Le déficit Hugh Grant
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La Tunisie à l'heure de la révolution arabe

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Publié le 18 mars 2016
Nombre de lectures 147
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Le déficit Hugh Grant
Johnny King venait d’acheter une sorte
de palais birman à côté de la baraque à frites
de Mickey Hugglestone, sur les hauteurs de
Santa Monica, parce qu’avec une bouse
pareille, il fallait tout de même se méfier.
Là, surplombant l’océan et embrassant un
horizon infini, il avait enfin sa maison à lui.
En contrebas de celle-ci, ponctuant avec une
harmonie gaillarde un golf 127 trous, on discernait le toit d’une piscine olympique, un haras,
un parc d’attraction puis deux immenses bouges à putes pour les amis.
Sur les hauteurs, le palais birman comportait 30 pièces et huit cheminées.
A l’arrière de celui-ci, s’étendait un bois où quelques palefreniers lâchaient parfois sangliers
et autres tapirs, que Johnny s’amusait à dessouder dans l’aurore fébrile des grands contrats.
Au pied du manoir, et
après deux épuisantes
longueurs de bassin, le corps alangui sur une
terrasse en terre cuite à 20000 dollars les 10m²
parce que finement incrustée de topaze directement
importé du Mozambique, le regard de Johnny King
glissa sur la surface azur et chlorée de la petite
piscine qui miroitait benoîtement devant ses yeux.
Puis tout à coup agacé, il se releva brusquement et
shoota dans le mioche qui grassouillait dans ses
orteils, parce que lui et Mickey causaient boulot et que les blondes peroxydées vieillissantes
trimbalant les chiards de fugitifs producteurs hollywoodiens, ça n’avait FRANCHEMENT
rien à foutre là.
Le môme faillit se noyer, trois majordomes se battirent pour aller le sortir de là, mais Johnny
tiqua à peine.
Ses pensées étaient ailleurs.
-
Les racines de la révolte
? (traduction simultanée) Tu veux dire que je t’ai refilé huit
semaines d’un robinet de pognon coulant à gogo tout ça pour que tu me trouves un titre aussi
foireux ? T’as senti mon besoin de décontraction, aujourd’hui, alors tu t’es dit que ça
passerait ?
Rassure-
moi, t’as une excuse VALABLE pour justifier les 72000 dollars que tu viens de me
transformer en pisse en tout juste un mois, hein
?
- heu… oui.
- Qui, pourquoi, combien ?
- Hugh Grant. Simplement. Son retour. Il a pris de la bouteille Johnny, maintenant il est
carrément mieux, ce côté bourru mâle lui manquait, plus rien à voir avec l’espèce de chèvre
bas-de-gamme qu’il était auparavant, tu verrais ! Grâce à toutes ces semaines de Trekking
dans les Appalaches, il a beaucoup appris.
Un silence lourd faillit fissurer les rapports qu’ils avaient patiemment bâtis au long de toutes
ces années.
Puis il pensa humour, et commença à émettre un bête sourire.
Puis le silence s’éternisa, à peine rythmé par les clapotements feutrés et ouatés du chlore
bleuté réglé à 33 degrés, auquel se superposa mélancoliquement le cri lugubre d’un goéland
survolant tout à coup la propriété.
Tout à coup, il n’y eu plus de sourire du tout.
Mickey happa un
peu d’air puis s’empressa d’expliciter.
- Mais si, justement, Hugh Grant …. «
Se pencha-t’il
vers Johnny, dont seules les tongs Hermès dépassaient
de la chaise longue en acajou d’Acapulco, celle-là même
qu’il venait de faire importer pour son anniversaire de
mariage avec la mégère vérolée mais richissime qui lui
tenait lieu de compagne.
Dans un geste parfaitement réfléchi, Johnny King
entrebâilla cette robe de chambre en soie de phoque des
Galápagos liserée de fils d’or qui lui donnait l’air
brillant, comme ça, en plein soleil, histoire
d’impressionner Mickey, qui ne put contester
l’indiscutable qualité de l’ourlet intérieur.
Il pâlit. Un flingue entrevu eut été moins significatif.
Plus clair, plus direct, mais moins lourd de
marécageuses conséquences financières à venir pour sa pomme.
Par ce geste, Johnny lui montrait ce qu’il ne serait jamais foutu de devenir, et ce que très
certainement, il ne serait jamais foutu d’avoir non plus.
- Ecoute Johnny, écoute juste, je te jure c’est du béton, et justement ça réside en partie dans le
côté « surprenant » de l’affaire… » Fit-il grincer le tabouret jusqu’à renifler la semelle des
tongs en caïman d’Australie.
- AH OUI ? SURPRENANT ? SE FAIRE ENFILER PAR LA FOX TU TROUVES CA
« SURPRENANT » ? Du… trekking, putain de bordel de merde !!! Bava soudainement
Johnny King, le regard égaré de celui qui cherche dans son champs de vision un élément
pouvant l’empêcher de se lézarder complètement, voir d’exploser.
Peut-être seule la vieille amitié, qui virait bêtement mansuétude.
MAIS C’ETAIT PAS BON DU TOUT.
Pourtant, il se passa un truc. Presque mécanique.
Comme une inversion des choses où son cerveau se
mit à fonctionner en accéléré. Comme si tout à
coup, ses neurones ramaient, mais non pour
s’éloigner de la côte, plutôt pour s’en rapprocher
vivement.
- Mickey. Ton idée. Va jusqu’au bout.
- Je te jure qu’il est bon, il a le faciès buriné du
baroudeur, et c’est justement du fait que plus
personne ne l’attende, qu’on peut faire un gros coup. Je l’ai suivi ces derniers mois, il a
vachement affiné son jeu dans des pièces de théâtre locales, il est devenu profond, il y a cette
douleur qui suinte de son jeu, tu verrais…
- Ouais ben pas trop. Il est OK pour baisser son salaire de 92 %, ton transsexuel
shakespearien? S’il est d’accord pour vivre dans une caravane et ne toucher que 8% du salaire
d’une danseuse à fanfreluches de la téloche, moi ça me va.
- Ecoutes… Transpira Mickey Hugglestone, soupesant tout à coup le peu de possibilités qu’il
lui restait, rajouté à celle qui préconisait que l’agent d’Hugh Grant allait l’écarteler puis
l’étriper, avant de le bouffer tout cru les jours à venir.
…écoute… Continua-t’il se demandant tout à coup ce qu’il allait bien pouvoir rajouter.
Une violente bonne humeur, qui en disait long sur la qualité de la cocaïne également importée
du pays du bougnoule levant, gagna alors Johnny King, qui sourit tout en embrassant le ciel
bleu de ses dents incrustées de platine.
Parce que l’or c’était ringard.
- Tu vas trouver ça bizarre, mon Mickeee, mais finalement, je crois que ça me plait.
Justement. Hollywood adore se faire baiser par surprise, c’est une grande langoureuse
nonchalante, tu sais ? Ah, tiens, au fait, on a du solide. Stallone, Anthony Hopkins et Chou
chou Benicio en Ben Ali. On a également David Hasselhof, qui nous fait le journaliste
Slovène pour trois pots de beurre de cacahouètes, puisque comme d’habitude,
il est au fond
du trou.
- C’est où, ça, la Slovénie ?
- On s’en branle. Ce pays est très certainement sinistre et
ravagé, comme David, alors je me suis dit que c’était un
signe et que ça collerait.
- Hugh Grant, on fait quoi ? Faut que j’apporte au moins un
bout de gras à son agent…
Il improvisa tout à coup :
- Un journaliste, tiens, américain, désinvolte, cynique,
bouffant à tous les râteliers, j’ai également une certaine Ju,
starlette locale française pouvant éventuellement faire la copine. Elle aussi, journaliste,
assurément plus que l’autre tarte. Après ils baisent, tu vois le truc ? Avec la révolution qui
gronde tout derrière, tu saisis ?
28 minutes plus tard, Johnny apposa le mot FIN au scénario.
Mickey Hugglestone fut d’accord, puisque ça signifiait une rallonge de 30000 dollars dès le
transfert du manuscrit au réalisateur et qu’il en avait méchamment besoin.
Le film cartonna.
Dans les rues poussiéreuses de Tunis où déambulait nonchalamment cette crevure de Dan
Brown (Hugh Grant), journaliste intéressé par les ressources autant gazières que pétrolières
dans lesquelles il avait des parts conséquences, une vibration dans l’air annonçait déjà un
brutal changement de climat.
D’orageuses, les conditions étaient réunies pour le cyclone.
Au même instant, un jeune marchand ambulant licencié en Psycho-socio-ethnologie de la
faculté d’Hammamet trouvait la mort dans un incendie malencontreux.
Son réchaud, qui lui servait à griller des galettes de gâteaux secs pilés afin de les vendre au
quidam qui passait, explosa, et le feu prit instantanément dans l’étal d’étoffes qui jouxtait le
sien.
Il ne survit pas à ses blessures.
L’enquête démontra ce que les témoignages, orientés et fortement rémunérés, avaient déjà
désigné : UNE CERTAINE FATIGUE.
La compagnie privée, qui faisait fabriquer les réchauds en Chine, refila une grosse enveloppe
aux
autorités, et l’on commença alors à stigmatiser
ce journaliste américain qui passait son
temps à fourrer des chèvres, empêchant le sommeil des habitants alentours et spécialement
celui de ce Mohamed Chifouni,
le jeune étudiant-marchand avec qui il partageait son palier,
et qui n’en pouvait plus de ne plus pouvoir dormir.
La fronde monta, et la mort douteuse rajouté
à la présence d’un occidental corrompu et
zoophile dans les parages, fit que la situation
se dégrada très vite.
Dan Brown fuit, se terrant dans un hôtel club
d’Hammamet, puis au bord d’une piscine où
il se mit à siroter des tas de cocktails en
compagnie du retraité Donald Rumsfeld (Anthony Hopkins), celui-là même qui cherchait
désespérément le journaliste susceptible de lui écrire de dithyrambiques mémoires sur ce
génie géopolitique qu’il avait toujours été.
Il sentit l’occasion de sa vie.
Au même instant, au palais royal, l’Agent Goldie Richardson (joué par un Sylvester Stallone
aux muscles seyants et au marcel maculé de tâches de gras, autant que nimbé d’une sueur
rance mais olfactivement délicieuse pour tous les troupeaux de brebis environnants)
écrabouilla la main du président Tunisien Ben Ali (Benicio Del Toro) avec qui il avait
quelques accointances, notamment la défense des bougnoules mais dans un contexte civil
parce que les barbus ça allait comme ça.
Avec lui, il partageait également un amour immodéré du capitalisme et de l’ordre qui ne leur
faisait bander pas que les muscles du cerveau.
Salma Hayek, jouant la femme du président, tripota brièvement Sylvester dans
l’entrebâillement d’une porte, ce qui lui tira une sorte de gémissement de goret, après quoi il
se cassa fissa.
Tout à coup inquiet, puis ne voulant se faire repérer suite à un tuyau CIA lui parlant
récemment sens du vent, il s’engouffra dans son Humer écrasant au passage deux mules et
huit Tunisiens, mais on s’en foutait, ça ne faisait pas de différences puisqu’ils se
ressemblaient tous et qu’on allait pas commencer à s’encombrer de considérations
humanistes, quoi merde alors.
Une jeune journaliste libre, française, ravissante et intrépide s’était introduite une semaine
auparavant dans le pays ni vu ni connu, et parcourant les rues de Tunis affublée d’un voile,
qui outre son visage, cachait également sa fonction, elle ne put cacher bien longtemps ses
formes aguicheuses qui firent freiner d’un coup sec la jeep d’un Dan Brown revenu à Tunis
chercher quelques affaires.
Le bellâtre avança le menton :
- Tu montes, chérie ?
- Nom mais, espèce de… Commença-t’elle avant de succomber absolument à l’avantageux et
ravageur faciès qui s’avançait au devant d’elle.
Elle grimpa dans la jeep, après quoi elle grimpa Dan Brown qui faillit mourir d’épuisement
vers le matin après une nuit terrible, et après qu’un soleil rougeoyant se fut levé sur le désert
et sur les piscines des hôtels-clubs qui se succédaient sur la côte.
Sigourney Weaver déboula aussi sec, dans un jet privé
crépusculaire appartenant à un pote milliardaire de Ben
Ali.
La ministre des affaires étrangères française claqua du
dentier en sortant de l’aéroport et observant tous ces
basanés remontant les artères de la ville de Tunis, elle
profita du Humer de Goldie Richardson qui rejoignait
Hammamet à toute berzingue pour éviter une trop
grande proximité avec tous ces pouilleux.
- faut pas rester là, m’dame. Dit le boeuf huileux.
- Vous êtes qui, vous, d’abord ? Se pinça le nez,
plissant le visage avec un air de dégoût, la ministre
française Michèle Alliot-Marie.
- Je suis l’homme qui vous sort du merdier, ne l’oubliez jamais.
- Vous êtes de ces troupes qui accompagnent celles que j’ai fait parvenir au divin président de
ce pays, dans une optique de sécurisation immédiate par rapport à ce diffus terrorisme que
l’on voit se développer un peu partout chez tous ces bamboulas?
- C’est ça, t’as raison… Fit-il, avant de lui faire un clin d’oeil, de la dégager du véhicule d’un
vif coup de rangers, à la suite de quoi roulant dans la poussière, elle fut soudainement
engloutie par les centaines de milliers de manifestants qui la dévorèrent gloutonnement, ne
laissant après leur passage que le cadavre incertain de la diplomatie française tout entière, et
dont les restes, par la suite, furent déchiquetés par des chiens errants qui trainaient en fin de
cortège.
Le journaliste Slovène (David Hasselhoff) vola le jet privé du milliardaire Tunisien, mais le
poids des lingots d’or dérobés à la famille Trabelsie réduit finalement son projet immobilier
en Lybie à néant, puisqu’il alla s’écrabouiller comme une merde dans le hangar désaffecté en
bout de piste.
Quand on est con, aussi.
Goldie « Stallone » Richardson sentit le vent tourner à temps, il paya des coups aux
révolutionnaires en vue, refila un paquet de merveilles numériques à tous ces intellectuels
qu’il enrageait en sourdine de voir plus évolués que lui, puis dessouda la garde rapprochée de
Ben Ali, qu’il avait préalablement, et discrètement, fourré dans un avion pour la France.
Après il devient un héros, et fut porté par la foule pendant des heures après quoi celle-ci lui
refourgua huit chèvres, parce que des femmes, non, fallait pas déconner non plus.
On était dans un pays développé, quoi, merde.
Dan Brown torcha les mémoires de Donald Rumsfeld qui le paya en rubis, puis tomba
éperdument amoureux de la jeune journaliste, Ju, qui lui rappelait son innocence perdue,
rajouté au fait qu’elle baisait sacrément bien.
La nuit tombe sur la plage d’Hammamet, ju
lève le regard vers les astres qui clignotent,
sa main cherche alors celle de Dan,
redevenu un petit enfant.
- Dan, tu vois les étoiles, là ?
- Où ça, des étoiles ?
Son romantisme disparut dans le prosaïque
d’un long soupir.
- Bon allez viens, on va baiser.
Stéphane Grangier
Mike Hammer papatam Andropov
http://hammerandropov.blogspot.com/
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