Guerre froide, la gauche pouvait être
définie par son projet modernisateur, lui-même fondé sur une philoso
phie de l'histoire. Cette philosophie représentait la politique comme une
sphère où, à travers le déploiement des volontés individuelles, se crée
une volonté une et unie. Or la réalité de la société post-absolutiste née
de la Révolution de 1789 étant tout le contraire de son auto-théorisation,
la gauche démocrate se crut obligée de se définir comme sociai-démocra-
te. Sa politique devait se fonder, soit sur un sujet réellement uni, soit sur
un sujet dont l'unification réaliserait le telos de l'histoire. Ce sujet serait
l'agent dit révolutionnaire ; c'est la fameuse classe « en-soi », qui doit
devenir une classe « pour-soi » et donc un acteur capable de donner une
direction au processus historique. Mais d'autre part, cette même philoso
phie de l'histoire faisait appel à des fondements « matérialistes » pour
expliquer, non seulement la possibilité, mais en fin de compte la
nécessité, de l'apparition d'une telle volonté.
Si l'on cherche à réunir ces trois moments en une seule théorie, deux
interprétations de la modernité conçue comme le telos de l'histoire se
présentent. Car en effet, cette modernité se réalise par l'intervention (1)
d'un sujet qui est lui-même conçu comme (2) un objet produit par (3)
une nécessité inscrit dans la matérialité du monde. Alors, ou bien on
peut faire l'économie de cette volonté subjective en cherchant au sein du
monde réel la contradiction réputée « principale » qui produit l'histoire ;
ou bien cette principale se situe dans les rapports entre le
sujet (y compris les droits qui garantissent son individualité) et un monde
matériel qui tend à lui refuser cette autonomie que d'aucuns appelleront
« bourgeoise ». Dans le premier cas de figure, l'on aboutit à un
matérialisme d'ordre déterministe ; dans le second, on s'oriente vers un
idéalisme à fortes couleurs volontaristes. Et on notera en passant que la
première option, qui prendra la dénomination de « structuraliste »
pendant les années 60 est compatible avec la théorie dite « post-moder
ne » ; dans les deux cas, le Sujet en tant que unité volitionnelle est nié —
Althusser n'était pas le collègue de Derrida par hasard. La seconde
option pouvait se présenter comme la critique existentielle d'une « ali
énation » ontologique pendant ces mêmes années 60, mais elle porte
d'autres virtualités pour autant qu'on assiste — comme je tentais de le
faire ci-dessus — sur les droits qui instituent le sujet dans son autonomie.
J'y ai in

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