Apprendre à vivre en exil : les réfugiés chiliens en Suisse - article ; n°2 ; vol.5, pg 133-144
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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 1989 - Volume 5 - Numéro 2 - Pages 133-144
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claudio Bolzman
Apprendre à vivre en exil : les réfugiés chiliens en Suisse
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 5 N°2. pp. 133-144.
Citer ce document / Cite this document :
Bolzman Claudio. Apprendre à vivre en exil : les réfugiés chiliens en Suisse. In: Revue européenne de migrations
internationales. Vol. 5 N°2. pp. 133-144.
doi : 10.3406/remi.1989.1024
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1989_num_5_2_1024133
Revue Européenne
des Migrations Internationales
Volume 5 - N° 2 - 1989
Apprendre à vivre en exil :
les réfugiés chiliens en Suisse (l)
après « indécis incertain Bien d'imprécises après, de de mes contrées... domaines, distances, »
(Pablo Neruda)
Claudio BOLZMAN
PROBLÉMATIQUE
Notre propos dans cet article est de comprendre quelle est la situation d'un
groupe de réfugiés (2) originaires d'Amérique latine en Suisse. Nous cherchons à
connaître les principales difficultés qu'ils rencontrent dans la nouvelle société, quels
sont les moyens dont ils disposent pour y faire face et comment ils mobilisent ces
moyens pour recréer ou construire de nouvelles formes de vie quotidienne.
La construction d'une nouvelle vie quotidienne est un processus complexe
dans lequel le migrant doit non seulement se situer par rapport à la société d'ac
cueil, mais doit également redéfinir, à distance, ses liens avec le pays d'origine. Il
doit trouver une articulation entre sa double condition d'exilé par rapport au pays
d'origine et de réfugié par rapport à la société de résidence. La manière dont les
acteurs sociaux négocient cette double référence dans leur vie quotidienne dépend
d'une série de facteurs. Parmi ceux-ci nous en évoquerons principalement deux : le
rapport à l'engagement politique d'une part, et le type de formation et de trajec
toire professionnelle d'autre part. Nous pensons que, dans le cadre d'un exil des
militants, l'identification avec un projet politique constitue un facteur essentiel
dans les types de rapports que les réfugiés vont établir avec la nouvelle société et les liens conservés avec la société d'origine. Mais, si un groupe de migrants
politiques peut se présenter, dans un premier temps, comme une unité plus ou
moins homogène du fait du partage d'un certain nombre de valeurs et d'une
idéologie, à long terme l'existence de divers facteurs dissociateurs, comme les
appartenances sociales diverses, peut conduire à l'existence d'une pluralité de
modes de construction de la vie quotidienne en exil. Claudio BOLZMAN 134
Durant les années 1983-1984 nous avons réalisé environ soixante-dix entre
tiens en profondeur avec 57 familles chiliennes résidant à Genève. Nous présentons
ici, à partir de l'analyse de ces entretiens, une typologie des formes de construction
de la vie quotidienne en situation d'exil (3).
LES RÉFUGIÉS CHILIENS EN SUISSE
Selon les statistiques officielles, environ 30 000 réfugiés reconnus vivent
actuellement en Suisse. Le gouvernement a octroyé l'asile à près de 1 800 Chiliens,
dont la grande majorité réside depuis plus de 8 ans en Suisse. La communauté
chilienne en exil est la plus nombreuse des réfugiés du « Tiers Monde », après la
vietnamienne. A Genève vivent près de 700 Chiliens : le nombre de réfugiés statu
taires est d'environ 300, auxquels il faut ajouter quelques dizaines de « réfugiés de
facto », qui n'ont pas demandé ou n'ont pas reçu l'asile mais qui ont été autorisés à
résider dans ce canton et plusieurs dizaines de personnes qui attendent, parfois
depuis plusieurs années, une réponse des autorités à leur demande d'asile.
Les exilés chiliens à Genève forment ainsi une petite communauté dans un
canton de 350 000 habitants où environ 30 % de la population est étrangère. La
population chilienne exilée est caractérisée par une distribution homogène par
couches sociales. On trouve autant d'ouvriers et d'employés subalternes que de
cadres moyens et d'universitaires (4).
LA PREMIÈRE PÉRIODE D'EXIL :
DÉRACINEMENT ET POLITISATION
Selon nos entretiens, la première période d'exil est vécue de manière semblab
le par les interviewés. Le séjour en Suisse est perçu comme provisoire, en attente
d'un changement politique au Chili. Mais, les nouveaux venus sont confrontés à
une série de problèmes pratiques. L'insertion sur le marché de l'emploi est difficile :
les exilés commencent leur vie professionnelle en Suisse en réalisant des travaux
qui ne correspondent pas à leurs qualifications et les étudiants ont des difficultés
pour obtenir la reconnaissance de leurs études précédentes et poursuivre leur
formation. Des problèmes linguistiques, des malentendus avec les représentants
des institutions locales, le sentiment d'étrangeté face au nouvel environnement
ainsi que le souvenir encore très présent des situations dramatiques que l'on vient
de vivre dans le pays d'origine, rendent cette première période d'exil particulièr
ement difficile.
Outre le besoin de trouver des solutions aux problèmes concrets qui se posent
dans la nouvelle société, l'action militante, de solidarité avec le Chili crée un lien de
continuité avec le passé et joue un rôle fondamental pour l'identité personnelle et
collective. La plupart des activités extra-professionnelles se déroulent à l'intérieur
de la communauté exilée et sont orientées vers le pays d'origine. Pour beaucoup, il
s'agit d'une période où le temps est rythmé par les réunions, les manifestations et
les meetings de soutien. La solidarité permet le regroupement des exilés, en fonc
tion des affinités politiques, et permet également un contact avec les milieux suisses :
Apprendre à vivre en exil les réfugiés chiliens en Suisse 135
qui soutiennent leur action. Dans cette première période, l'intérêt pour ce qui se
passe dans la société suisse est faible et dans certains cas, on assiste à des réactions
de rejet ; en même temps on note une certaine idéalisation du passé au Chili (5).
Cependant, au fur et à mesure que la vie quotidienne tend à se stabiliser dans
un « provisoire qui dure », la plupart des interviewés constatent une dissociation
entre leurs activités politiques, essentiellement tournées vers le pays d'origine, et
d'autres dimensions de leur vie quotidienne, dont les activités professionnelles. Ce
phénomène est nouveau pour beaucoup d'entre eux. En effet, la vie quotidienne au
Chili était structurée et prenait sens à travers l'engagement politique. La dissocia
tion en exil de ces différents aspects de l'existence peut poser un problème aux
exilés. Dans la mesure où les changements que l'on attend dans le pays d'origine
tardent à se produire, on doit reconsidérer la perspective temporelle et envisager de
vivre encore plusieurs années en Suisse. De plus, la diminution du soutien des
secteurs suisses solidaires à l'opposition chilienne conduit à un rétrécissement du
champ d'influence du groupe, à un repli sur elle-même de la communauté exilée et,
parfois, à l'accentuation des tensions ; en particulier l'extrême politisation et le
formalisme des rapports sociaux (6) rend difficiles les relations sur d'autres plans
(relations interpersonnelles, sociabilité). Ces phénomènes amènent certains à
s'éloigner de la communauté, ou à créer à l'intérieur des réseaux informels ou des
associations dont le but principal n'est pas l'action politique ou la solidarité, mais
les loisirs et la sociabilité.
QUELQUES REPÈRES CONCEPTUELS
On observera ainsi l'émergence d'une pluralité de façons de se situer face au
politique et de négocier le rapport aux deux sociétés de référence. Nous présentons
plus loin certaines de ces stratégies identitaires qui conduisent à de nouvelles
manières d'envisager la vie quotidienne. Ces dernières sont le résultat des
contraintes de la situation, des ressources dont on dispose pour faire face à celle-ci
et des dispositifs d'organisation et de mobilisation de ces ressources à

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