Agraioi et agrioi. Montagnards et bergers : un prototype diachronique de sauvagerie - article ; n°1 ; vol.13, pg 199-236
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1987 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 199-236
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Madame Claudia Antonetti
Agraioi et agrioi. Montagnards et bergers : un prototype
diachronique de sauvagerie
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 13, 1987. pp. 199-236.
Citer ce document / Cite this document :
Antonetti Claudia. Agraioi et agrioi. Montagnards et bergers : un prototype diachronique de sauvagerie. In: Dialogues d'histoire
ancienne. Vol. 13, 1987. pp. 199-236.
doi : 10.3406/dha.1987.1757
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1987_num_13_1_1757DHA 13 1987 199-236
AGRAIOI ET AGRIOI
Montagnards et bergers : un prototype
diachronique de sauvagerie *
Claudia ANTONETTI
Institut d'Histoire ancienne
Université de Padoue (Italie)
grec agros. Histoire. Géographie I. AGRAIOI. Le
historique.
"La montagne est bien cela : une fabrique d'hommes à
l'usage d'autrui ; sa vie diffusée, prodiguée nourrit l'histoire
entière de la mer. Peut-être même Га-t-elle fabriquée, cette
histoire, à ses origines ; car la vie montagnarde semble bien avoir
été la première vie de la Méditerranée dont la civilisation, tout
comme celle du Proche Orient et de l'Asie centrale, recouvre et
dissimule mal des assises pastorales, qui évoquent un monde
primitif de chasseurs et d'éleveurs, une vie de transhumance et de
nomadisme avec, de-ci, de-là, quelques cultures hâtives sur
brûlis. Vie liée aux hauts pays, très tôt aménagés par les hommes
(1)".
Les tribus indo-européennes qui envahirent l'Hellade
vivaient d'abord de l'élevage des troupeaux et de la pratique de la
chasse. Ce trait se reflète dans la structure et l'histoire du
vocabulaire, comme l'indique, entre autres, une étude de P.
Chantraine sur quelques dérivés du verbe ago, notamment agros,
et sur le vocabulaire grec de la chasse (2). 200 CLAUDIA ANTONETTI
Le terme indo-européen *agro- désignait la campagne en
friche, un terrain de parcours, le champ en jachère où l'on mène
les bêtes. Cette même valeur sémantique se trouve confirmée dans
le grec agros par ses emplois qui l'opposent à la "ville" et à la
"maison", en tant qu'"espace libre", où l'on ne cultive pas. Agros
est, comme agele, un vieux terme du vocabulaire pastoral, dont la
signification précise tend à s'effacer, probablement dès l'époque
homérique (3). Par un développement secondaire, l'importante
famille des dérivés ďagros (cf. agroteros, agrios ) s'est trouvée
en contact avec ceux ďagra - ternie ancien, mais qui ne s'insère
pas dans le vocabulaire indo-européen de la chasse - et elle en a
été influencée (4). Un certain nombre de termes participent de la
contamination entre agros et agra , tels agrotes et surtout agreus,
qui se rapporte nettement à la notion d'"attraper un gibier", sauf
dans le cas de l'épithète d'Apollon, où "Agreus peut évoquer la
famille ďagros (5)". A ce propos P. Chan traîne donne l'exemple
de l'Apollon Agraios de Mégare, (6), connu par le témoignage de
Pausanias (7).
Il paraît donc clair qu'il faut considérer Agraios de la même
manière qu' Agreus et que celui-ci est une épithète qui "se situe
dans un milieu rustique de bergers (8)", comme le démontre le
type particulier des dieux ou héros qu'elle qualifie : Aristée,
Apollon, Hermès, Pan, envisagés tous comme pasteurs (9).
Ce que je n'ai pas vu apparaître, dans ces études, c'est la
mention des Agraioi, le seul peuple grec qui, à ma connaissance,
ait manifesté, dans son propre ethnique, l'ensemble des caractères
ruraux, propres au monde des bergers et des chasseurs
qu'indique le croisement entre les dérivés ďagros et ďagra .
L'existence d'un nom de peuple qui, à l'origine, devait
s'identifier avec "l'homme de Vagros, berger transhumant,
presque nomade - car dans Vagros on ne réside pas, on se
déplace constamment - (10)" est du plus haut intérêt historique et
anthropologique (11).
Mais, face à ce portrait, quelle est la position des Agréens
historiques ? Si leur nom évoque tant de suggestions, leur histoire
est décevante : il s'agit d'un petit ethnos , généralement considéré
comme étolien, situé au N/O de l'Etolie, à la frontière avec les
Acarnaniens, Amphilochiens et Athamaniens. Ils vivaient sur un
territoire peu étendu, qui devait comprendre la rive droite de
l'Achéloos un peu au N de Stratos (12) et la zone entre ce fleuve
et l'Inachos, jusqu'à l'arrière-pays de l'acarnanienne Limnée DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 201
(mod. : Amphilochie) et d'Argos d'Amphilochie (13).
On ne connaîtrait presque rien de ce peuple, si Thucydide
n'y avait fait quelques allusions dans les livres III et IV, qui
décrivent l'offensive d'Eurylochos en Amphilochie en 426 (14) et
les campagnes successives de Démosthène à Naupacte et en
Acarnanie (15). A part la localisation générale du pays des
Agréens, les autres informations qu'on tire du récit de Thucydide
sont très pauvres : ils avaient un roi {basileus ), appelé Salynthios
(16), qui jouait apparemment un rôle politiquement autonome,
face aux Etoliens et aux Acarnaniens, dans ces événements de la
Guerre du Péloponnèse. Il passa de l'alliance philo-athénienne
avec les Acarnaniens à l'alliance avec les Lacédémoniens,
changement qui lui valut une expédition de représailles athénienne
et, après, la participation forcée à la campagne béotienne, avec le
débarquement ruineux à Sicyone (17).
Les Agréens, indépendants au Ve siècle, paraissent, au
cours du IIIe, faire partie du koinon étolien, au sein duquel ils
jouissent d'une certaine autonomie, comme le démontre le texte
de l'alliance entre Etoliens et Acarnaniens de 263/2 (18), où les
Agréens sont directement concernés par le partage des enclaves
du Pras et de la Demphis avec leurs voisins acarnaniens de
Stratos(19).
C'est peut-être en vertu de l'annexion de l'Agraïde (ou
Agraia ) à l'Etolie, dont on ne connaît pas la date précise, que
Strabon (20) et Etienne de Byzance (21) citent les Agréens
comme etoliens, et comme étolienne la коте d'Ephyre, qui se
trouvait dans leur territoire. Cette Ephyre, dont quelqu'un a voulu
nier l'existence (22) et qui n'a jamais été localisée, est le seul
toponyme connu pour le pays des Agréens, si l'on excepte Pras
et Demphis, les territoires contestés dans le différend frontalier
avec les Acarnaniens, et le Mt. Thyamos, qui se trouvait à la
limite méridionale du pays (23). Il permettait de contourner vers
ГЕ l'étroit défilé de Limnée par une ligne de crête reliée au
Makrinoros (24).
L'importance de l'Agraïde était donc celle, éminemment
stratégique, de posséder cette voie de crête, qui pouvait mettre en
communication la région d'Ambracie et d'Amphilochie avec la
plaine centrale étolo-acarnanienne. En même temps, elle contrôlait
le tronçon de Chalkiopouli à Triklinon de la voie continentale qui
reliait l'Amphilochie à la vallée du Spercbeios. Les Agréens
détenaient le gué sur l'Inachos et peut-être celui sur l'Achéloos de
ce chemin difficile, plus important au point de vue commercial 202 CLAUDIA ANTONETTI
que militaire (25).
La région des Agréens, en effet, qui n'est pas très élevée,
relie la haute montagne avec la mer (l'intérieur étolien avec le
golfe d'Ambracie), en coupant les courbes de niveau dans le sens
E/0. En même temps, elle fait communiquer la montagne (Mt. du
Valtos) avec la plaine étolo-acarnanienne, en suivant les bassins
de drainage des fleuves (Inachos, Achéloos) dans le sens N/S. Il
s'agit donc d'une zone de passage pour les migrations
préhistoriques, qui suivaient plutôt les lignes de crête du relief
(26), aussi bien que pour les invasions - migrations historiques,
surtout dans le cas de déplacement de grandes masses de
population, qui cherchaient à suivre les bassins de drainage des
fleuves, au lieu de les couper (27).
Cependant, le passage dans l'Agraïde n'était pas du tout
facile : même si le pays n'est pas des plus hauts, c'est un véritable
labyrinthe de sommets, qui arrêtent la vue et bloquent le transit
avec

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