Un kabbaliste à l heure du progrès : le cas d Elie Benamozegh - article ; n°4 ; vol.208, pg 415-436
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un kabbaliste à l'heure du progrès : le cas d'Elie Benamozegh - article ; n°4 ; vol.208, pg 415-436

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1991 - Volume 208 - Numéro 4 - Pages 415-436
L'article examine un cas à d' « adaptation culturelle » au XIXe siècle. Il s'agit du rabbin italien d'origine marocaine Elie Benamozegh, kabbaliste de formation et philosophe par vocation, qui se trouva confronté à l'idéologie triomphante du progrès et à l'idéalisme hégélien, deux mouvements d'idées à tendance sécularisante. Les notions d'histoire, de progrès, de dialectique sont analysées par Benamozegh avec des instruments conceptuels tirés en partie de la kabbale ; mais sa pensée présente dans le fond bien des aspects communs avec des penseurs catholiques « modérés » de l'époque, comme l'Italien Gioberti et les Français Lamennais et Ballanche.
A kabbalist in the age of progress : the case of Elijahu Benamozegh.
The article deals with a case of « cultural adaptation » in the 19th century. It is about the Italian rabbi of Moroccan origin Elie Benamozegh, a kabbalist by education and a philosopher by calling. He had to cope with the ideology of progress and Hegelian idealism, two secularisation inclined trends. The notions of history, progress, dialectic, are analysed by him with conceptual instruments drawn mainly from Kabale, but basically his thinking has a lot in common with the « moderate » Catholic thinkers of the time, such as the Italian Gioberti and the Frenchmen Lamennais and Ballanche.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alessandro Guetta
Un kabbaliste à l'heure du progrès : le cas d'Elie Benamozegh
In: Revue de l'histoire des religions, tome 208 n°4, 1991. pp. 415-436.
Résumé
L'article examine un cas à d' « adaptation culturelle » au XIXe siècle. Il s'agit du rabbin italien d'origine marocaine Elie
Benamozegh, kabbaliste de formation et philosophe par vocation, qui se trouva confronté à l'idéologie triomphante du progrès et
à l'idéalisme hégélien, deux mouvements d'idées à tendance sécularisante. Les notions d'histoire, de progrès, de dialectique sont
analysées par Benamozegh avec des instruments conceptuels tirés en partie de la kabbale ; mais sa pensée présente dans le
fond bien des aspects communs avec des penseurs catholiques « modérés » de l'époque, comme l'Italien Gioberti et les
Français Lamennais et Ballanche.
Abstract
A kabbalist in the age of progress : the case of Elijahu Benamozegh.
The article deals with a case of « cultural adaptation » in the 19th century. It is about the Italian rabbi of Moroccan origin Elie
Benamozegh, a kabbalist by education and a philosopher by calling. He had to cope with the ideology of progress and Hegelian
idealism, two secularisation inclined trends. The notions of history, progress, dialectic, are analysed by him with conceptual
instruments drawn mainly from Kabale, but basically his thinking has a lot in common with the « moderate » Catholic thinkers of
the time, such as the Italian Gioberti and the Frenchmen Lamennais and Ballanche.
Citer ce document / Cite this document :
Guetta Alessandro. Un kabbaliste à l'heure du progrès : le cas d'Elie Benamozegh. In: Revue de l'histoire des religions, tome
208 n°4, 1991. pp. 415-436.
doi : 10.3406/rhr.1991.1651
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1991_num_208_4_1651ALESSANDRO GUETTA
UN KABBALISTE A L'HEURE DU PROGRÈS :
LE CAS D'ELIE BENAMOZEGH
XIXe L'article siècle. examine Il s'agit un du cas rabbin à" « italien adaptation d'origine culturelle marocaine » au
Elie Benamozegh, kabbaliste de formation et philosophe par
vocation, qui se trouva confronté à l'idéologie triomphante du
progrès et à l'idéalisme hégélien, deux mouvements d'idées à
tendance sécularisante.
Les notions d'histoire, de progrès, de dialectique sont anal
ysées par Benamozegh avec des instruments conceptuels tirés
en partie de la kabbale ; mais sa pensée présente dans le fond
bien des aspects communs avec des penseurs catholiques « modér
és » de l'époque, comme l'Italien Gioberti et les Français
Lamennais et Ballanche.
A kabbalist in the age of progress: the case of Elijahu Benamozegh
The article deals with a case of « cultural adaptation » in
the 19th century. It is about the Italian rabbi of Moroccan
origin Elie Benamozegh, a kabbalist by education and a philo
sopher by calling. He had to cope with the ideology of progress
and Hegelian idealism, two secularisation inclined trends.
The notions of history, progress, dialectic, are analysed by
him with conceptual instruments drawn mainly from Kabale,
but basically his thinking has a lot in common with the « mode-
rale » Catholic thinkers of the time, such as the Italian Gioberli
and the Frenchmen Lamennais and Ballanche.
Revue de l'Histoire des Religions, ccvm-4/1991, p. 415 à 436 Au xixe siècle, le « siècle du progrès », quelques philo
sophes et écrivains, en France et en Italie, essayaient d'har
moniser la dogmatique religieuse avec une idéologie qui
imprégnait alors les esprits au point qu'on put l'appeler « la
vrai foi de notre âge s1.
Ils étaient tous confrontés aux mêmes problèmes : il
s'agissait de concilier des vérités considérées comme éter
nelles et le perfectionnement continu des hommes, tant sur
le plan intellectuel que moral ; de justifier la coexistence
d'événements décisifs et uniques — la création, la révélation,
la rédemption — et la notion de continuité ininterrompue ;
enfin, à un niveau plus spécifiquement philosophique, on se
posait la question de l'origine du progrès, de ses raisons et de
ses buts.
Souvent marginaux par rapport à un courant de pensée
quasi prépondérant qui voyait dans la religion tout au plus
une étape de l'évolution humaine à dépasser, ces penseurs
présentent cependant un intérêt particulier, aussi bien histo
rique que théorique. Au prix d'équilibrismes difficiles, ils
cernent et dissèquent des points cruciaux et vitaux d'une
idéologie foncièrement sécularisante destinée — sous diff
érentes formes — à un succès rapide.
Ces intellectuels sont en général regroupés sous l'appella
tion de « néo-catholiques » : parmi eux on compte un écrivain
aux sympathies légitimistes initiales comme Pierre-Simon
Ballanche (1776-1847), ou des personnages « dramatiques »
tels que Hugues de Lamennais (1782-1854), dont l'itinéraire
commence par l'exaltation de l'autorité doctrinale absolue du
pape et aboutit à une position très proche des idées démo-
1. Grand Dictionnaire universel Larousse du XIXe siècle, Paris 1866-1879,
au mot « Progrès » : « Cette idée, que l'humanité devient de jour en jour meilleure
et plus heureuse, est particulièrement chère à notre siècle. La foi à la loi du
progrès est la vraie foi de notre âge. » Elle Benamozegh 417
cratiques. Ou encore un philosophe comme le Piémontais
Vincenzo Gioberti (1801-1852), l'inspirateur du mouvement
dit « néo-guelfe », qui voyait dans le pape l'initiateur idéal du
processus d'unification politique — et libérale — de l'Italie.
Gioberti aussi, il faut le rappeler, après une expérience poli
tique malheureuse évolua vers des positions proches de la
démocratie, où l'Eglise comme institution avait perdu toute
centralité.
Un autre personnage s'associait quelques années plus tard
à ce chœur. Cette fois, l'idée de progrès était confrontée, non
pas à la tradition chrétienne, mais à la tradition juive. Ce
n'est pourtant pas cet aspect qui fait la particularité de
l'œuvre du rabbin italien Elia Benamozegh (1823-1900). Après
tout, les penseurs chrétiens et juifs partageaient à cette époque
le même souci de défense de la perspective religieuse contre
les attaques d'une laïcisation conquérante. Sa singularité
réside plutôt dans les instruments conceptuels qu'il utilisa,
à savoir ceux forgés par la tradition ésotérique juive, la
kabbale. A première vue, rien ne pouvait être moins adapté
à un discours « modernisateur » ; d'autant plus que la kabbale
touchait dans les mêmes années le point peut-être le plus
critique de son histoire controversée, puisque les milieux juifs
« éclairés » la considéraient définitivement comme une doc
trine indigne de ce nom, bourrée de superstitions et de mens
onges2.
On assiste donc au phénomène historiquement intéressant
d'une retraduction et d'une réadaptation d'idées et de termes
conçus au plus tard au xine siècle, qui s'inscrivent dans le
contexte philosophique européen du xixe siècle. Et puisque
la première formation de Benamozegh s'était faite dans la
2. Gershom Scholem écrit à ce propos que les Juifs d'Europe occidentale
qui s'approchaient de la culture européenne écartèrent la kabbale en la consi
dérant étrangère et gênante, et de ce fait vite oubliée (V. G. Scholem, La kabbale
et sa symbolique, trad, franc., Paris, 1966, p. 7). Heinrich Graetz, auteur de la
monumentale et fondamentale Histoire des Juifs (1853-1870, trad, franc., 1893)
avait défini la kabbale « fausse science », « source de superstitions » qui « avait
infecté le judaïsme de son poison » (Histoire des Juifs, cité passim).
ber — 15 418 Alessandro Guetta
tradition kabbalistique judéo-marocaine, on évaluera dans
quelle mesure ce « transfert » culturel put être ardu et risqué :
ce fut une véritable péripétie, néanmoins originale dans ses
modalités et parfois même fascinante.
Benamozegh déclarait avoir le but ambitieux de reconsti
tuer un système philosophique juif global, qui — c

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents