Captivité et pouvoirs dans l ancien royaume de Ouagadougou à la fin du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.19, pg 191-204
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Captivité et pouvoirs dans l'ancien royaume de Ouagadougou à la fin du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.19, pg 191-204

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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1993 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 191-204
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Monsieur Maurice Bazemo
Captivité et pouvoirs dans l'ancien royaume de Ouagadougou à
la fin du XIXe siècle
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 19 N°1, 1993. pp. 191-204.
Citer ce document / Cite this document :
Bazemo Maurice. Captivité et pouvoirs dans l'ancien royaume de Ouagadougou à la fin du XIXe siècle. In: Dialogues d'histoire
ancienne. Vol. 19 N°1, 1993. pp. 191-204.
doi : 10.3406/dha.1993.2081
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1993_num_19_1_2081DHA 19,1 1993 191-204
CAPTIVITE ET POUVOIRS
DANS L'ANCIEN ROYAUME DE OUAGADOUGOU
À LA FIN DU XIXe SIÈCLE
Maurice BAZEMO
Université de Ouagadougou
Si dans leur ensemble, les royaumes moose ont fait l'objet de
multiples études, celui de Ouagadougou a surtout retenu l'attention
des historiens. Des études dont il a fait l'objet, il ressort que les
mentions relatives aux captifs sont nombreuses, mais éparses. Notre
travail se veut alors comme une synthèse qui mette davantage en
relief l'importance de l'élément captif dans le fonctionnement tant
économique que politique de ce royaume.
L'importance qu'avait connue la captivité était due à un
certain nombre de facteurs :
- la position géographique du royaume,
- son état économique,
- le régime politique.
C'est la conjugaison de ces facteurs qui avait permis un pouvoir
économique aux yarse et une force militaires aux rois. 192 Maurice Bazemo
I. GENÈSE DU ROYAUME DE OUAGADOUGOU
Selon la tradition communément admise, c'est au XVe siècle
que les Moose ont émigré du Dagomba (Nord du Ghana actuel) pour
occuper le centre du Burkina Faso.
Intrépides guerriers, ils n'eurent pas de peine à s'imposer aux
autochtones, ces populations d'agriculteurs de la savane peu rompues
au métier des armes. Ainsi fut fondé le noyau du royaume de
Ouagadougou.
Autour de Ouagadougou, avec ses guerriers, Oubri devait créer
le plus vaste des royaumes moose en intervenant comme arbitre dans
les conflits locaux, en éliminant ceux qui refusaient sa tutelle, en
nouant des relations matrimoniales et politiques 1.
Ils refoulèrent les autochtones du centre : ainsi les Gurunsi
furent repoussés vers le Sud et l'Ouest, les Nyonyonse vers le Nord.
Les successeurs d'Oubri devaient travailler à étendre le royaume
vers le Nord-Ouest et le Sud au détriment des populations
dépourvues d'organisation militaire.
Le royaume de Ouagadougou était, lui, doté d'une organisation
militaire telle qu'il avait peu subi l'hémorragie de la traite
négrière. C'était une zone de sécurité, comme cela ressort des rapports
des explorateurs qui l'avaient parcouru avant sa conquête par les
Français en 1896 : Binger, Crozat, Monteil et Tauxier.
L'organisation socio-politique du royaume comprenait une
structure militaire dont le commandement était confié à un ministre
de la guerre. Cette armée avait comme force de frappe la cavalerie,
dont les besoins en chevaux devaient influencer le phénomène de la
captivité.
IL LA VIE ÉCONOMIQUE
A. L'agriculture
En 1888 Binger avait écrit : "Ce pays pourrait être riche ; sa
population est très dense (environ 20 habitants au km2). On peut dire
qu'à part l'élevage des ânes et du bétail, le pays moose ne produit
pas grand'chose. Il était tributaire de ses voisins pour tout... 2". Et
plus loin il ajoute : "le pays n'est pas prospère... 3".
1. Kl ZERBO, p. 249.
2. BINGER, p. 501.
3. Ibid., p. 505. D'HISTOIRE ANCIENNE 193 DIALOGUES
C'était un pays essentiellement agricole. Les paysans ne
produisaient que pour la subsistance ; ce que l'explorateur a noté en
ces termes : "les Moose se reposent, cultivent ce qui est nécessaire pour
vivre mais pas plus... 4". Si la production agricole ne retient pas
l'attention, il faut noter que l'activité commerciale avait connu un
certain dynamisme grâce aux Yarse.
B. L'avtivité commerciale
Bl. L'importance de la situation géographique du royaume
La zone occupée par les Moose était, dans son ensemble, un
carrefour des routes commerciales reliant les zones forestières du Sud
(Ghana et Côte d'ivoire) aux zones sahéliennes (Djenné et
Tombouctou), régions d'entrepôts du sel de Taoudeni.
Ouagadougou, capitale du royaume, est située sur ce qui était
le grand axe commercial reliant Tombouctou (Mali) à Salaga
(Ghana). Dès le Moyen-âge, l'Afrique occidentale a été en contact
avec le monde extérieur, notamment le monde arabe, et cela, par les
pistes transahariennes. Par celles-ci, elle était approvisionnée en
sel, cuivre, perles, manuscrits arabes.
B2. Le commerce et la place du captif
Par sa position de carrefour, Ouagadougou avait connu une
intense activité commerciale animée surtout par les Yarse. L'étude
déjà réalisée par Assimi Kouanda à propos de ce groupe montre
suffisamment le rôle économique qu'il a joué dans l'empire de
Ouagadougou 5. S'ils apparaissent dans notre travail, c'est compte
tenu de la place qu'occupait la captivité dans leur commerce.
Leur installation dans le royaume remonterait au XVIe siècle 6,
date qui correspond à l'affirmation de la puissance. Il y régnait une
sécurité favorable aux entreprises des marchands. Grâce aux Yarse,
le royaume devait s'ouvrir au Nord sahélien et au Sud forestier.
Dans cette circulation des biens, le captif avait une place en tant que
marchandise.
La principale monnaie d'échange dans la région était jusqu'à
la colonisation les cauris, ces coquillages péchés dans l'Océan Indien.
4. Ibid., p. 501.
5. Cf. sa thèse : Les Yarse : fonction commerciale, religieuse et légitimité
culturelle dans le pays moaga (évolution politique), thèse 3e cycle,
Paris 1, 1984.
6. Ibid., p. 125. ■
i

194 Maurice Bazemo
ROUTES COMMERCIALES RELIANT LE ROYAUME DE OUAGADOUGOU A L'EXTERIEUR
Iv'.WVJ j Ethnies fournissant LEGENDE 1 ::й Gurunssi
ghazza
^Taoudeni r—— pi Routes commerciales^ relia nt l'empire mos.se ]A~*"^\ de Ouagadougou à l'e> térleur
1 Л , 0 50 lOOKm У~~<—\ Cours d eau 1 ■ ■ '
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GHANA/ /TOGO \ BENIN
COTE D'IVOIRE1
Réalisateur: BAZEMO M. Dessin: DABIRE E. , и.о. DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 195
Vu l'éloignement du pays moaga de cette zone, il ne
connaissait pas une masse importante de cette monnaie. A ce manque,
on suppléa par des captifs.
La razzia était le principal moyen d'acquisition des captifs.
La situation géographique du royaume avait favorisé l'utilisation
de cette méthode. En effet dans le voisinage habitaient des
populations dont l'organisation politique ne leur permettait pas
d'être à l'abri des attaques des Moose. Il s'agissait de populations à
organisation lignagère. Ainsi les Bissa au Sud-Est, les Gurunsi au Sud
et au Centre-Ouest, étaient des proies à la portée des troupes moose.
L'appellation "gurunsi" (singulier = gurunga) par laquelle les
Moose désignaient leurs voisins du Sud et du Centre-Ouest, s'expli
quait par la captivité. Terme à contenu péjoratif, il était utilisé pour
traduire la distance culturelle que les Moose percevaient entre eux et
leurs voisins chez lesquels ils allaient s'approvisionner en captifs.
Par ce terme, ils disqualifiaient leurs voisins au motif qu'ils
ignoraient le pouvoir monarchique qui était sacré, garant de l'ordre,
par conséquent source de vie communautaire, et qu'ils étaient des
incirconcis, donc incarnation de l'impur. La pratique discursive n'est
jamais neutre. Elle est chargée d'implications idéologiques qui ne
manquent pas de rapport avec les préoccupations économiques. Ici il
s'agissait de l'acquisition des captifs. Cela nous permet de vérifier
l'observation de Claude Meillassoux qui note : "pour marquer la
distance sociale, les sociétés esclavagistes donnent généralement aux
populations pillées un nom générique qui ne leur appartient pas 7".
Ainsi pour les Moose de la fin du XIXe siècle, gurunsi signifiait
captif.
La guerre chez les Moose était menée non seulement pour tenir
les voisins en respect, mais surtout pour le tribut 8 qui comprenait les
captifs et le bétail.
Vu la valeur d'usage et la valeur d'échange du captif, il était
le produit

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