Voyages de reliques au profit des églises françaises du Moyen Âge - article ; n°1 ; vol.107, pg 90-96
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1963 - Volume 107 - Numéro 1 - Pages 90-96
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Monsieur Pierre Héliot
Voyages de reliques au profit des églises françaises du Moyen
Âge
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 107e année, N. 1, 1963. pp. 90-
96.
Citer ce document / Cite this document :
Héliot Pierre. Voyages de reliques au profit des églises françaises du Moyen Âge. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 107e année, N. 1, 1963. pp. 90-96.
doi : 10.3406/crai.1963.11523
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1963_num_107_1_1152390 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
M. Pierre Héliot expose à l'Académie les voyages de reliques au
profit des églises françaises du Moyen Age.
COMMUNICATION
VOYAGE DE RELIQUES AU PROFIT DES ÉGLISES FRANÇAISES
DU MOYEN AGE, PAR M. PIERRE HELIOT.
Il semble que, durant le Haut Moyen Age, les communautés
religieuses élevaient leurs propres bâtisses à leurs frais, bénéficiant
à l'occasion des libéralités d'un prince, d'un grand ou d'un simple
particulier. L'appauvrissement consécutif aux razzias des Barbares
— Normands, Hongrois et Sarrasins — , à l'écroulement de l'empire
carolingien et à d'innombrables spoliations commises par les poten
tats laïques, incita les moines et chanoines à tendre la main, à orga
niser des tournées de quêtes dans leur voisinage et jusque dans les
pays lointains. Pour émouvoir davantage les fidèles, on leur présenta
des reliques : si possible celles d'un saint populaire. On échauffa
leur zèle par des sermons de propagande et par l'octroi d'indulgences.
Instauré selon toute apparence au milieu du xie siècle, le procédé
était tout à fait entré dans les mœurs lorsque s'ouvrit le xme.
Loin de se limiter à notre pays, il se répandit dans l'ensemble de
l'Europe catholique, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas,
en Angleterre et en Espagne.
En ce temps-là les saints jouissaient d'une étonnante popularité
dans le monde chrétien, grâce à leur double qualité de thaumat
urges et d'intercesseurs émérites auprès du Seigneur. C'est pour
quoi le respect dû à leur mémoire et à leurs restes mortels s'amplifia
jusqu'à prendre les allures d'un culte véritable. Les tombeaux
des martyrs et des confesseurs attirèrent bientôt des foules de
croyants désireux de recevoir des grâces particulières, principal
ement de malades du corps ou de l'esprit, anxieux d'obtenir leur gué-
rison. La dispersion et la fragmentation des ossements sacrés,
mises à la mode dès l'époque carolingienne, étendirent ce privilège
aux châsses qui contenaient seulement des débris de corps saints,
réputés non moins bénéfiques après mutilation que dans leur inté
grité. L'Église elle-même s'abandonnait à un engouement collectif
et contagieux, hérité des plus élémentaires paganismes. Satisfaite
à la longue de ce qu'on eût voilé d'un vernis orthodoxe ces croyances
superstitieuses, elle ne laissait pourtant pas de protester et de lutter
à l'occasion contre les abus criants auxquels donnait lieu cette sorte
d'idolâtrie, qui tendait inconsciemment et obscurément à effacer
Dieu derrière ses créatures.
Mes recherches se sont limités à la France. Grâce à la précieuse
collaboration de Mlle Marie-Laure Chastang elles ont porté sur deux VOYAGE DE RELIQUES AU PROFIT DES ÉGLISES FRANÇAISES 91
cent dix-neuf monuments. Il en ressort que les quêtes itinérantes,
accompagnées ou non d'exhibitions de reliques, furent inaugurées
peu après 1050 et tombèrent en désuétude vers 1550 ; qu'elles prirent
naissance et se développèrent principalement dans la France sep
tentrionale et sur ses confins, entre la Loire, l'Escaut et la Sambre ;
que nos provinces du Midi n'adoptèrent pas le procédé avant le
xme siècle et ne le popularisèrent nulle part ; enfin que l'entreprise
ne joua guère qu'en faveur des cathédrales et des communautés
monastiques, régulières et séculières, à l'exclusion des sanctuaires
paroissiaux en faveur desquels on se contentait de collecter les
offrandes sur le territoire étroit de leur circonscription ou d'une ville.
Nous ne prétendons point avoir épuisé le sujet, auquel on pourrait
sans doute consacrer tout un livre, mais nous avons conduit notre
enquête assez largement pour nous sentir autorisés à présenter des
conclusions à peu près valables, ne serait-ce qu'à titre provisoire.
La naissance du phénomène doit à mon sens être rapprochée des
pérégrinations imposées durant tout le xie siècle aux fameuses
relique de sainte Foi, qu'on exposa solennellement en plusieurs
localités de la région de Conques, tant pour conjurer des calamités
publiques que pour défendre les droits de l'abbaye. C'est dans ce
dessein que les moines de Lobbes en Hainaut parcoururent les Pays-
Bas méridionaux en 1060, porteurs des châsses de leurs patrons
célestes et récoltant au passage des aumônes pour la reconstruction
de leur église abbatiale. Le parallélisme est à souligner entre ces
pieuses expéditions, aux fins mi-spirituelles, mi-temporelles, et
celles que, quelques années ensuite seulement, accomplirent les
religieux de Saint-Faron de Meaux et de Saint-Amand en Flandre
dans un but lucratif : au bénéfice des bâtiments de leur monastère.
Les unes et les autres ne sont-elles pas l'indice d'une nouvelle atti
tude du clergé à l'égard des corps saints : celle d'une volonté déli
bérée d'exploiter pleinement les trésors d'église ?
Ces voyages ne se limitaient pas à la région de l'édifice qui en
fournissait l'occasion. Vers 1096 les enquêteurs de Saint-Martin de
Tours se présentèrent à Péronne. En 1112 et 1113 ceux de Notre-
Dame de Laon sillonnèrent le centre de la France et l'Angleterre
méridionale. A la fin du xne siècle un abbé de Sainte-Geneviève à
Paris sollicite jusqu'à ses amis et correspondants du Danemark.
L'habitude des longues tournées devait survivre jusqu'à la ruine
de l'institution.
Au début on dépêcha sur les grandes routes des moines ou cha
noines membres des communautés intéressées, et cette pratique
persistait encore çà et là en plein xve siècle. L'auteur des Miracula
sancti Marculfi nous a laissé une relation idyllique, composée au
lendemain des événements, des pérégrinations accomplies en 1102 92 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
par les bénédictins du prieuré de Corbeny en Laonnais. Mais on ne
tarda pas à recruter, pour une tâche sans doute jugée ingrate et fasti
dieuse, des prêtres étrangers, dont le premier en date nous est
signalé sous le millésime de 1094. Ainsi naquit la nombreuse et
florissante corporation des clercs-collecteurs professionnels qui
commencèrent de défrayer la chronique dans la seconde moitié du
siècle suivant au plus tard. On leur substitua de temps en temps, à
compter du xive siècle, des spécialistes laïques. Clercs ou laïcs, ces
agents exerçaient un métier dont ils entendaient vivre au moins
honorablement. On les assujettissait à un régime de rétribution
variant suivant les lieux : le bail à ferme, le partage des fruits —
un tiers au preneur, le reste à la fabrique — , plus rarement le trait
ement, fixe théoriquement exclusif de tout supplément. Les chanoines
de la cathédrale de Toul, se distinguant par leur éclectisme, recou
rurent successivement à tous les systèmes. On imagine volontiers
qu'intéressés aux produits, les quêteurs se laissaient entraîner à
user de tous les moyens pour le grossir. Ne nous étonnons pas qu'ils
aient cédé à la tentation.
Il semble qu'à l'origine les communautés organisaient les quêtes
à leur guise, le pape et les évêques n'intervenant que pour recom
mander l'œuvre aux fidèles ou pour accorder des indulgences aux
bienfaiteurs. En 1215 le concile du Latran soumit le droit de prêcher
à l'agrément de l'Ordinaire. Peu à peu les chefs de diocèse se réser

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