« Vetus Israel » : Les Juifs dans la littérature hiérosolymitaine d'époque byzantine - article ; n°2 ; vol.205, pg 115-131

Gedaliahu G.Stroumsa

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1988 - Volume 205 - Numéro 2 - Pages 115-131
La transformation de la Palestine en terra sancta à partir de Constantin a eu une influence profonde sur les perceptions chrétiennes des Juifs, en particulier à Jérusalem. L'antijudaïsme chrétien dans la Jérusalem byzantine semble refléter le statut ambigu et tout particulier de la ville sainte dans la conscience chrétienne. Il semble aussi qu'on puisse déceler dans les textes patristiques émanant de Jérusalem des allusions à la présence de judéo-chrétiens, et d'une polémique actuelle entre juifs et chrétiens. Certains aspects de cette présence et de cette polémique sont discutés ici.
« Vetus Israel »: The Jews in Hierosolymitan literature in the Byzantine period
The transformation of Palestine into a terra sancta since Constantine had a profound influence on Christian perceptions of the Jews, in particular in Jerusalem. Christian anti-Judaism in Byzantine literature seems to reflect the ambiguous and special status of the holy city in Christian consciousness. It also seems that one can detect in patristic texts from Jerusalem allusions to the presence of Jewish-Christians, and to an existing polemic between Jews and Christians. Some aspects of this presence and this polemic are discussed here.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: REVUE_DE_L-HISTOIRE_DES_RELIGIONS0
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 11
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Gedaliahu G. Stroumsa
« Vetus Israel » : Les Juifs dans la littérature hiérosolymitaine
d'époque byzantine
In: Revue de l'histoire des religions, tome 205 n°2, 1988. pp. 115-131.
Résumé
La transformation de la Palestine en terra sancta à partir de Constantin a eu une influence profonde sur les perceptions
chrétiennes des Juifs, en particulier à Jérusalem. L'antijudaïsme chrétien dans la Jérusalem byzantine semble refléter le statut
ambigu et tout particulier de la ville sainte dans la conscience chrétienne. Il semble aussi qu'on puisse déceler dans les textes
patristiques émanant de Jérusalem des allusions à la présence de judéo-chrétiens, et d'une polémique actuelle entre juifs et
chrétiens. Certains aspects de cette présence et de cette polémique sont discutés ici.
Abstract
« Vetus Israel »: The Jews in Hierosolymitan literature in the Byzantine period
The transformation of Palestine into a terra sancta since Constantine had a profound influence on Christian perceptions of the
Jews, in particular in Jerusalem. Christian anti-Judaism in Byzantine literature seems to reflect the ambiguous and special status
of the holy city in Christian consciousness. It also seems that one can detect in patristic texts from Jerusalem allusions to the
presence of Jewish-Christians, and to an existing polemic between Jews and Christians. Some aspects of this presence and this
polemic are discussed here.
Citer ce document / Cite this document :
Stroumsa Gedaliahu G. « Vetus Israel » : Les Juifs dans la littérature hiérosolymitaine d'époque byzantine. In: Revue de
l'histoire des religions, tome 205 n°2, 1988. pp. 115-131.
doi : 10.3406/rhr.1988.1913
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1988_num_205_2_1913АЛ 5
GEDALIAHU G. STROUMSA
Université hébraïque de Jérusalem
« VETUS ISRAEL » :
LES JUIFS DANS LA LITTÉRATURE
HIÉROSOLYMITAINE D'ÉPOQUE BYZANTINE
La transformation de la Palestine en terra sancta à partir
de Constantin a eu une influence profonde sur les perceptions
chrétiennes des Juifs, en particulier à Jérusalem. L'anti-
judaïsme chrétien dans la Jérusalem byzantine semble refléter
le statut ambigu et tout de la ville sainte dans la
conscience chrétienne.. Il semble aussi qu'on puisse déceler
dans les textes patrisiiques émanant de Jérusalem des allusions
à la présence de judéo-chrétiens, et d'une polémique actuelle
entre juifs et chrétiens. Certains aspects de cette présence et
de cette polémique sont discutés ici.
« Vêtus Israel »: The Jews in Hierosolymitan literature in the
Byzantine period
The transformation of Palestine into a terra sancta s ince
Consianline had a profound influence on Christian perceptions
of the Jews, in particular in Jerusalem. anti- Judaism
in Byzantine literature seems to reflect the ambiguous and
special status of the holy city in Christian consciousness. It
also seems that one can detect in patristic texts from Jerusalem
allusions to the presence of Jewish-Christians, and to an existing
polemic between Jews and Christians. Some aspects of this
presence and this polemic are discussed here.
Pevue de l'Histoire des Religions, <:cv-2/1988, p. 115 à 131 Avec la conversion: de Constantin et la transformation
radicale du christianisme, dans le courant même du ive siècle,
de religio illiciia en la religion officielle de l'Empire, c'est la
définition même de l'identité religieuse qui change. Sous
l'Empire chrétien, ce sont aussi les attitudes à l'égard de
l'autre qui sont transformées en profondeur par la nouvelle
conception de l'identité1.
Dès le début de l'époque byzantine, aux ive et ve siècles, on
voit se profiler des rapports nouveaux entre les divers groupes
ethniques, culturels et religieux dans l'Empire. La victoire
politique du christianisme est vite suivie d'une débandade
intellectuelle du paganisme2, et de la persécution systéma
tique par le bras séculier, à la fois des cultes païens et des
diverses hérésies chrétiennes3. Le livre XVI du Codex Theodo-
sien reste le témoin le plus tangible de cet effort étatique
soutenu — et très largement couronné de succès — pour
établir dans l'Empire l'unité de croyance et de pratique rel
igieuses. La fin du ive siècle devient ainsi celle du pluralisme
reconnu (peut-être vaut-il mieux éviter d'employer ici le
concept moderne de tolérance, anachronique, parce qu'il
implique la conscience d'une attitude privilégiée, mais posant
elle-même ses limites)4.
1. Sur la transformation de l'Empire par Constantin, la bibliographie est
immense. Signalons au moins un grand classique : A. Piganiol, L'Empire chré
tien, Paris, 19722. Les problèmes d'identité religieuse et le thème de l'autre du
chrétien n'ont pas encore été analysés de façon systématique. On peut se référer
à E. Fascher, Fremder, RAC, 8, 306-348, et J. (ïaudemet, L'étranger au Bas-
Empire, Recueils de la Société Jean-Bodin, 9 : L'Etranger, Bruxelles, 1958,
209-235.
2. Voir l'édition anglaise, mise à jour, de l'étude magistrale de J. Geffken,
The Last Days of Green-Roman Paganism, Europe in the Middle Ages, Selected
Studies, 8 ; Amsterdam - New York- Oxford, 1978.
3. Pour une étude récente, voir R. MacMullen, Christianizing the Roman
Empire, New Haven - London, 1984, 86-101 et notes.
4. Voir à ce sujet L. Cracco Ruggini, Pregiudizi razziali, ostilita politica e
culturale, intolleranza religiosa nell'impero romano, Athenaeum, 46, 1968,
139-152; К. L. Noethlichs, Die gesetzgeberischen Massnahmen der christlichen « Vetus Israel » 117
Parmi l'éventail des options spirituelles de l'antiquité
tardive, seul le judaïsme réussit à résister à l'hégémonie
chrétienne. Ce fait est d'importance capitale, puisqu'il pré
pare la démonisation médiévale du juif, démonisation qui
récupère à son tour certains traits réservés aux païens et aux
hérétiques dans la première littérature chrétienne. Ses raisons
sont aussi complexes que celles de l'hégémonie chrétienne. Ce
qui importe ici, c'est d'essayer de comprendre comment la
conscience religieuse reflète ce fait, par-delà même les législa
tions impériale ou ecclésiale, et sur les points que ces légis
lations, souvent, n'abordent pas5.
Un exemple parmi tant d'autres suffira ici : Sozomène,
historien ecclésiastique de la première moitié du ve siècle, natif
de la région de Gaza en Palestine, ouvre son Histoire de Г Eglise
en s'interrogeant sur le paradoxe suivant : à l'époque de la
conversion des Barbares, seuls les Juifs n'ont pas encore
reconnu le Christ6.
Les tensions et les transformations religieuses qui affectent
l'Empire à partir du ive siècle se répercutent d'une façon assez
remarquable en Palestine. L'époque de Constantin voit en effet
l'émergence, par-delà les juridictions provinciales, de l'idée
même de Terre sainte (remplaçant la Terre promise des juifs,
et succédant à un long refus chrétien de l'idée même d'une
valeur quelconque attachée à une terre particulière). De
même, cette époque voit la transformation d'Aelia Capitolina
Kaiser des 4. Jahrhunderts geyen Hâreliker, Heiden und Juden, Diss. Cologne,
1971, non vidi ; A. II. Armstrong, The Way and the Ways : Religious Tolerance
and Intolerance in the Fourth Century ad, VC, 38, 1984, 1-17. Voir aussi
l'étude plus générale de В. Kôttinp, Religionsfreiheit und Toleranz im Allertum,
Rheinisch-westfalische Akademie der Wissenschaften, VortrSge ; Opladen-
Dusseldorf, 1977.
5. Sur la polémique religieuse on peut se référer à D. Rokeach, Jews, Pagans
and Christians in Conflict, Studia Post-Biblica ; Leiden-Jerusalem, 1982. Sur
la législation concernant les juifs, voir A. Linder, Roman Imperial Legislation
on the Jews, Israel Academy of Sciences and Humanities, Fontes ad res judaicas
spectantes, Jérusalem, 1983, où les textes sont publiés et accompagnés d'une
traduction hébraïque. Voir aussi F. Blanchetière, Privilegia odiosa ou non ?
L'évolution de l'attitude officielle à l'endroit les juifs et du judaïsme (312-395),
89, 1985, 222-251.
6. Sozomène, Histoire ecclésiasti