Le prêtre Eutrope et la “vraie circoncision”. II. Le traité d’Eutrope : tradition polémique et propagande ascétique - article ; n°4 ; vol.199, pg 381-404
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1982 - Volume 199 - Numéro 4 - Pages 381-404
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hervé Savon
Le prêtre Eutrope et la “vraie circoncision”. II. Le traité
d’Eutrope : tradition polémique et propagande ascétique
In: Revue de l'histoire des religions, tome 199 n°4, 1982. pp. 381-404.
Citer ce document / Cite this document :
Savon Hervé. Le prêtre Eutrope et la “vraie circoncision”. II. Le traité d’Eutrope : tradition polémique et propagande ascétique.
In: Revue de l'histoire des religions, tome 199 n°4, 1982. pp. 381-404.
doi : 10.3406/rhr.1982.4631
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1982_num_199_4_4631LE PRÊTRE EUTROPE
ET LA « VRAIE CIRCONCISION »
II. Le traité d'Eu trope :
tradition polémique et propagande ascétique
Lorsqu'il écrit sa deuxième lettre à Cerasia1, Eutrope se
place d'emblée dans la tradition littéraire et doctrinale de la
quaeslio de circumcisione, dont nous avons analysé précédem
ment les arguments et la structure2. Voici, en effet, ce qu'il
déclare à sa correspondante presque au début de son épître :
« Je me propose de m' entretenir avec toi de la question su
ivante : Pourquoi n'est-ce pas au doigt, à l'oreille ou en quelque
autre partie du corps que se pratique la circoncision des Juifs,
qui nous semblerait à coup sûr sans raison si ce n'était Dieu
lui-même qui l'avait instituée3 ? » Ainsi posé, le problème
est étranger aux développements classiques sur la circoncision
que l'on trouve dans les épîtres pauliniennes. Il est familier,
en revanche, aux écrivains de l'époque patristique. Origène,
par exemple, déclare surprenant que le Dieu tout-puissant
n'ait trouvé que les « parties honteuses » pour y imprimer la
marque de l'alliance4. Au ve siècle encore, peu après Eutrope,
mais dans l'Orient grec, Théodoret de Cyr consacre une de
1. Ce texte, qui a l'ampleur d'un véritable traité, est intitulé dans la tra
dition manuscrite De uera circumcisione, titre parfaitement justifié, comme nous
allons le constater. Sur l'attribution de cet opuscule à Eutrope et sur le nom de
sa destinatrice, v. J. Madoz, Herencia literaria del presbitero Eutropio, Estu~
dios Eclesiâsticos, XVI, 1942, p. 27-54.
2. Voir la 1™ partie de cet article, Revue de V Histoire des Religions, CIC-3,
1982, p. 273-302.
3. Eutrope, De uera circumcisione, 2, PL, XXX, 189BC (195B).
4. Origène, In Rom., II, 13, PG, XIV, 910B. Cf. lr« partie de cet article,
n. 39-41.
Revue de l'Histoire des Religions, cic-4/1982 382 Hervé Savon
ses Quaesiiones et responsiones à cette même difficulté6. Même
lorsque cet étonnement plus ou moins scandalisé ne s'exprime
pas aussi crûment, il inspire les interrogations des Pères de
l'Eglise sur la raison d'être du signe choisi par Dieu pour
être le sceau de l'appartenance au peuple élu.
Afin de faire sentir davantage le paradoxe, Eutrope prend
soin d'insister aussitôt sur la disproportion qui existe entre
la réalité signifiée — l'alliance et les promesses dont Israël
est le dépositaire — et le signe qui en est donné, dans sa matér
ialité déconcertante, voire obscène6. On reconnaît encore
ici la technique de la quaeslio ; le même contraste avait été
exprimé avec force par les exégètes antérieurs, notamment
Origène7. Nous verrons plus loin comment Eutrope détaille
et accentue cette aporie. Retenons pour l'instant la formule
qui énonce le point de départ des réflexions proposées à
Gerasia : « ... la circoncision des Juifs, qui nous semblerait
à coup sûr sans raison si ce n'était Dieu lui-même qui l'avait
instituée. » Tout le De uera circumcisione est employé à ré
soudre cette difficulté initiale, en montrant que le rite mis
en question cesse seulement d'apparaître absurde au moment
où l'on abandonne le sens littéral pour le sens allégorique.
C'est là une stratégie éprouvée, que nous avons maintes fois
observée chez les prédécesseurs d' Eutrope. Ajoutons enfin
que le sens allégorique auquel recourt ce dernier est plus pré
cisément un sens moral : la circoncision véritable, c'est un
retranchement dans les passions et les attachements du cœur
humain8. Ici encore, la solution proposée par notre auteur
rencontre une des réponses les plus souvent répétées par
l'exégèse patristique9.
Mais s'agit-il simplement d'une rencontre ? Faut-il parler
5. Théodoret de Cyr, Quaesiiones et responsiones ad orihodoxos, PG, VI,
1348A.
6. Eutrope, De uera circumcisione, 2, 189D-190A (195D-196A) ; cf. Rm., 9,
4-5.
7. Origène, In Gen., III, 4, p. 43, 7-11. Cf. 1" partie de cet article, p. 285.
8. Cf. ci-dessous, p. 392.
9. Cf. lre partie de cet article, p. 299-300. el la « vraie circoncision » 383 Eulrope
d'une pure coïncidence ? Peut-on supposer que le correspon
dant de Gerasia ait retrouvé de lui-même la forme, la struc
ture et les grandes orientations des quaestiones de circumcis
ione, tout en ignorant complètement celles qu'avaient com
posées ses prédécesseurs ? Une telle hypothèse ne serait guère
vraisemblable. Eutrope, homme d'Eglise, écrivain cultivé10,
n'a rien d'un autodidacte. Voulant expliquer une notion bibli
que comme celle de la circoncision, il n'a pu manquer de se
documenter et de se référer aux interprétations qui avaient
cours aussi bien dans l'homilétique11 que dans la controverse.
N'oublions pas, en effet, qu'à l'époque où écrit Eutrope,
la polémique avec la Synagogue était loin d'appartenir à un
passé révolu12. Or, la circoncision était l'un des thèmes obligés
de ces joutes ; on ne pouvait donc en traiter, même pour en
tirer des exhortations spirituelles, sans avoir présent à l'es
prit le débat dont elle faisait l'objet ainsi que les arguments
qu'échangeaient les deux partis. De fait, à deux reprises,
Eutrope, laissant un instant de côté Gerasia, se met à inter
peller d'imaginaires contradicteurs juifs qu'il ne manque pas
de taxer d'orgueil et d'arrogance, reprenant ainsi les reproches
traditionnels13.
Ayant rappelé les antécédents de notre texte, nous allons
pouvoir observer les déplacements d'accents, les modifications
significatives, les additions, les intentions nouvelles, en un
mot tout ce qui fait l'originalité d'Eutrope et tout ce qui
peut refléter la nouveauté du milieu intellectuel et spirituel
pour lequel il écrit.
Nous suivrons dans ces analyses la structure même du
De uera circumcisione. Après en avoir examiné le prologue,
nous distinguerons deux niveaux dans le corps même de
l'épître, la circoncision des justes et des saints, renvoyant
10. Ibid., n. 4.
11. Rappelons, par exemple : Origène, In Gen., Ill; Id., In Ieremiam
homiliae, V, 14-15 ; et, de peu antérieur à Eutrope, Zenon de Vérone, Tract., I3.
12. Voir 1" partie de cet article, notamment p. 283-284 et n. 31-33, 35, 37.
13. Eutrope, De uera circumcisione, 11, PL, XXX, 200A (206AB) ; ibid.,
12, 200C (206CD). Hervé Savon 384
chaque fois au mystère de la circoncision du Christ. Nous
retrouverons ces deux degrés du sens allégorique dans la
conclusion donnée par Eutrope à l'ensemble de son traité.
Nous venons de constater ce qui rattache le De liera cir-
cumcisione à la littérature des quaestiones et responsiones.
Mais il faut aussitôt rappeler que ce texte n'est pas direct
ement destiné au public. Il s'agit d'abord d'une lettre personn
elle, adressée à une correspondante particulière. Sans doute
avons-nous déjà rencontré dans notre dossier une lettre trai
tant de la circoncision : celle d'Ambroise à Gonstantius14.
Mais, à vrai dire, rien de moins personnel, rien de moins épis-
tolaire que ce dernier texte. Il n'a guère d'une lettre que le
nom du destinataire placé en tête dans les manuscrits. Nous
ne saurions rien de ce personnage si nous n'avions par ailleurs
une epistula d'Ambroise à un Gonstantius qui venait d'être
consacré évêque15.
La destinatrice du De uera circumcisione d'Eutrope nous
apparaît au contraire avec des traits bien personnels, d'autant
plus que cette lettre sur la circoncision ne nous a pas été
transmise comme un texte isolé : c

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