La conversion d un huguenot au catholicisme en 1665 - article ; n°172 ; vol.64, pg 55-68
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1978 - Volume 64 - Numéro 172 - Pages 55-68
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Élisabeth Labrousse
La conversion d'un huguenot au catholicisme en 1665
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 64. N°172, 1978. pp. 55-68.
Citer ce document / Cite this document :
Labrousse Élisabeth. La conversion d'un huguenot au catholicisme en 1665. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome
64. N°172, 1978. pp. 55-68.
doi : 10.3406/rhef.1978.1613
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1978_num_64_172_1613MÉLANGES
LA CONVERSION D'UN HUGUENOT AU CATHOLICISME
EN 1665
L'obligeance de leur détenteur actuel nous a valu la communication d'abon
dantes archives privées qui réunissent une foule de documents, de nature
et de date fort diverses, mais tous relatifs à quelques familles de la petite
ville de Mauvezin, en Gascogne. Parmi ces papiers, se trouve un cahier rel
ativement épais *, auquel manquent les premières pages, mais qui est signé.
L'écriture en est plutôt appliquée que cursive — le scripteur confesse avoir
eu « peine et déplaisir » (p. 5) à tant copier — et cette espèce de mémoire rétros
pectif et autobiographique relate « les principales considérations et raisons »
(p. 1) de la conversion d'un huguenot au catholicisme ; il fut sans doute
composé à l'intention des proches et des descendants du rédacteur. Un
tel document est une aubaine pour l'historien et à plus d'un titre, car les
journaux plus ou moins intimes n'abondent pas au xvne siècle et surtout,
les témoignages directs émanant d'un homme simple et obscur sont parti
culièrement précieux. .
Par chance, nous avons pu identifier avec certitude l'auteur du cahier,
dont nous avons retrouvé l'abjuration en forme dans le registre de l'église
de Mauvezin (Archives municipales, GG 1, dernière page du registre, reliée
à l'envers). Cette abjuration étant datée de décembre 1665, elle fournit la
preuve que la crise religieuse dont témoigne le récit a duré au moins qua
torze ou quinze mois puisque, nous le verrons, on peut dater avec précision
les événements qui l'ont, ou déclenchée, ou du moins cristallisée et accé
lérée. Il y a là une preuve externe du sérieux de toute l'affaire : il ne s'est
pas agi d'un revirement bâclé à la légère. Au surplus, la teneur même du
cahier atteste les tourments du héros, qui mentionne en lui « grand chan
gement et inquiétude, ne pouvant que fort peu manger ni dormir, me trou
vant souvent le jour et la nuit à genoux, faisant des prières au delà des
ordinaires du soir et du matin, continuellement à la lecture de l'Écriture
1. Il a 235 sur 175 millimètres, et 20 pages ; nous le citerons avec la pagination de
la dactylographie que nous en avons établie, dont un exemplaire est déposé à la
Bibliothèque du Protestantisme français, 54, rue des Saints-Pères, Paris 7e. Nous
avons introduit les accents et corrigé occasionnellement une orthographe par trop
erratique. Le texte est signé par une tentative d'anagramme :
« Jean Jesse de Loumelongue
Jésus le guain de mon âme ».
Que M. Breton, du Mas-Grenier, détenteur actuel des riches archives de la famille
Périès-Labarthe, soit ici chaudement remercié de nous avoir prêté les documents
relatifs à Mauvezin dont il disposait. '
56 MÉLANGES
Sainte et à escrire » (p. 5) ; ce trouble d'ailleurs alerta sa femme, fervente
huguenote qu'il dit aimer « comme sa propre vie » et dont il avoue que les
pleurs et les raisonnements « humains » (elle ne devait pas imiter son mari
ou le faire très tard) l'ont « souvent arrêté » (p. 16).
Commençons par localiser géographiquement l'épisode. Nous sommes
en Gascogne, dans une région limite de l'implantation réformée (relativ
ement dense plus au nord — Quercy — et vers le sud-est — comté de Foix),
la vicomte de Fezensaguet, apanage au xvie siècle de la Maison d'Albret.
Sa capitale, Mauvezin (un peu plus de 2.000 âmes, un château, des remparts)
avait joué un certain rôle militaire durant les Guerres de Religion et celles
de Rohan; aussi le duc de Mayenne fit-il raser, en 1621, le château et les
remparts d'une ville turbulente, tôt passée à la Réforme. A la date où se
place notre document, les réformés sont peut-être encore les Mauvezinois :
les plus nombreux ; en tout cas, ils groupent la majorité écrasante des notables
et des citadins : bourgeois, artisans, commerçants. Le catholicisme (dont
le culte, aboli un temps au xvie siècle, avait été rétabli à Mauvezin en consé
quence de l'Édit de Nantes, en même temps que s'y réinstallait une petite
communauté de Jacobins) est surtout représenté par des brassiers (ouvriers
agricoles, souvent d'ailleurs propriétaires d'une maison et d'un minuscule :
lopin de terre) et des ruraux, à l'habitat dispersé dans les paroisses des
alentours de la ville. Donc, au niveau microscopique de la bourgade, en
1664 encore, les huguenots donnent le ton, car ils occupent presque exclus
ivement les échelons supérieurs de la société locale. Trois diocèses — Lomb
ez, Auch et Lectoure — se côtoyaient sur le petit territoire, qui se trouvait
donc partagé entre deux métropolitains différents, l'archevêque d'Auch
(de qui dépendait l'évêché de Lombez) et celui de Toulouse (de qui dépendait
Lectoure) ; mais la ville elle-même, stricto sensu, se trouvait tout entière dans
le diocèse de Lombez, à sa limite septentrionale. En 1664, Maître Pierre
Combes, recteur de Mauvezin, était depuis un an le vicaire général de son
évêque : être curé à Mauvezin — la seule région du petit diocèse où rés
idaient des hérétiques •>— , c'était être placé en première ligne du grand com
bat de la Contre- Réforme, situation qui persistera au xvme siècle *. Maître
Combes avait affaire à forte partie, car l'Église réformée de Mauvezin était
assez populeuse et riche pour bénéficier des services de deux pasteurs ;
elle comptait parmi ses fidèles quelques gentilshommes et la « jeunesse
dorée »3, recrutée parmi les enfants des nombreux notaires et robins, des
2. Cf. le livre, déjà ancien, de Jean Philip de Barjeau, Le protestantisme dans
la Vicomte de Fezensaguet, Auch, 1891. Mauvezin eut son contingent de galériens
pour la foi, et de femmes emprisonnées, tandis qu'une bonne cinquantaine de
Mauvezinois réussissaient à gagner le Refuge après 1685. Cf. aussi Ch. Bouhgeat, .
« Pouillé inédit du diocèse de Lombez (1755) », in Revue de Gascogne, 1939, p. 145-
164 ; avec un nombre d'habitants un peu inférieur, mais très comparable à celui
de la ville voisine de Gimont, Mauvezin compte 636 communiants alors que Gimont
en a 1.800 ! Les preuves abondent de la persistance de la R.P.R. à Mauvezin au
xvme siècle, ainsi la pluie de procès intentés à des concubinaires — réformés que
leur refus de se marier à l'église catholique rendait tels aux yeux des autorités —
en 1737-1739, qu'atteste une liasse récemment retrouvée aux Archives d'Auch
et qui n'a pas encore reçu de cote. Nous en avons entrepris l'étude et un premier .
article à ce sujet est à paraître dans les Actes du Colloque sur le thème des mariages
mixtes, tenu au printemps 1977 dans le cadre du Séminaire de Léon Poliakov
consacré à l'étude du racisme.
3. Le Consistoire dut sanctionner des bals, des mascarades et jusqu'à une ten- MÉLANGES 57
médecins, des chirurgiens, des apothicaires, des bourgeois plus ou moins
cossus qui tenaient le haut du pavé et étaient à peu près tous réformés.
En 1664, les huguenots méridionaux ont encore une sensibilité et des atti
tudes triomphalistes, assez « xvie siècle », alors que leurs coreligionnaires
du nord de la Loire sentent déjà venir la tempête et commencent à devenir
précautionneux et inquiets. Outre les preuves internes, dont abonde le récit,
cette situation locale achève de garantir la sincérité désintéressée du passage
de l'auteur du cahier au catholicisme : dans le milieu où il baigne, les avantages
temporels promis à son abjuration n'apparaissent pas encore comme énormes,
ni sans contre-partie. ..
Il

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