Causes des fautes d orthographe - article ; n°1 ; vol.20, pg 97-110
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Causes des fautes d'orthographe - article ; n°1 ; vol.20, pg 97-110

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Description

Langue française - Année 1973 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 97-110
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 64
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Edmond Jung
Causes des fautes d'orthographe
In: Langue française. N°20, 1973. pp. 97-110.
Citer ce document / Cite this document :
Jung Edmond. Causes des fautes d'orthographe. In: Langue française. N°20, 1973. pp. 97-110.
doi : 10.3406/lfr.1973.5658
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1973_num_20_1_5658Edmond Jung, Lycée de Bouxwiller.
CAUSES DES FAUTES D'ORTHOGRAPHE
Un humoriste trouvait que les Français avaient trois sports natio
naux : le ménage à trois, la pagaille (pagaïe? pagaye?) et la querelle de
l'orthographe; et Pierre Daninos estimait que simplifier l'orthographe
était priver les Français d'un de leurs plus sains loisirs. Le fait que la
complication de l'orthographe suscite des attitudes de révolte et de
réforme, alors qu'il n'en est pas de même des mathématiques, semble
montrer a priori que les difficultés sont d'un autre ordre. Les mathématiques
sont de l'abstraction et de la pure logique, et les mathématiques modernes
sont même de la logique pure, de l'étude des structures, applicable aux
nombres et aux figures aussi bien qu'aux divers domaines de l'observé,
particules, mécanismes, organismes, sociétés et... langages. L'orthographe
au contraire, spécialement la française (et l'anglaise), est apparue, pendant
longtemps, comme une discipline d'autorité, où tel mot s'écrit ainsi parce
« c'est comme ça » (surtout dans les petites classes) et où les tentatives de
raisonnement logique risquaient de faire faire presque autant de fautes
qu'elles n'en évitent.
Et pourtant, semble-t-il, le raccord avec la logique formelle moderne
doit être facile à faire : dans les écritures alphabétiques où le principe
est de noter, non la signification des mots comme dans les écritures
idéogrammatiques, mais les sons émis, au moyen des lettres, la graphie
devrait être une application, autant que possible bijective, des éléments
de l'ensemble P (phonèmes) dans ceux de l'ensemble G (graphèmes).
Les écarts à partir de ce principe constituent proprement la pathologie
de l'orthographe. Quant au fait que les écritures complexes constituent
un retour aux idéogrammes, c'est une illusion : l'enfant ou l'étranger
épellent en effet les mots avant de les lire, même les plus aberrants; et
si l'adulte lit sans hésiter /m(ô)sjô/ pour monsieur ou /stèl/ pour cheptel
ou /brôj / pour Broglie, il s'agit de réflexes conditionnés dus à une longue
97
LANGUE FRANÇAISE, № 20 7 éducation et valables souvent pour des cas d'espèce; et d'ailleurs, même
dans ces cas extrêmes, la moitié au moins des phonèmes correspondent
de façon parfaitement régulière aux graphèmes qui les représentent.
Toute réflexion sur l'orthographe doit donc partir de l'application de P
dans G, et se demander pourquoi, à la place d'une application bijective,
on a souvent à peine une fonction, en d'autres termes, quels sont les vices
du système qui expliquent que l'on commet tant de fautes.
I. Causes relevant du sujet écrivant.
Pendant longtemps on a considéré que la déficience orthographique
était le signe de la bêtise par excellence : passe encore qu'on commette
des erreurs en calcul ou qu'on ait des difficultés dans un problème; mais
écrire en faisant des fautes était considéré presque comme l'équivalent
de ne pas savoir écrire; et, comme l'expression écrite était assimilée un
peu rapidement aussi bien à la langue nationale qu'à la littérature (sur
la foi d'une phrase de Sainte-Beuve à laquelle on eut vite fait de donner
une interprétation absolue), la faute d'orthographe tenait un peu à la fois du
crime de haute trahison et de la bestialité. Or, comme l'orthographe pouvait
s'apprendre, par la mémoire visuelle, la répétition, la dictée, la déficience
orthographique se ramenait essentiellement à un manque de docilité
que maîtres et parents réduisaient par des exercices, des dictées supplé
mentaires, des punitions écrites ou des châtiments corporels. Il a fallu
les progrès de la pathologie pour découvrir que la dysorthographie existe,
et que ce sont les causes de la faiblesse en orthographe qu'il faut soigner,
non ses symptômes.
Il convient cependant de ne pas verser dans l'excès inverse et déclarer
tous les écarts à la norme graphique, graves ou anodins, comme des
malédictions dont un système tyrannique et arbitraire accable de malheu
reux enfants sans défense. Le problème est d'une complexité qui fait
éclater très vite tous ces schématismes, et la notion de dysorthographie
elle-même recouvre plusieurs concepts qu'à notre sens il s'agit de distin
guer.
a) La dysorthographie vraie est celle qui donne bien, approximative
ment, les lettres correspondant aux sons entendus, mais dans le désordre,
la graphie comprenant des inversions, des omissions, des répétitions :
tout se passe comme si le sujet avait des difficultés pour la succession des
divers graphèmes (de même que la dyslexie vraie, qui lui est souvent
associée, consiste dans une mauvaise succession dans l'articulation des
graphèmes identifiés). De telles déficiences se maintiennent parfois de
façon tenace chez des élèves par ailleurs satisfaisants et parfois doués
(le plus fréquemment, semble-t-il, en mathématiques, c'est-à-dire dans
l'exercice de la logique) et qui ont dû redoubler à cause de cette discipline
fondamentale. Cette forme de dysorthographie a comme cause une per
turbation de la perception spatio-temporelle, de la direction et de la
98 succession des objets dans l'espace, et du sens du rythme, c'est-à-dire de
la régulière dans le temps; et de très bons résultats ont été
obtenus dans des cours de rééducation où, par le mouvement et la danse,
enseignés de façon rationnelle et analytique, on rétablissait la sensation
de l'organisation de l'espace-temps, suffisamment pour que le réajust
ement de la succession des sons et des lettres dans la lecture et l'écriture
puissent se refaire de façon relativement aisée.
Peut-on aller plus loin et considérer cette perturbation à son tour
comme un symptôme dont les causes sont plus profondes? Une part
non négligeable de ces dysorthographiques est formée de gauchers, souvent
contrariés, et la tentation de l'exécution manuelle en sens contraire de
ce qu'exécute normalement la main droite, que commande la moitié
gauche du cerveau, est d'autant plus grande que la moitié droite du
cerveau, qui commande la main gauche, est plus développée et plus
autonome. Il convient également, surtout si l'enfant possède d'autres
traits particuliers que révèlent son comportement, ses dessins, ses jeux,
de chercher à déterminer si la perturbation de la sensation est due à un
refoulement, et si possible lequel. Enfin il est sans doute utile de faire le
raccord entre de tels cas et des cas de cécité verbale, où le malade sait
distinguer les lettres mais est hors d'état d'y reconnaître des mots que
pourtant il utilise quotidiennement, et avec l'agraphie, où le sujet,
sachant produire les signes graphiques isolés, est hors d'état de les assemb
ler de sorte à produire les mots qu'il voudrait écrire ou qu'on lui demande
d'écrire, et qu'il connaît bien. Une étude comparative de ces dysgraphies
et des aphasies, du moins de certains types, pourrait être révélatrice.
b) D'autres formes de dysorthographie viennent de déficiences des
organes des sens. Des troubles visuels peuvent amener à confondre,
au moment de l'apprentissage, les tracés de diverses lettres. Mais ce
sont surtout les troubles de l'audition qui peuvent jouer de façon déter
minante : des scotomes, c'est-à-dire des zones de perception nulle ou
nettement insuffisante sur certaines hauteurs tonales, peuvent perturber
la perception normale des phonèmes; et c'est le cas pour les consonnes
encore plus que pour les voyelles, parce que, comme l'apprennent les
traités de phonétique, leur bruit d'explosion et leur « locus » se situent
souvent dans les fréquences élevées (dans les 3 000 cycles sur seconde)
et que, même pour le sujet normal, ce sont les premières centisecondes

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