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L'inadaptation de l'homme à la radioactivité artificielle argumentée à partir de l'histoire du vivant dans sa relation à l'environnement naturel

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Langue Français

Extrait

Quelques considérations sur la radioactivité et l’homme
Pierre-Jean Dessertine, philosophe,
auteur de «
Pourquoi l’homme épuise-t-il sa planète ?
», éditions ALÉAS, 2011
Une des clefs de l’épanouissement de la vie sur terre, c’est l’adaptation. Un être vivant est toujours
déjà adapté grâce à ses instincts (ainsi l’abeille sait repérer le pollen). Il peut aussi s’adapter de
façon beaucoup plus précise grâce à sa conscience (ainsi un chien adapte son comportement aux
exigences de son maître). Mais avec le développement d’une connaissance rationnelle du monde,
l’homme est capable de s’adapter à des réalités abstraites. Le virus du sida, on ne le voit pas, mais
on connaît rationnellement la menace qu’il représente et les conditions de sa transmission, et donc
on adapte son comportement à ce savoir.
Or, plus d’un siècle après sa découverte, l’homme ne s’est toujours pas adapté à la radioactivité. Il
ne sait toujours pas à quoi s’en tenir. Les jugements les plus alarmistes côtoient les jugements
anodins. Il ne sait quel parti prendre. Ce qui se passe aujourd’hui à Fukushima est-il un dommage
local ou global, à court terme ou à long terme ? Y a-t-il ou non danger à vivre dans le voisinage
d’une centrale nucléaire ? A consommer des légumes conservés par irradiation, etc. ? Car la
radioactivité soigne et guérit aussi. Et elle est depuis toujours une composante de l’environnement
naturel. Nous voudrions éclairer ce rapport très particulier entre la radioactivité et l’homme.
L’espèce humaine n’a prospéré sur Terre que lorsque le niveau de radioactivité est
devenu résiduel
La radioactivité est l’horloge fondamentale de notre planète. Car les éléments radioactifs ont une
émission qui décroît de manière régulière selon une progression géométrique – de moitié pendant
des laps de temps égaux. Elle est l’horloge radioactive qui nous permet de dater la naissance de la
Terre vers environ moins 4,5 milliards d’années.
Au début, la Terre était extrêmement radioactive parce qu’elle héritait des éléments lourds créés
par fusion dans le cœur des étoiles. Il faut savoir qu’on a retrouvé d’infimes traces de plutonium
dans des minerais radioactifs. L’homme n’a donc pas inventé le plutonium. Il le réintroduit alors
qu’il avait disparu, transmuté en uranium, puis en plomb, par émission radioactive. D’autre part,
on a retrouvé des signes fossiles d’explosion nucléaire naturelle, ce qui signifie qu’il fut un temps
où la masse critique d’uranium pouvait naturellement être réunie dans le minerai. L’homme n’a
pas non plus inventé la bombe atomique !
Vers moins 3,8 milliards d’année, la radioactivité tellurique avait fortement décru, et les premières
formes de vie étaient apparues dans l’eau. Pourquoi dans l’eau ? Parce que les émissions
radioactives les plus dommageables pour le vivant sont arrêtées par l’eau. Pendant les 9/10 de son
histoire, la vie n’a pas quitté l’eau.
Ces premières cellules vivantes ne renfermaient pas de code génétique tel que nous le connaissons
aujourd’hui, car elles n’avaient pas de noyau. A partir du moment où des molécules d’acides
aminés très complexes, et donc sensibles aux rayonnements, ont porté les informations de
reproduction de l’organisme, il fallait une nouvelle enveloppe pour les protéger : c’est vers moins
2,5 milliards d’années que sont apparues les premières cellules à noyau (Eucaryotes).
Ensuite se sont développées des bactéries capables par leur métabolisme de produire de l’oxygène
(les algues bleues). Au long des millions d’années ces bactéries ont saturé l’océan d’oxygène qui
s’est ensuite répandu au dehors pour entourer la Terre et former l’atmosphère. Cet oxygène
atmosphérique, bombardé par les rayons cosmiques, a formé une variété particulière de l’oxygène
appelée ozone. Or, l’ozone s’installe dans la haute atmosphère où il absorbe la plus grande part de
l’énergie des rayonnements cosmiques radioactifs.
Il a donc fallu la constitution d’une atmosphère oxygénée surmontée d’une couche d’ozone pour
que les premiers organismes vivants, à un moment où la radioactivité tellurique avait fortement
décru (il y a environ 500 millions d’années), se lancent sur la terre ferme.
Ce n’est donc qu’à partir de l’établissement d’un environnement radioactif apaisé qu’ont pu se
développer les organismes vivants de structure plus complexe dont l’espèce humaine est issue.
Aujourd’hui, le vivant évolue dans une espèce de bruit de fond de radioactivité naturelle auquel il
adapté. Il n’a aucun équipement physiologique pour s’en apercevoir et adapter son comportement
à un événement radioactif, car il n’y a pas de tels événements, et il ne peut y en avoir. En effet, la
loi d’évolution de la radioactivité tellurique est la plus déterminée qui soit : après avoir rapidement
décru au début, et de plus en plus lentement ensuite, celle-ci est désormais résiduelle. D’autre part,
la couche d’ozone protège les vivants des variations de la radioactivité d’origine cosmique.
Il ne pouvait y avoir d’événement radioactif jusqu’à ce que l’homme, il y a un peu plus d’un
siècle, découvre la radioactivité, et s’avise de la produire artificiellement pour en utiliser l’énergie.
Il faut prendre la mesure du fait nouveau que présente l’accumulation d’une radioactivité
artificielle.
La radioactivité est littéralement inhumaine
En effet, la radioactivité produite par l’homme s’accumule. Car l’industrie nucléaire produit des
déchets qui sont fortement radioactifs pendant des milliers d’années. Si nous considérons les
choses avec objectivité, l’énergie produite par cette industrie est essentiellement de la radioactivité
durable, et accessoirement de l’électricité fugace. C’est l’immoralisme de notre culture marchande
de ne s’intéresser qu’à l’électricité, c’est-à-dire à soi, et d’oublier la radioactivité, c’est-à-dire
l’humanité. Rappelons la loi morale selon Kant : « Traite toujours l’humanité … comme une fin ».
La radioactivité artificielle, si elle n’est pas confinée, devient une sur-radioactivité ambiante. Cette
dernière, à partir de seuils facilement atteints, crée du désordre dans les cellules vivantes, en
altérant leurs molécules fonctionnelles. Ce sont les tissus à reproduction rapide qui sont les plus
vulnérables : globules rouges et blancs (anémies, leucémies), cellules épithéliales – qui constituent
le tissu protecteur d’un organe (cancer de la peau, de l’intestin), cellules germinales aussi. Si les
molécules d’acides aminés qui codent l’information génétique sont endommagées, ce sera
l’ensemble des cellules reproduites à partir de cet ADN qui le seront également (malformations).
Que peut l’homme face à la menace d’une sur-radioactivité artificielle ?
La radioactivité échappe au contrôle humain parce qu'elle traverse l’organisme de l’individu
sans que la sensation puisse jouer son rôle de filtre de ce qui lui est nocif.
Supposons que l'État, dans un sursaut de transparence sanitaire, octroie à chacun un compteur
Geiger pour remédier à cette impuissance sensorielle : notre raison, dans son usage le plus
basique – mettre de l'ordre dans les phénomènes en décelant des rapports de causalité – serait
elle-même impuissante. En effet les dommages de la radioactivité sont provoqués à un niveau
infra moléculaire dans l’organisme. À ce niveau, les phénomènes ne relèvent plus du principe
de causalité, mais du principe d’incertitude. Conséquence : comme il n'y a pas de relation de
causalité assignable entre une irradiation et un dommage physiologique, du point de vue
juridique, la preuve d’une responsabilité dans le dommage est impossible à établir. Jamais un
responsable de contamination par irradiation – par un rejet illégal dans une centrale, un non
respect des règles d’entreposage de déchets, ou un défaut d’information du public concernant
un événement d’irradiation – n’a été condamné. En matière nucléaire, les régulations pénales
ne jouent pas, la société est impuissante à se défendre contre les menées nuisibles liées aux
intérêts particuliers.
Au-delà de ces impuissances de la conscience et de la société, la radioactivité trompe
l'organisme lui-même, puisque les éléments contaminant sont accueillis comme bénéfiques, et
s'installent en lui durablement, l'irradiant de l'intérieur. L'isotope radioactif se fixe dans
l'organisme en prenant la place de l'élément non radioactif. Le strontium 90 se fixe à la place
du calcium dans les os, l’iode 131 se fixe dans la glande thyroïde à la place de son isotope
stable.
La radioactivité est inaccommodable à la temporalité humaine puisque la durée de sa nocivité
dépasse tout horizon de projets humains. Il faudrait confiner durant au moins 200 000 ans le
plutonium 239 (élément radioactif très agressif produit en grande quantité dans les centrales) !
Nul ne peut garantir le confinement de la radioactivité artificielle
L’homme ne peut pas s’adapter à un événement radioactif. Tout simplement parce que l’espèce
humaine est inadaptable à une sur-radioactivité notable de son environnement. Ne se retrouverait-
elle pas, alors, dans la condition d’une recréation d’un environnement terrestre impropre à la vie
humaine ? C’est ce qu’illustrent la confusion et l’angoisse engendrées par les catastrophes de
Tchernobyl et de Fukushima.
L’irradiation artificielle est le plus grand malheur qui puisse arriver à l’homme parce qu’il se
trouve confronté à des dommages par rapport auxquels il est totalement impuissant.
Il faut donc absolument confiner toute radioactivité artificielle. Or, l’industrie nucléaire a déjà
accumulé des centaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs de longue durée, et n’a
toujours pas trouvé de solution pour un confinement durable. La longue durée ici, c’est une
nocivité supérieure à 1000 ans. Même si l’on trouvait enfin des solutions plus pérennes que
l’entreposage en surface actuel, qui peut garantir, raisonnablement, un confinement sur un millier
d’années ?
Symptomatique est le problème de la fin de vie des centrales nucléaires. Rien ne se passe comme
prévu. Il y a, en France, une douzaine de réacteurs industriels arrêtés, certains depuis des
décennies. Aucun n’est définitivement démantelé. Tout dément les annonces faites lors de leur
construction : la difficulté du démantèlement surtout lorsqu’on approche du bâtiment du réacteur,
les problèmes de gestion d’énormes quantités de matériaux contaminés, les surcoûts faramineux,
les délais indéfiniment prolongés.
Il faut cesser de produire de la radioactivité artificielle
L’utilisation industrielle de l’énergie nucléaire a fait entrer l’humanité dans un danger qu’elle ne
peut pas maîtriser. Le souci de préserver l’avenir des générations futures a toujours été un élément
fondamental des cultures humaines. C’est aux citoyens d’imposer que ce souci soit pris en compte
dans leur société. C’est ce qu’ont fait nos voisins allemands en renonçant à leur industrie
nucléaire. Mais la contamination radioactive n’a pas de frontières. Leur décision n’a donc de sens
que si les autres pays suivent, en particulier la France, le pays le plus nucléarisé au monde.
© Pierre-Jean Dessertine, mai 2011
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