Vers une déjudiciarisation de la protection de la jeunesse : le cas de la Communauté française de Belgique - article ; n°1 ; vol.8, pg 167-173
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Santé, Société et Solidarité - Année 2009 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 167-173
L’aide et la protection de la jeunesse en Communauté française de Belgique s’articule principalement autour de deux textes majeurs: le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse et le décret du 12 mai 2004 relatif à l’aide aux enfants victimes de maltraitance. Cet article présente brièvement ces deux textes et les situent par rapport aux législations québécoise et française. La notion de déjudiciarisation, que l’on retrouve d’une manière ou d’une autre dans les intentions des législateurs belges, français et québécois, fera l’objet d’une attention particulière.
Youth assistance and protection in the French Community of Belgium is mainly structured around two major texts: Decree of 4 March 1991 concerning youth assistance and Decree of 12 May 2004 concerning assistance to children victim of abuse. This article briefly presents these two texts and relate them to the Quebec and French legislation. Particular attention will be given to the notion of diversion from the judicial process, found in one way or another in the intentions of Belgian, French and Quebec legislators.
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Publié le 01 janvier 2009
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Échos d’ailleurs
Vers une déjudiciarisation de la protection de la jeunesse: le cas de la Communauté française de Belgique
Françoise Mulka yBELGIQUE Directrice, Service des méthodes, de la recherche, de la formation et des statistiques, Direction générale de l’aide à la jeunesse, Ministère de la Communauté française Au moment de la rédaction de l’article, chargée de recherche, Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, Communauté française de Belgique
L’aide et la protection Résumé de la jeunesse en Com-munauté française de Belgique s’articule principalement autour de deux textes majeurs :le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse et le décret du 12 mai 2004 relatif à l’aide aux enfants victimes de maltraitance. Cet article présente briè-vement ces deux textes et les situent par rapport aux législations québécoise et française. La notion de déjudiciarisation, que l’on retrouve d’une manière ou d’une autre dans les intentions des législateurs belges, français et québécois, fera l’objet d’une attention particulière.
Youth assistance and pro-Abstract tection inthe French Community of Belgium is mainly structured around two major texts: Decree of 4 March 1991 concerning youth assistance and Decree of 12 May 2004 concerning assistance to children victim of abuse. This article briefly presents these two texts and relate them to the Quebec and French legislation. Particular attention will be given to the notion of diver-sion from the judicial process, found in one way or another in the intentions of Belgian, French and Quebec legislators.
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
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Échos d’ailleurs
e nombreux liens existent entre le Québec et la Communauté de laDjeunesse se sont mutuellement influen-française de Belgique. Nos légis-lations en matière de protection cées. La notion de déjudiciarisation y occupe une place centrale. Cependant, par delà les ressemblances, il existe des différences non négligeables que l’on tentera d’exposer au fil du texte.
De son côté, la France a adopté en mars 2007 une importante modification législative en matière de protection de l’enfance. La nouvelle loi renforce le rôle des présidents des conseils généraux, instances administra-tives et décentralisées, et met en avant l’importance d’une prise en charge non judi-ciarisée des enfants en difficulté.
Mais avant toute chose, précisons le pay-sage institutionnel belge. En effet, pour la Belgique, cet article portera uniquement sur la législation de la partie francophone du pays.
Un petit détour pour mieux comprendre
La Belgique est aujourd’hui un État fédéral. Ce ne fut pas toujours le cas. Le processus de fédéralisation est d’ailleurs toujours en cours comme l’actualité récente le démontre. Au cours de ce processus de fédéralisation, des matières jusque-là fédérales ont été pro-gressivement confiées aux Communautés ou aux Régions. À la différence des Régions, dont l’élément constitutif est le territoire, et qui gèrent essentiellement des compétences liées à l’économie, à l’emploi, à l’environne-ment, etc., les Communautés sont des entités fédérées qui ont été constituées sur base de la langue et de la culture. À ce titre, elles sont compétentes pour les matières liées à la personne. C’est dans cette optique que la protection de la jeunesse a été transférée aux Communautés en 1988, au même titre que l’enseignement, la culture, l’aide sociale, etc., l’avaient été précédemment.
Certains éléments restent cependant de compétence fédérale. Il en est ainsi de la
législation sur la délinquance des mineurs, même si l’application des mesures prises par les juges de la jeunesse est confiée aux Communautés, notamment l’organisation du placement, y compris en régime fermé, et l’organisation des mesures de méditation ou des prestations éducatives et philanthro-piques (onappelle ainsi les travaux d’inté-rêts généraux quand la mesure s’adresse à des mineurs). De même, les procédures de recours à des mesures de contrainte en matière de protection de la jeunesse restent également du ressort de la justice. Le même type de division des compétences existe au Canada. La législation sur la protection de la jeunesse dépend des provinces, tandis que celle qui traite de la délinquance des mineurs est de compétence fédérale. Le recours à une mesure contraignante ne peut être décidé que par un juge. En revanche, en France, la loi relative à la protection de l’enfance est une loi nationale qui s’applique sur l’ensem-ble du territoire, même si elle confie des missions aux entités territoriales que sont les conseils généraux.
En 1991, le législateur communautaire dote la Communauté française de Belgique d’un dispositif légal qui organise l’aide aux 1 enfants en difficulté ou en danger . Le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse se veut une réponse aux critiques formulées par rapport aux législations antérieures, notamment l’ingérence du judiciaire dans des situations familiales, le recours parfois abusif aux placements institutionnels et le manque de respect des droits du jeune. Le texte met particulièrement l’accent sur le droit des jeunes et des familles, qui deviennent de réels partenaires de l’aide, des sujets de droits et non plus des objets de protection.
Quelques principes directeurs du décret du 4 mars 1991
Le décret du 4 mars 1991 repose sur dix principes directeurs. Nous reprendrons ici ceux qui sont le plus directement en lien avec notre propos: la déjudiciarisation et la volonté de rendre le jeune et sa famille acteurs de l’aide qui leur est apportée.
1. Deson côté, la Flandre a voté son décret le 4 avril 1990. Pour un exposé succinct des principes généraux des deux législations, consulter le lien suivant: <http://www.senat.fr/lc/lc170/lc1703.html>.
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Droit à l’aide
Échos d’ailleurs
Tous les enfants en difficulté ou en danger, ainsi que leurs parents, doivent avoir accès à l’aide organisée par le décret, c’est-à-dire à une prise en charge déjudiciarisée de leurs difficultés éducatives. L’article 3 du décret consacre ce droit: «Tout jeune […] a droit à l’aide spécialisée organisée par le présent décret. Cette aide tend à lui permettre de se développer dans des conditions d’égalité des chances en vue de son accession à une vie conforme à la dignité humaine.»
Ceci implique que les jeunes et les familles peuvent solliciter eux-mêmes l’aide 2 des services d’aide à la jeunesse . De ce fait, ils sont reconnus comme des personnes capables de prendre conscience de leurs difficultés. Ils sont considérés comme des acteurs, des sujets de droits et non plus sim-plement des personnes à protéger. C’est sans doute cela que le législateur a voulu souligner en passant d’une loi «de protec-tion de la jeunesse» à un décret d’«aide à la jeunesse».
Comme on le verra plus loin, on retrouve la même philosophie dans le décret du 12 mai 2004 relatif à l’aide aux enfants vic-times de maltraitance: priorité à l’aide et à la participation des bénéficiaires de l’aide, l’intervenant ne se substituant aux familles qu’en dernier recours (information à un tiers, mesures de contrainte, voire information aux autorités judiciaires).
Une aide de «seconde ligne», complémentaire et supplétive
Si l’aide est un droit, elle est d’emblée annoncée comme spécialisée, c’est-à-dire de « secondeligne ».Elle doit intervenir lorsque les services et institutions qui relèvent de l’aide générale (celle qui est accessible et dispensée à tous) n’ont pu offrir des services suffisants ou adaptés. L’aide spécialisée doit être complémentaire et supplétive par rap-port à l’aide générale:
« L’aidespécialisée à la jeunesse doit s’enten-dre commecomplémentaire et supplétive
aux autres formes d’aide sociale: complé-mentaire, elle permet de trouver ou de ren-forcer sous un mode plus adapté l’aide que la société offre à toutes les familles depuis la naissance jusqu’à la majorité des enfants; supplétive, l’aide spécialisée ne doit être dispensée que dans les cas où ces services dits «de première ligne» n’ont pu apporter l’aide de manière adéquate.»
Décret du 4 mars 1991, exposé des motifs.
Ce principe de complémentarité et de supplétivité implique en principe que les professionnels de l’aide à la jeunesse n’inter-viennent pas d’emblée. Le décret prévoit d’ailleurs que la première mission du con-3 seiller de l’aide à la jeunesseest de réorienter et d’accompagner les jeunes et les familles vers des services de l’aide générale. Ce n’est que lorsqu’il a constaté que ces services ne pouvaient apporter l’aide nécessaire qu’il intervient lui-même.
On notera ici une différence notable avec la législation québécoise. Les praticiens qué-bécois fontune distinctionentre «besoin de service » et « besoin de protection ». Seuls les jeunes en besoin de protection relèvent de la Loi sur la protection de la jeunesse. En Communauté française de Belgique, la situation est un peu différente. Le décret s’applique en effet aussi bien «aux jeunes en difficulté, ainsi qu’aux personnes qui éprouvent de graves difficultés dans l’exécu-tion de leurs obligations parentales» (art. 2, er al. 1, 1) – qui pourrait s’assimiler à un besoin de service – qu’aux enfants en dan-ger, c’est-à-dire «à tout enfant dont la santé ou la sécurité est en danger ou dont les conditions d’éducation sont compromises par son comportement, celui de sa famille er ou de ses familiers» (art. 2, al. 1, 2) – ce qui semble correspondre aux enfants en besoin de protection.
La déjudiciarisation
Le législateur de 1991 a voulu promouvoir la prise en charge sociale de problèmes qui sont avant tout des problèmes sociaux. C’est
2. Servicepublic chargé de mettre en œuvre l’aide volontaire. Ce service équivaut plus ou moins aux services de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) au Québec et aux services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en France. er 3. Instancechargée d’apporter l’aide spécialisée aux jeunes (décret du 4 mars 1991, art. 32, § 1). Il agit dans le cadre de l’aide volontaire.
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
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donc un intervenant social – le conseiller de l’aide à la jeunesse – qui devient l’acteur pivot du dispositif de protection de la jeu-nesse, prenant en cela la place jusqu’alors dévolue au juge de la jeunesse, d’où l’utili-sation du terme «déjudiciarisation ».On trouve la même volonté de déjudiciarisation dans la nouvelle législation française:
Échos d’ailleurs
« Leprésident du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être.»
Loi nº 2007-293 du 5 mars 2007, art. 3, art. 12,)
L’ensemble des demandes d’intervention en faveur d’enfants en difficulté ou en dan-ger converge vers le conseiller de l’aide à la jeunesse qui examine l’opportunité de faire entrer la situation dans le dispositif de l’aide spécialisée à la jeunesse. En cas de besoin, il peut faire procéder à des investigations sociales par le service d’aide à la jeunesse. Le délégué, assistant social travaillant pour le conseiller d’aide à la jeunesse, rédige un rapport sur la problématique rencontrée par la famille et met en évidence les propositions sur lesquelles la famille pourrait marquer son accord. Le conseiller d’aide à la jeunesse peut alors mettre en œuvre un dispositif d’aide négocié avec le jeune et la famille, dispositif appelé «programme d’aide». Ce programme doit recueillir l’accord écrit des parents et du jeune si celui-ci a plus de 14 ans (décret du 4 mars 1991, art. 7).
À la différence du Québec, et sans doute de la France, le conseiller d’aide à la jeu-nesse s’implique personnellement dans la négociation et dans la signature du pro-gramme d’aide. Cette étape du processus d’aide se fait toujours en sa présence. Il ne peut déléguer sa signature. Ceci permet de créer un lien personnalisé entre celui qui a autorité pour veiller à la sécurité des enfants et la famille.
Lorsqu’il constate un danger grave pour un enfant «et» qu’il ne peut obtenir la col-laboration des parents ou du jeune, s’il a plus de 14 ans, le conseiller peut solliciter le recours à des mesures d’aide contraintes 4 auprès du Procureur du Roi. Il doit argu-menter sa demande auprès de ce dernier en décrivantce qu’il considère comme un danger grave pour l’enfant et une non-collaboration dans le chef des parents ou du jeune lui-même. À la différence de la légis-lation québécoise, le conseiller ne peut solliciter le recours à l’aide contrainte sans avoir essayé d’apporter une aide au jeune et à sa famille dans le cadre volontaire, et ce, quel que soit le problème rencontré. La non-collaboration du jeune et de la famille doit être démontrée au même titre que le danger grave. Par danger grave, on entend: « L’intégritéphysique ou psychique est considérée comme gravement compromise, soit lorsque l’enfant adopte de manière habituelle ou répétée des comportements qui la compromettent réellement et directe-ment, soit lorsque l’enfant est victime de négligences graves, de mauvais traitements, d’abus d’autorité ou d’abus sexuels la mena-çant directement et réellement» Décret du 4 mars 1991, art. 38, § 2 Comme on le voit, on est très loin de la précision de la notion de compromission telle qu’elle existe dans la loi québécoise (voir article de Demers dans ce numéro). Cette différence trouve sans doute sa source dans la différence fondamentale qui existe entre les procédures judiciaires en vigueur en Belgique et en France, d’une part, et au Québec, d’autre part (voir note 4). On notera qu’en France, la définition du «dan-ger »n’est pas plus précise qu’en Belgique: « Sila santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellec-tuel et social sont gravement compromises,
4. Laprocédure judiciaire en Belgique est très différente de la procédure en vigueur au Québec. Sans entrer dans les détails, la procédure belge est comparable à la procédure française (procédure inquisitoire). Le Procureur du Roi représente le Ministère public. C’est lui qui décide de porter ou non l’affaire devant le Tribunal de la jeunesse sur la base des pièces à sa disposition et qui demande la mesure de contrainte. Au Québec, la procédure est plus proche de la procédure anglo-saxonne (procédure accusatoire). C’est le directeur de protection de la jeu-nesse qui porte l’affaire devant le juge. En Belgique, l’intervenant social ne comparaît pas devant le tribunal. Il transmet un écrit au Procureur du Roi. Ses arguments sont (ou non) repris par ce dernier lors de l’audience.
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En matière d’aide contrainte, s’agissant d’une limitation des libertés des individus, le législateur a voulu préserver les droits de la défense. C’est donc à un juge qu’il appartient d’examiner si le recours à des mesures d’aide contrainte se justifie et de baliser celles-ci. Il peut ainsi ordonner soit le maintien du mineur dans son milieu familial moyennant un suivi éducatif, soit le retrait du mineur de son milieu familial. Il peut aussi autori-ser le mineur de plus de 16 ans à vivre de manière autonome, mais cette mesure est très rarement prise car elle ne garantit pas
Parcours des jeunes entrant dans le système de l’aide à la jeunesse
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
Accord accepté par jeune /entourage
Échos d’ailleurs
Services sociaux re de 1ligne
Conseiller de l’AJ
Délégués
Délégués
Services Ä mandatés
Démarche personnelle ou de l’entourage
SAJ Ä
Jeune en D D
Jeune en D D: Jeune en difficulté ou en danger FQI :Fait qualifié infraction SAJ :Service d’aide à la jeunesse SPJ :Service de protection judiciaire AJ :Aide à la jeunesse Source :Ministère de la Communauté française de Belgique, Service de la recherche, RevueFaits et Gestes, n°26, été 2008, p.9.
Mise en œuvre du jugement
Plainte/procès verbal police
Aide contrainte
Jugement, mesure
Fait qualifié infraction
Aide volontaire/ consentie
Sortie de l’AJ
Réorientation/ clôture
Si refus de l’aide ET danger grave
Juge de la jeunesse
PARQUET Ä
Tribunal de la jeunesse
Directeur de l’AJ
des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le pré-sident du Conseil général, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du Code de l’action sociale et des familles.»
Code civil, art. 375; Loi nº 2007-293 du 5 mars 2007, art. 14
f i g u r e
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SPJ
Jeune ayant commis un FQI
l’accompagnement pédagogique du jeune. Cependant, la mise en œuvre de la décision revient à nouveau à une instance sociale: le directeur de l’aide à la jeunesse (décret du 4 mars 1991, art. 33, al. 2).
Échos d’ailleurs
Le directeur associe le jeune et les parents à la mise en œuvre de la décision judiciaire, sans toutefois être tenu de recueillir l’accord des intéressés lorsqu’il prend une décision, comme c’est le cas du conseiller. Telle est la principale différence entre les fonctions de conseiller et de directeur de l’aide à la jeunesse, qui sont par ailleurs toutes deux des instances sociales relevant administra-tivement de la Communauté française de 5 Belgique .
Le directeur peut convenir avec le jeune (s’il a plus de 14 ans) et sa famille d’une autre mesure recueillant leur accord et ainsi les faire « sortir »de l’aide contrainte. Il en informe alors le tribunal qui homologue l’accord. Le législateur a ainsi voulu permettre un retour vers l’aide volontaire. Dans la pratique, cette 6 procédure est rarement utilisée.
La décision de recours à des mesures d’aide contrainte est prise pour un an. Au terme de cette année, s’il le juge nécessaire, le directeur de l’aide à la jeunesse peut demander au tribunal le renouvellement de la mesure.
En cas de péril grave pour l’enfant, le tri-bunal peut ordonner une mesure provisoire autorisant le conseiller à placer l’enfant pour une durée de 14 jours, renouvelable pour une période de 60 jours maximum, sans que ce dernier ait recueilli l’accord des parents et du jeune de plus de 14 ans (décret du 4 mars 1991, art. 39).
L’aide aux enfants victimes de maltraitance: pas d’obligation de signalement mais une obligation d’aide
À la différence de nombreux pays, il n’y a pas en Belgique d’obligation de signalement
des cas d’enfants maltraités, mais bien une 7 obligation d’aide . Le décret du 12 mai 2004 prévoit à l’article 3 que l’intervenant doit avant tout agir pour faire cesser la maltraitance:
« Comptetenu de sa mission et de sa capa-cité à agir, l’intervenant est tenu d’apporter aide et protection à l’enfant victime de mal-traitance ou à celui chez qui sont suspectés de tels mauvais traitements. Si l’intérêt de l’enfant le requiert et dans les limites de la mission de l’intervenant et de sa capacité à agir, l’aide est octroyée à sa famille ou à son milieu familial de vie. Cette aide vise à pré-venir ou à mettre fin à la maltraitance.»
Ce n’est que s’il ne peut parvenir à met-tre fin au danger que le professionnel doit informer de la situation des intervenants plus spécialisés désignés par le décret: les centres psycho-médico-sociaux (PMS) et les équipes de promotion de la santé (PSE) travaillant au sein des écoles, les Équipes SOS-Enfants (équipes pluridisciplinaires spécialisées dans le dépistage et la prise en chargedes enfants victimes de maltrai-8 tance) , ou encore le conseiller de l’aide à la jeunesse (décret du 12 mai 2004, art. 3, al. 2). Il s’agit bien d’en référer à un intervenant psycho-social spécialisé et non de faire un signalement auprès des autorités judiciaires.
Il est également prévu dans le texte que l’enfant et sa famille, dans la mesure du pos-sible, doivent être tenus informés des démar-ches effectuées. «Sauf si cela porte atteinte à l’intérêt de l’enfant, le relais dans la prise en charge doit être porté à la connaissance de l’enfant, de sa famille et de son milieu familial de vie.»
L’ensemble de ces dispositions ont été largement soutenues par les intervenants auprès des enfants maltraités et de leur famille. L’objectif est de mettre en avant l’aide à apporter à l’enfant et à son milieu fami-lial et de permettre à des parents dépassés de solliciter de l’aide plutôt que d’entrer dans une spirale de judiciarisation et de stig-matisation de la maltraitance, qui amène
5. S’ilsdépendent administrativement de la Communauté française de Belgique, conseillers et directeurs de l’aide à la jeunesse exercent leur compétence en toute indépendance (décret du 4 mars 1991, art. 35). 6. Nousne nous étendrons pas ici sur les raisons de cette situation. Voir à ce sujet Poncelet M., Misson F., Hannecart P. (éds) (2005).: entre social et judiciaireEnfants maltraités, jeunes en danger, Bruxelles, Couleur livres, coll. Détournements de fond. 7. Sanspréjudice de l’application de l’article 422 bis du Code pénal relatif à la non assistance à personne en danger. 8. Leséquipes les plus anciennes existent depuis le milieu des années 1970. Le texte confirme leurs missions.
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e n c a d r é
Échos d’ailleurs
Quelques chiffres
En 2007, en Communauté française de Belgique: £jeunes de moins de 18 ans ont fait l’objet d’une mesure de suivi dans leur milieu de vie par un16 ‰ service spécialisé, ou d’hébergement hors de leur milieu de vie, sur décision d’un conseiller de l’aide à la jeunesse, ou d’un directeur de l’aide à la jeunesse, dans le cadre d’une mesure de protection de la jeunesse (voir note); £ 8 ‰ jeunes ont bénéficié uniquement d’aide volontaire (auxquels il faut ajouter ceux qui sont directement aidés ou réorientés); £ 7,5 ‰jeunes ont fait l’objet uniquement de mesures d’aide contrainte; £moins d’un jeune sur 1 000 a vu sa si tuation passer de l’aide volontaire à l’aide contrainte (judiciari-sation) au cours de l’année 2007. Note : Lesmineurs pris en charge pour des faits de délinquance sont exclus. À ces jeunes, il faut égale-ment ajouter tous ceux qui font l’objet soit d’une réorientation vers les services de première ligne, soit d’une prise en charge directe par les travailleurs sociaux qui assistent les conseillers et les directeurs de l’aide à la jeunesse. On peut estimer à 50% les jeunes qui reçoivent une aide, mais sans être hébergés ou suivis dans leur milieu de vie par un service spécialisé.
parfois les familles en difficulté à se cacher. Cela n’empêche toutefois pas les interve-nants spécialisés d’avoir recours à la justice quand le besoin s’en fait sentir.
Conclusion Depuis 1991, l’optique choisie par la Com-munauté française de Belgique en matière d’aide et de protection de la jeunesse est de
miser pleinement sur les compétences des familles, sans pour autant sombrer dans l’angélisme. L’aide aux enfants en difficulté ou en danger se fait donc dans un cadre clai-rement balisé et respectueux des droits de chacun. Le recours à la justice, comme le retrait du milieu familial, doivent rester des solutions ultimes, même si personne ne nie qu’ils sont nécessaires dans certains cas.
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
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