Le prêtre Eutrope et la “ vraie circoncision ” - article ; n°3 ; vol.199, pg 273-302
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1982 - Volume 199 - Numéro 3 - Pages 273-302
La loi de Moïse posait un problème délicat aux apologistes chrétiens des quatre premiers siècles. Il leur fallait défendre son origine divine contre les païens et les gnostiques, mais ils devaient aussi, face aux raisons du judaïsme, prouver qu'elle était caduque depuis la mort du Christ. La question de la circoncision était au cœur de ce débat. Pour la résoudre, les apologistes chrétiens ne se sont pas contentés d'arguments juridiques. Ils ont aussi fait usage de l'exégèse allégorique, afin de montrer que la vraie circoncision était celle du cœur, et que les chrétiens gardaient en esprit un précepte dont les Juifs n'observaient que la lettre. Ainsi envisagée, la quaestio de circumcisione pouvait servir de prétexte à un enseignement purement spirituel. L'épître que le prêtre Eutrope lui a consacrée, au début du Ve siècle, a l'intérêt de reprendre d'une manière originale les principaux thèmes de la démonstration traditionnelle, tout en les transférant de la polémique antijuive à la propagande monastique.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Hervé Savon
Le prêtre Eutrope et la “ vraie circoncision ”
In: Revue de l'histoire des religions, tome 199 n°3, 1982. pp. 273-302.
Résumé
La loi de Moïse posait un problème délicat aux apologistes chrétiens des quatre premiers siècles. Il leur fallait défendre son
origine divine contre les païens et les gnostiques, mais ils devaient aussi, face aux raisons du judaïsme, prouver qu'elle était
caduque depuis la mort du Christ. La question de la circoncision était au cœur de ce débat. Pour la résoudre, les apologistes
chrétiens ne se sont pas contentés d'arguments juridiques. Ils ont aussi fait usage de l'exégèse allégorique, afin de montrer que
la vraie circoncision était celle du cœur, et que les chrétiens gardaient en esprit un précepte dont les Juifs n'observaient que la
lettre. Ainsi envisagée, la "quaestio de circumcisione" pouvait servir de prétexte à un enseignement purement spirituel. L'épître
que le prêtre Eutrope lui a consacrée, au début du Ve siècle, a l'intérêt de reprendre d'une manière originale les principaux
thèmes de la démonstration traditionnelle, tout en les transférant de la polémique antijuive à la propagande monastique.
Citer ce document / Cite this document :
Savon Hervé. Le prêtre Eutrope et la “ vraie circoncision ”. In: Revue de l'histoire des religions, tome 199 n°3, 1982. pp. 273-
302.
doi : 10.3406/rhr.1982.4672
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1982_num_199_3_4672LE PRÊTRE EUTROPE
ET LA « VRAIE CIRCONCISION »
La loi de Moïse posait un problème délicat aux apologistes
chrétiens des quatre premiers siècles. Il leur fallait défendre
son origine divine contre les païens et les gnosiiques, mais ils
devaient aussi, face aux raisons du judaïsme, prouver qu'elle
était caduque depuis la mort du Christ. La question de la
circoncision était au cœur de ce débat. Pour la résoudre, les
apologistes chrétiens ne se sont pas contentés d'arguments
juridiques. Ils ont aussi fait usage de l'exégèse allégorique, afin
de montrer que la vraie circoncision était celle du cœur, et que
les chrétiens gardaient en esprit un précepte dont les Juifs
n'observaient que la lettre. Ainsi envisagée, la quaestio de cir-
cumcisione pouvait servir de prétexte à un enseignement pure
ment spirituel. L'épîlre que le prêtre Eutrope lui a consacrée,
au début du Ve siècle, a l'intérêt de reprendre d'une manière
originale les principaux thèmes de la démonstration traditionn
elle, tout en les transférant de la polémique anlijuive à la pro
pagande monastique.
Les quatre opuscules que l'on considère aujourd'hui
comme l'héritage littéraire du prêtre Eutrope sont restés
longtemps dans une pénombre qu'ils n'avaient pas méritée.
En retirant trois d'entre eux à saint Jérôme, sous le nom
duquel ils avaient jusqu'alors circulé, Erasme avait bien
salué la culture de leur auteur et déclaré qu'ils valaient
Revue de l'Histoire des Religions, cic-3, 1982 274 Hervé Savon
d'être lus1, mais ces éloges n'avaient pas compensé la disgrâce
de l'anonymat. Depuis que ce dernier a été progressivement
dissipé2, les spécialistes ont commencé à s'intéresser à ces
textes, écrits au début du ve siècle — peut-être vers 415 — ,
vraisemblablement en Aquitaine ou en Espagne du Nord3.
On s'est interrogé sur le degré de culture classique dont ils
témoignaient4 ; on a cherché à définir leurs orientations théo
logiques5 ; on a loué leur doctrine spirituelle6. Il est cependant
un aspect de ces opuscules qui a moins retenu l'attention,
celui qui les rattache au genre exégétique et à la tradition
déjà longue des interprètes chrétiens de la Bible. Or les titres
des trois plus importants d'entre eux — De uera circumcisione r
De perfeclo homine, De similitudine carnis peccati — sont
des références à des thèmes ou à des expressions de l'Ecriture7
que le prêtre Eutrope se propose d'expliquer à sa corre
spondante. Cependant, lorsqu'on a mentionné en passant cet
1. Opera omnia Diui Eusebii Hieronymi... una cum argumentis et scholiis Des.
Erasmi Roterodami..., II, Basileae, in aedibus Io. Frobenii, 1516, f. 14B, 23A,
69D.
2. Pour les étapes de la reconstitution de l'héritage d'Eutrope, voir J. Madoz,
Herencia literaria del presbîtero Eutropio, Estudios Eclesiàsticos, XVI, 1942,
p. 27-54 ; P. Courcelle, Un nouveau traité d'Eutrope, prêtre aquitain, vers
l'an 400, Revue des Etudes anciennes, LXI, 1954, p. 377-390 (repris dans Id.,
Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, 3e éd., Paris, 1964, p. 303-
317).
3. Cf. P. Courcelle, op. cit., p. 387-389 (313-316).
4. P. Courcelle, op. cit., notamment p. 383 (309-310) ; Id., Le souvenir
d'Archimède en Occident chrétien, Convivium Dominicum, Catania, 1959,
p. 293-296 ; A. Michel, La culture en Aquitaine au Ve siècle : le témoignage
d'Eutrope, Annales du Midi, LXXI, 1959, p. 115-124.
5. Sur ce point, les résultats n'ont pas été convergents. G. Morin croit
découvrir dans l'auteur du De similitudine carnis peccati un précurseur de la
théorie augustinienne du péché originel (G. Morin, Un traité inédit du ive siècle...,
Etudes, Textes et Découvertes, I, Paris, Maredsous, 1913, p. 88), tandis que G. de
Plinval (Recherches sur l'œuvre littéraire de Pelage, Revue de Philologie, VIII,
1934, p. 33-34) a proposé d'attribuer à Pelage les lettres De testamento Gerontii
et De uera circumcisione. La première avait été considérée comme Pelagiana
par Robert Bellarmin, De scriptoribus ecclesiasticis, éd. nov., Lutetiae Parisio-
rum, S. Cramoisy, 1617, p. 151.
6. F. Cavallera, L'héritage littéraire et spirituel du prêtre Eutrope,
Revue d'Ascétique et de Mystique, XXIV, 1948, p. 60-71 ; Id., L'épître pseudo-
hiéronymienne De uiro perfecto, Revue d'Ascétique et de Mystique, XXV, 1949,
p. 138-167.
7. Cf. Col., 1, 28 (homo perfectus) ; Rom., 8, 3 (simililudo carnis peccati).
Le substrat biblique du De uera circumcisione sera examiné dans les pages qui
suivent. el la « vraie circoncision » 275 Evtlrope
aspect de l'œuvre, on n'y a vu qu'une enveloppe un peu
encombrante qu'il fallait écarter pour aller à l'essentiel. Ainsi
F. Gavallera parle-t-il de « ce... genre d'exégèse spirituelle,
recherchée, contournée, difficile à suivre dans le détail »8.
On peut cependant penser que l'examen de cette exégèse,
à première vue un peu déconcertante, est l'une des meilleures
voies d'accès à l'œuvre d'Eutrope. La culture classique que
celle-ci reflète, et sur laquelle ont justement insisté P. Cour-
celle et A. Michel, n'était pour notre auteur qu'un outil ser
vant à mieux comprendre et mieux expliquer les textes
sacrés. Quant aux problèmes théologiques, ce sont d'abord,
pour Eutrope, des d'exégèse. Il les pose et les
résout chaque fois en fonction du texte précis qu'il commente,
ce qui peut expliquer certaines variations, certaines contra
dictions apparentes. La doctrine spirituelle enfin n'a de consis
tance que dans la méditation permanente du Livre qui la fonde.
Ajoutons que c'est l'étude de son exégèse qui permet le
mieux de saisir l'originalité d'Eutrope et l'essentiel de sa
pensée. En tant qu'interprète de l'Ecriture, en effet, il se
range dans une longue lignée ; en même temps il s'en distingue
par tel accent nouveau, par telle interprétation que nous ne
rencontrons pas ailleurs, par tel rapprochement qu'on n'avait
pas fait avant lui.
De ces quatre opuscules, le De uera circumcisione est sans
doute celui qui se prête le mieux à être envisagé comme
œuvre d'exégèse. Eutrope n'y examine pas un cas de cons
cience qui lui a été proposé, comme dans le De testamento
Geroniii. Il ne part point non plus d'un passage particulier
du corpus paulinien comme dans le De perfeclo homine9 ou
le De similitudine carnis peccali : le thème de la vraie ci
rconcision appartient aussi bien à l'Ancien qu'au Nouveau
8. F. Gavallera, L'héritage littéraire..., p. 68.
9. En dé

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