L’Enquête québécoise sur les limitations d’activités et l’enquête Handicaps, incapacités, dépendance : deux enquêtes cousines et différentes - article ; n°2 ; vol.4, pg 157-164
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Santé, Société et Solidarité - Année 2005 - Volume 4 - Numéro 2 - Pages 157-164
Les enquêtes de population consacrées aux situations de handicap posent des défis tant sur le plan conceptuel qu’opérationnel. Cet article compare deux enquêtes, l’Enquête québécoise sur les limitations d’activités (EQLA) au Québec et l’enquête Handicaps, incapacités, dépendance (HID) en France. Malgré des approches conceptuelles très voisines, les deux enquêtes ont opté pour des méthodes différentes face aux défis posés par ce type d’enquêtes. La stratégie d’échantillonnage pour le filtrage de la population à l’étude retient particulièrement l’attention. Les deux approches conduisent d’ailleurs à des résultats assez différents pour des incapacités semblables (vision, audition, mobilité, etc.). Ces écarts sont mis en lien avec les différences de méthodes, surtout lorsqu’il s’agit d’incapacité légère: les estimations touchant les incapacités les plus graves semblent concorder davantage. L’article examine aussi l’exploitation de ces enquêtes et met en relief leurs forces respectives pour des comparaisons dans le temps, entre populations, ou pour l’estimation de résultats locaux. La conclusion souligne la complexité de la mesure des situations de handicap, la nécessité de tenir compte des méthodes utilisées et de poursuivre les efforts visant au développement de ces enquêtes pour faciliter, entre autres, les comparaisons internationales.
Population surveys involving disability status represent challenges both in conceptual and operational terms. This article compares two surveys, the health and activity limitations survey (EQLA) in Québec and the handicaps, disabilities, dependency survey (HID) in France. Although both surveys had highly similar conceptual approaches, different methodologies were used to deal with the challenges posed by this type of survey. Of particular note was the sampling strategy for screening the population under study. Moreover, both approaches led to quite different results for similar disabilities (visual, hearing, mobility, etc.). These gaps relate to the different methodologies used, particularly in the case of mild disabilities, while the results of the assessments on more severe disabilities seem to be more similar. The article also examines the operation of these surveys and highlights their respective strengths in comparisons over time, between populations, and with local results. The conclusion underlines the complexity of measuring disability status as well as the need to take the methodology into account and to pursue the efforts aimed at developing these surveys in order to facilitate, among other things, international comparisons.
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Publié le 01 janvier 2005
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Outils et méthodes
L’Enquête québécoise sur les limitations d’activités et l’enquête Handicaps, incapacités, dépendance : deux enquêtes cousines et différentes
Pierre Mormiche– FRANCE Chercheur à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)
Jocelyne Camirand– QUÉBEC Agente de recherche à la Direction Santé Québec de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ)
Les enquêtes de popu-Résumé lation consacrées aux situations de handicap posent des défis tant sur le plan conceptuel qu’opération-nel. Cet article compare deux enquêtes, l’Enquête québécoise sur les limitations d’activités (EQLA) au Québec et l’enquête Handicaps, incapacités, dépendance (HID) en France. Malgré des approches concep-tuelles très voisines, les deux enquêtes ont opté pour des méthodes différentes face aux défis posés par ce type d’enquêtes. La stratégie d’échantillonnage pour le filtrage de la population à l’étude retient particu-lièrement l’attention. Les deux approches conduisent d’ailleurs à des résultats assez différents pour des incapacités semblables (vision, audition, mobilité, etc.). Ces écarts sont mis en lien avec les différences de méthodes, surtout lorsqu’il s’agit d’inca-pacité légère : les estimations touchant les incapacités les plus graves semblent con-corder davantage. L’article examine aussi l’exploitation de ces enquêtes et met en relief leurs forces respectives pour des comparaisons dans le temps, entre popu-lations, ou pour l’estimation de résultats locaux. La conclusion souligne la com-plexité de la mesure des situations de handicap, la nécessité de tenir compte des méthodes utilisées et de poursuivre les efforts visant au développement de ces enquêtes pour faciliter, entre autres, les comparaisons internationales.
Population surveys involv-Abstract ing disability status rep-resent challenges both in conceptual and operational terms. This article compares two surveys, the health and activity limita-tions survey (EQLA) in Québec and the handicaps, disabilities, dependency survey (HID) in France. Although both surveys had highly similar conceptual approaches, dif-ferent methodologies were used to deal with the challenges posed by this type of survey. Of particular note was the sampling strat-egy for screening the population under study. Moreover, both approaches led to quite different results for similar disabilities (visual, hearing, mobility, etc.). These gaps relate to the different methodologies used, particularly in the case of mild disabilities, while the results of the assessments on more severe disabilities seem to be more similar. The article also examines the operation of these surveys and highlights their respective strengths in comparisons over time, between populations, and with local results. The con-clusion underlines the complexity of meas-uring disability status as well as the need to take the methodology into account and to pursue the efforts aimed at developing these surveys in order to facilitate, among other things, international comparisons.
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Outils et méthodes
Une première en France, un classique au Québec Sans aucune concertation, c’est sensiblement en même temps que l’Institut de la statis-tique du Québec (ISQ) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ont démarré la collecte de deux grandes enquêtes consacrées aux situations de handicap : l’Enquête québécoise sur les limitations d’activités de 1998 (EQLA) et l’enquête française Handicaps, incapacités, dépendance de 1998 à 2001 (HID). Lorsque ces opérations se préparent, la situation des statistiques du handicap au Québec et en France est très différente. Le Québec dis-pose déjà des résultats de deux enquêtes canadiennes sur le handicap, représentatives de la population générale. En outre, près d’une dizaine d’enquêtes générales de santé menées au cours d’une période de vingt ans fournissent un aperçu des limitations d’acti-vités dans la population (Wilkins, 2000). En France, aucune enquête nationale représentative sur le handicap n’a encore été conduite en 1998 et une enquête de santé a lieu tous les dix ans depuis 1970-71. C’est dire l’écart de l’attention portée aux statistiques de santé à l’époque par les déci-deurs et les statisticiens de nos deux pays.
Des approches conceptuelles du handicap très voisines
D’entrée, les deux opérations rattachent leur conception à la classification interna-tionale des handicaps en vigueur dans les années 90, résumée par le schéma « Déficiences-Incapacités-Désavantages » de Wood (INSERM, 1988) et mettent au cen-tre de leurs questionnaires la recherche et la description des éventuelles « incapacités » ou « limitations d’activités » (OMS, 2001). En outre, toutes deux accordent une place importante aux divers aspects de l’environ-nement et de la vie sociale des personnes (on dirait aujourd’hui de la « participation sociale »), ce qui est loin d’être de règle dans les enquêtes sur le handicap.
Notons malgré cela une différence de con-tenu. L’enquête HID tente en effet de couvrir la question des déficiences, malgré la diffi-culté de leur collecte et de leur chiffrement
N° 2, 2005
par les enquêteurs ; l’objectif étant de per-mettre l’analyse du processus de production du handicap (PPH) sur tout le parcours des déficiences aux incapacités et aux désavan-tages (Mormiche, 1998).
Pour l’EQLA, la population visée est celle qui présente une incapacité. L’identification des déficiences n’est pas une préoccupation centrale – même si certaines peuvent être relevées.
Questionnement et
comparaisons
L’élaboration des questionnements et l’orga-nisation des exploitations ont été marquées par des contextes assez différents.
Les concepteurs québécois disposaient avec l’Enquête sur la santé et les limita-tions d’activités 1991 (ESLA) d’une enquête fortement comparable. Par ailleurs, le ratta-chement de l’EQLA à une enquête générale de santé, l’Enquête sociale et de santé 1998 (ESS), permettait de comparer directement la population avec incapacité – interrogée par l’EQLA – et celle sans incapacité pour les nombreux indicateurs sociaux et de santé que comporte l’ESS. Ainsi disposaient-ils d’une population de référence du moment avec l’ESS et d’une référence historique avec l’ESLA de 1991 (souvent même avec celle de 1986). Le rapport général de l’EQLA présente un grand nombre d’analyses sur ces points.
Côté HID, l’absence d’enquête antérieure interdisait les comparaisons dans le temps. Aussi le groupe de projet s’est-il attaché à permettre la comparaison la meilleure entre les personnes limitées et l’ensemble de la population. Pour ce faire, les questionne-ments concernant les transports, l’emploi, la scolarité, les loisirs, etc. ont été inspirés d’enquêtes spécialisées effectuées en popu-lation générale. De cette façon, la « popula-tion de référence » sur un thème déterminé (l’emploi par exemple) a été constituée par l’échantillon de l’enquête spécialisée.
Par ailleurs, l’enquête HID a accordé une forte attention au relevé des flux d’entrée-sortie en situation d’incapacité. Pour ce faire, on a réinterrogé les répondants lors d’un second passage éloigné de deux ans qui s’attarde sur les évolutions constatées et
Outils et méthodes
leurs circonstances ou causes. De plus, on a prévu de suivre les décès et leurs causes médicales pendant les quinze années suivant la fin de la collecte.
Les échantillons : des parents… éloignés Deux grandes différences apparaissent dans les modes d’échantillonnage.
Couvrir ou pas la population institutionnalisée ? En 1998, la France n’avait encore réalisé aucune enquête auprès des personnes rési-dant en institutions socio-sanitaires. Il a été jugé incontournable de les inclure dans le champ de l’enquête HID. Près de 15 000 de ses membres ont donc été interrogés, repré-sentant cette population très majoritairement handicapée (personnes âgées, enfants ou adultes handicapés, malades d’établissements psychiatriques). Le Québec disposait déjà quant à lui de données sur la population institutionnalisée recueillies lors des ESLA de 1986 et 1991. La commande pour 1998 se limitait à la population vivant en ménages ordinaires et reflète l’intérêt prioritaire des bailleurs de fonds à l’égard des services à domicile et du suivi des mesures visant l’intégration des personnes handicapées.
Très minoritaire en effectifs (à peine 1 % de l’ensemble), la population des institu-tions représente cependant une part assez importante de celle en situation de handi-cap, en particulier chez les personnes âgées ou souffrant des incapacités les plus lour-des. Ainsi, alors qu’au Québec seulement 3,7 % des adultes de moins de 65 ans ayant une incapacité vivent en institution, c’est le cas de 17 % de ceux de 65 ans et plus, selon l’ESLA 1991.
Les résultats de l’enquête HID illustrent le poids de la population institutionnalisée parmi celle qui est dépendante. À titre d’exemple, parmi les personnes ne pouvant réaliser sans aide leurs activités quotidiennes (c’est-à-dire ayant une incapacité assez grave), autour de 45 % des personnes qui utilisent un fauteuil roulant manuel, qui ont
des difficultés sévères de communication, ou qui sont incontinentes, résident en ins-titution (Goillot, Mormiche, 2003).
Le problème du filtre pour l’enquête en domiciles ordinaires L’ISQ comme l’INSEE ont été confrontés au problème posé à tous les concepteurs d’enquêtes sur le handicap (un phénomène relativement peu fréquent) visant à établir des données représentatives de la popula-tion en domiciles ordinaires. Dans son manuelad hocde 1996, l’ONU conseillait fortement une procédure d’échan-tillonnage en deux temps : une enquête aussi peu coûteuse que possible sur un vaste échantillon – par exemple quelques ques-tions dans le recensement – puis une enquête détaillée sur un échantillon déter-miné par les réponses au questionnaire de la première phase.
Les ESLA de 1986 et 1991 allaient plus loin et disposaient d’un financement per-mettant d’interroger en deuxième phase deux sous-échantillons composés respec-tivement de « positifs » et « négatifs » au recensement. Cette expérience a montré les limites des techniques de « filtrage » à par-tir d’un nombre limité de questions (deux au recensement) : pour une estimation de la prévalence de l’incapacité de 17 % en 1991, un peu plus de la moitié (9 %) provenait des répondants « négatifs ».
Les enquêtes québécoise et française ont dû s’adapter à des moyens nettement moins importants. Elles ont adopté des stratégies sensiblement différentes (figure 1).
L’enquête HID s’est directement inspi-rée du schéma des ESLA. Elle comprenait une pré-enquête « Vie quotidienne et santé » (VQS) menée lors du recensement, donc à un coût minime, à laquelle 360 000 person-nes ont répondu. Y figuraient 16 questions au lieu de 2 à l’ESLA 1991 (encadré 1).
Cette relative richesse a permis de pro-céder à un échantillonnage à taux inégal, couvrant tous les types de répondants de la phase initiale VQS. Six groupes de « sévérité-probabilité » d’une situation de handicap ont été constitués et comportent des taux de sondage différenciés mais jamais nuls. Le
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160 SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
EQLA Enquête sociale et de santé 1998
Bassin
Adultes de 16 ans et plus £ Activités courantes : vue, conversation, sou-plesse, remplissage de formulaires simples (7 questions)
Outils et méthodes
1
Questionnaire de sélection EQLA (n = 29 800)
HID (n = 16 945)
L’EQLA a utilisé une méthode plus sim-ple de filtrage. Elle a d’abord retenu une définition précise de l’incapacité, puis filtré les personnes répondant à cette définition et écarté les autres (questionnaire de sélec-tion). Elle a profité pour cela de la collecte d’une vaste enquête de santé (ESS 1998) constituant un bassin important de répon-dants (près de 30 000) représentatifs de la population québécoise vivant à domicile. Le questionnaire de sélection a retenu 4 015 répondants avec incapacité. Il com-prend, pour les adultes, une quinzaine de questions sur les incapacités physiques et quatre questions dévolues spécifiquement au délicat problème des difficultés psy-chiques (encadré 2). Un questionnaire de sélection détaillé portait également sur les enfants (non présenté).
Enfants £ Prise en charge par l’éducation spéciale (1 question)
2
Enquête spécialisée
Pré-enquête Vie-quotidienne et santé (n = 360 000) + Stratification
Problèmes de santé mentale ou intellectuelle : difficulté de mémoire ou d’apprentissage, dia-gnostic de troubles d’apprentissage, de percep-tion ou de l’attention, déficience intellectuelle, limitation d’activités d’au moins six mois liée à ces problèmes (4 questions)
Le filtrage de « Vie quotidienne et santé »
HID Recensement 1999
Par-delà ces écarts de méthode, que donne la comparaison des résultats des deux enquêtes ? Si l’on se limite à la population vivant à domicile et aux incapacités pour lesquelles les questions des deux enquêtes sont assez semblables (incapacités visuelle,
Questionnaire de suivi EQLA (n = 4 015)
e n c a d r é
1
Stratégie générale d’échantillonnage de l’EQLA et HID en ménages privés
f i g u r e
Filtrage
Limitation d’activitésd’au moins six mois, liée aux problèmes de santé physique (1 question)
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e n c a d r é
Le filtrage de l’EQLA (15 ans et plus)
Capacitéd’effectuer certaines tâches relatives à l’incapacitéphysique: vision audition, parole, mobilité, agilité (14 questions)
Comparaison des résultats
rapport de leurs valeurs extrêmes passe de 1 pour les personnes n’ayant signalé aucune 3 difficulté, qui constituent les ∕ de la popu-4 lation et sont très sous-représentées, à 80 pour les situations de handicap les plus sûres et graves, très fortement représentées.
Personnes de tous âges £ Aides : aides personnelles, aménagement du logement et aides techniques (3 questions) £ Limitations d’activités de plus de six mois – sans préciser les causes physiques, intellec-tuelles ou mentales (2 questions). £ Conscience qu’a la personne « d’avoir un han-dicap » (1 question) £Demande e t acceptation d’une reconnaissance officielle (2 questions)
Outils et méthodes
auditive, de la parole, de la mobilité et d’agi-lité), les prévalences estimées par l’EQLA sont du même ordre que celles considérées comme « modérées ou sévères » par HID, avec quelques différences selon la nature de l’incapacité et l’âge (tableau 1). Mais dans la seconde enquête les prévalences d’inca-pacités légères majorent considérablement l’estimation globale.
Une grande partie de ces différences s’explique probablement par le fait que l’EQLA était présentée aux répondants comme portant sur une population ciblée : « les Québécois qui sont limités dans le genre ou la quantité d’activités qu’ils peu-vent faire à cause de leur état ou d’un problème de santé ». De plus, l’enquête québécoise portait uniquement sur les pro-blèmes ou incapacités susceptibles de durer au moins six mois, excluant les problèmes de santé ou les incapacités passagères. L’enquête HID se voulait plus inclusive et n’imposait aucune limite quant à la durée des problèmes. En outre, quoique l’enquête fût présentée aux répondants comme por-tant sur le handicap, on spécifiait que « l’échantillon doit comporter des personnes dans toutes les situations de santé – y com-pris les bien portants ». Cette nuance est sans doute capitale dans la part appréciable des incapacités légères.
Un second facteur méthodologique con-tribue à marquer ces différences. Dans l’enquête québécoise, les modalités de réponses aux questions de sélection étaient « entières » : la personne interrogée ne pou-vait répondre queouiounon:, par exemple Éprouvez-vous des difficultés à…? Les réponses à la deuxième phase de l’enquête française (servant à l’identification de l’inca-pacité) étaient au contraire progressives, par exemple :Voyez-vous bien de près ? 1. Oui, sans aucune difficulté ; 2. Oui, mais avec quel-ques difficultés ; 3. Oui, mais avec beaucoup de difficultés ; 4. Non.
Dans HID, le choix de ne pas écarter les « négatifs » de la suite de l’enquête a permis de quantifier parmi eux les « faux négatifs » et d’éviter un biais de sélection. La présence de faux négatifs n’est pas négligeable. Elle affecte plus fortement l’estimation des inca-pacités faibles que sévères (tableau 2).
t a b l e a u
TYPE D’INCAPACITÉ
Visuelle 15-64 ans 65 ans et +
Auditive 15-64 ans 65 ans et +
Parole 15-64 ans 65 ans et +
Mobilité 15-64 ans 65 ans et +
Agilité 15-64 ans 65 ans et +
1
Prévalences de divers types d’incapacités selon l’âge (données représentatives de la population de 15 ans et plus en domicile ordinaire)
EQLA 98 (difficultés)
1,8 1,2 5,9
4,2 2,6 14,2
0,9 0,7 2,1
8,8 5,5 29,0
8,0 5,2 25,0
HID 99 (beaucoup de difficultés)
2,2 1,0 7,0
3,4 1,3 12,2
0,8 0,6 1,7
10,3 4,9 32,3
9,1 3,7 31,7
Source : Enquêtes EQLA 1998, HID 1999.
HID 99 (un peu de difficultés)
6,3 4,2 14,9
6,0 3,2 17,8
0,7 0,6 1,1
6,5 4,0 16,7
8,5 5,6 20,7
Dans l’EQLA, il est probable qu’une part des personnes ayant des difficultés légères ait répondunonaux questions de sélection, basant leur jugement sur l’objectif de l’enquête qui leur avait été présenté et l’exclu-sion des problèmes temporaires, échappant ainsi aux estimations de prévalence.
Dans un autre exemple, les résultats des deux enquêtes sont extrêmement proches. Ainsi, l’EQLA estime à 0,40 % la proportion de personnes utilisant un fauteuil roulant manuel parmi la population des 15 ans et plus vivant en ménages (Camirandet al., 2001) et l’estimation de HID est de 0,39 %. Cette similitude tient sans doute au fait qu’il s’agit d’incapacité assez grave sur laquelle les deux enquêtes semblent concorder, comme cela est suggéré plus haut.
Bien qu’elle soit plus hasardeuse, la com-paraison de la prévalence totale de l’incapa-cité semble également illustrer ce fait. Ainsi,
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161 N° 2, 2005
L’enquête HID : des estimations sur petits domaines Pour la France, c’est à l’échelon des dépar-tements (96 en France métropolitaine) que se mène la politique locale du handicap et de la dépendance. Il n’a pas été jugé possi-ble de mener directement l’enquête dans chaque département. La technique dite « d’estimation sur petits domaines » a donc été retenue. Celle-ci uti-lise, à côté des données de l’enquête, des
Mobilité sévère faible
10,3 6,5
L’estimation de résultats locaux
Importance desfaux négatifs dans les estimations de prévalences de l’enquête HID 1999 (données représentatives de la population de 15 ans et plus en domicile ordinaire)
TYPE D’INCAPACITÉ
1. Rapports disponibles sur le site Internet : www.ophq.gouv.qc.ca/recherche/statistique/m_statistique.htm.
lorsqu’on recense dans HID les personnes ayant au moins une incapacité assez grave (beaucoup de difficultés), on obtient une prévalence de l’incapacité totale (16,3 %) très proche de celle de l’EQLA (16,7 %) pour la population de 15 ans et plus. Les personnes qui ont des difficultés plus légères ajoutent une prévalence supplémentaire de 11 % dans HID. Cette comparaison est certes discutable en raison des différences entre les défini-tions opérationnelles de l’incapacité des deux enquêtes, notamment parce que le questionnaire de l’enquête HID porte sur un plus grand éventail d’incapacités que celui de l’EQLA. Les deux enquêtes diffèrent également dans l’approche retenue relative-ment aux problèmes intellectuels ou mentaux. Pour ces derniers, l’EQLA évalue leur prévalence à environ 4,1 % parmi les 15 ans
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Visuelle sévère faible
2,5 2,5
1,6 3,5
La responsabilité croissante des collectivités locales ou des échelons territoriaux dans la politique sociale et de santé – et dans le domaine du handicap et du vieillissement – a amené les responsables des deux enquêtes à se préoccuper de la production d’estima-tions régionales ou locales. Les options retenues pour ce faire sont très différentes.
EQLA : un échantillon stratifié localement L’ISQ a stratifié l’échantillon de l’ESS et de l’EQLA selon seize régions sociosanitaires. Le nombre de logements tirés dans chacune de ces régions (sauf une exception) est tou-jours d’au moins 800 pour permettre des analyses régionales. Le rapport de l’enquête présente ainsi une estimation directe des variations régionales de l’incapacité au Québec (Camirandet al., 2001). Des rap-ports détaillés ont aussi été produits pour 1 chaque région .
0,6 2,1
0,2 0,3
2,2 6,3
Estimation globale
Parole sévère faible
2
t a b l e a u
Outils et méthodes
0,3 2,8
et plus en ménage ordinaire, alors qu’elle est estimée à 6,8 % dans HID. Mais ce qui est surtout intéressant, c’est que plus de 40 % des répondants n’avaient déclaré aucun problème lors de la pré-enquête fran-çaise. Cela souligne l’importance d’inclure dans le questionnaire de filtrage des ques-tions spécifiques sur les difficultés d’origine intellectuelle ou mentale – comme le fait l’EQLA – et simultanément de réinterroger un nombre suffisant de personnes n’ayant pas déclaré de difficulté lors du filtrage – comme le fait l’enquête HID.
Source : Enquête HID 1999.
Dontfaux négatifs
Auditive sévère faible
Agilité sévère faible
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3,4 6,0
0,8 0,7
9,1 8,5
Outils et méthodes
indicateurs provenant d’autres sources, dis-ponibles au niveau géographique souhaité et liés au thème de l’enquête. Sont utilisés ici la pyramide des âges du département four-nie par le recensement et l’effectif des divers « groupes de handicap » fourni par l’extension VQS pour les départements inté-ressés (Couet, 2002).
Des approches complémentaires Les options retenues pour les estimations locales par les deux enquêtes sont complé-mentaires. Les résultats de l’EQLA sont directement issus de l’observation d’un échantillon régional ; ils ne présentent donc pas de biais. Par contre, les effectifs des échantillons régionaux étant plus limités, la précision des données est moindre, rédui-sant les possibilités d’analyses détaillées. La procédure pour HID présente des caractéristiques inverses. Basées sur le cou-plage d’indicateurs locaux et de réponses fournies très majoritairement par des per-sonnes habitant hors de la zone étudiée, les estimations sont biaisées. Par contre, l’effectif des répondants (plus de 15 000) réduit con-sidérablement les intervalles de confiance et permet des tableaux assez détaillés. Leur statut est néanmoins ambigu : il s’agit d’esti-mations « prédictives » valables si aucun élément local (comme la silicose d’une zone minière) ne vient les biaiser ou les démentir.
Conclusion La comparaison nous amène à formuler un certain nombre d’observations. Il est souhai-table que les équipes en charge d’enquêtes statistiques aussi spécialisées puissent dialo-guer avec leurs collègues des autres instituts ; car si les problèmes posés sont sensible-ment les mêmes, les solutions techniques retenues sont diverses. Aussi les points forts varient-ils d’une enquête à l’autre. L’EQLA offre de vastes possibilités d’analyses com-paratives : dans le temps, comparativement à la population québécoise sans incapa-cité et entre régions. Pour sa part, HID se démarque par son caractère longitudinal, l’inclusion de la population institutionnalisée et l’application de la méthode d’estimation sur petits domaines, solution avantageuse dans le cas d’estimations sur un grand nom-bre de régions.
Il y a certainement avantage à mener en même temps la collecte en domiciles privés et en institutions sociosanitaires. Cela donne un meilleur aperçu d’ensemble de la santé et des limitations d’activités de la population.
Concernant le problème complexe de la sélection d’un échantillon dans la population vivant en domicile ordinaire, l’idéal est cer-tainement de dépister les personnes ayant une incapacité directement lors d’entrevues en face à face et à l’aide d’un questionnaire exhaustif et valide pour l’estimation des pré-valences. Mais cette situation, rarement possible, est coûteuse et requiert une défi-nition relativement limitée de la population visée. Si l’on utilise un module de filtrage, la méthode la plus sûre pour éviter un biais de sélection est de conserver un sous-échantillon de « négatifs ». Cependant, ce module doit inclure le repérage des limita-tions d’origine intellectuelle ou mentale et les questions posées pour l’estimation des prévalences et le filtrage doivent comporter au moins trois modalités de réponses (du typeoui beaucoup, oui un peu, non).
Enfin, les résultats présentés ici ont mis en relief des écarts importants entre les pré-valences issues des enquêtes des deux pays. D’autres auteurs avaient déjà observé des variations encore plus considérables dans différentes enquêtes sur ce sujet et souligné comment certaines différences méthodolo-giques y contribuent (comme le contexte de l’enquête qui peut inciter les répondants à déclarer des problèmes plus ou moins légers, la présence d’un questionnaire de suivi, la durée des problèmes ciblés, le recours à des tiers répondants). Fait rassurant par contre, les prévalences des incapacités les plus graves sont plus stables (Binder, Morin, 1988).
Ces observations illustrent les défis que pose la mesure de l’incapacité ou du handi-cap dans les enquêtes en population, tant au niveau conceptuel qu’opérationnel. Elles soulignent la nécessité de définir l’objectif de ce type d’enquêtes : soit une perspective large incluant les problèmes les plus légers, soit une vue plus ciblée sur les situations les plus graves et les besoins les plus importants. L’incapacité est un phénomène qui se situe sur uncontinuumdont la borne inférieure est floue, rendant l’inclusion des personnes
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164 SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
Outils et méthodes
ayant des difficultés légères variable et plus sensible aux méthodes et instruments d’enquêtes. Pour cette raison, l’utilisation d’un choix de réponses progressif repré-sente une voie intéressante. Nous concluons
surtout à la pertinence de maintenir les efforts visant au développement d’enquêtes qui permettent de mieux cibler cette popu-lation et de faciliter les comparaisons tant au niveau national qu’international.
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Sites Internet consultés : ifr-handicap.inserm.fr/hidenquete/eedquest.htm ifr-handicap.inserm.fr/voirhid.html www.ophq.gouv.qc.ca/recherche/statistique/m_statistique.htm www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/cahiers_qla98_pdf.htm www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/enq-qla98.htm
N° 2, 2005
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