Cheminots majorés et cheminots guenillards en Tunisie jusqu en 1938. - article ; n°1 ; vol.24, pg 171-205
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Cheminots majorés et cheminots guenillards en Tunisie jusqu'en 1938. - article ; n°1 ; vol.24, pg 171-205

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Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1977 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 171-205
L'histoire du mouvement ouvrier en Tunisie a déjà fait l'objet d'importantes recherches, cependant, elle gagne à être abordée non seulement au niveau des états-majors et des idéologies, ou à l'occasion des temps forts, mais par en bas. Faute d'une vue synthétique suffisante, l'analyse des principales corporations est indispensable. Les cheminots s'imposent, en raison de leur nombre, de leur importance dans la vie économique et de la stricte répartition raciale des salaires et de la hiérarchie.
Ce sont d'abord les Français qui s'organisent, sans guère se préoccuper des indigènes. Mais, lentement et dans une dialectique complexe entre leur appartenance i la communauté tunisienne et leur condition, ceux-ci développent des revendications spécifiques, dont la principale est l'égalité avec les majorés. II reste — et c'est bien le problème majeur — que les ruptures avec le syndicalisme colonial ne débouchent pas sur un syndicalisme national viable au moins jusqu'en 1946.
The history of the workers' movement in Tunisia has already been the subject of considerable research. It would, however, be useful to reconsider the facts from the point of view of the rank and file; until now, ideed, analysts have prefered to cocentrata on trade-union executive bodies, prevailing ideologies and peak periods of activism. The lack of a satisfactory synthesis renders an analysis of the major Tunisian trade-guilds indispensable. The railway workers emerge as the most important in view of their number and major role in economic life. Furthermore, there union is characterized by a strict allocation of salary benefits and promotions in terms of racial criteria.
The French workers, who were the first to organize, worried very little about their native colleagues. Yet, the latter, torn between their membership of the Tunisian community and their professional status, slowly developped specific demands. The most important of these was equal footing with French workers. Nonetheless — and this indeed was the major problem — the breakfast-offs with colonial trade-unionism did not suscitate a viable national movement until at least 1946.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 78
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

C. Liauzu
Cheminots majorés et cheminots guenillards en Tunisie jusqu'en
1938.
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°24, 1977. pp. 171-205.
Citer ce document / Cite this document :
Liauzu C. Cheminots majorés et cheminots guenillards en Tunisie jusqu'en 1938. In: Revue de l'Occident musulman et de la
Méditerranée, N°24, 1977. pp. 171-205.
doi : 10.3406/remmm.1977.1425
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1977_num_24_1_1425Résumé
L'histoire du mouvement ouvrier en Tunisie a déjà fait l'objet d'importantes recherches, cependant, elle
gagne à être abordée non seulement au niveau des états-majors et des idéologies, ou à l'occasion des
temps forts, mais par en bas. Faute d'une vue synthétique suffisante, l'analyse des principales
corporations est indispensable. Les cheminots s'imposent, en raison de leur nombre, de leur importance
dans la vie économique et de la stricte répartition raciale des salaires et de la hiérarchie.
Ce sont d'abord les Français qui s'organisent, sans guère se préoccuper des indigènes. Mais,
lentement et dans une dialectique complexe entre leur appartenance i la communauté tunisienne et leur
condition, ceux-ci développent des revendications spécifiques, dont la principale est l'égalité avec les
majorés. II reste — et c'est bien le problème majeur — que les ruptures avec le syndicalisme colonial
ne débouchent pas sur un syndicalisme national viable au moins jusqu'en 1946.
Abstract
The history of the workers' movement in Tunisia has already been the subject of considerable research.
It would, however, be useful to reconsider the facts from the point of view of the rank and file; until now,
ideed, analysts have prefered to cocentrata on trade-union executive bodies, prevailing ideologies and
peak periods of activism. The lack of a satisfactory synthesis renders an analysis of the major Tunisian
trade-guilds indispensable. The railway workers emerge as the most important in view of their number
and major role in economic life. Furthermore, there union is characterized by a strict allocation of salary
benefits and promotions in terms of racial criteria.
The French workers, who were the first to organize, worried very little about their native colleagues.
Yet, the latter, torn between their membership of the Tunisian community and their professional status,
slowly developped specific demands. The most important of these was equal footing with French
workers. Nonetheless — and this indeed was the major problem — the breakfast-offs with colonial
trade-unionism did not suscitate a viable national movement until at least 1946.CHEMINOTS MAJORÉS ET CHEMINOTS GUENILLARDS
EN TUNISIE JUSQU'EN 1938
PAR
CLAUDE LIAUZU
La Tunisie est le pays du Maghreb où se développe le mouvement ouvrier national
le plus précoce. On n'a pas de mal â en discerner les raisons. L'unité du prolétariat,
affirmée par l'Union Départementale de la C.G.T. française, ne résiste pas aux réali
tés. Chaque grande corporation est un microcosme colonial avec ses Français majorés
et ses «guenillards». Celle où les rivalités pour l'emploi, les inégalités de salaire et
de statut, les conflits de mœurs fournissent la charge la plus explosive est sans doute
le monde du rail.
C'est pourtant là que la C.G.T .T. de 1924, celle de 1937 et l'U.G.T.T. auront
le plus de peine â s'implanter.
La richesse exceptionnelle de la documentation permet une étude monographique
de la condition des cheminots, des contradictions de l'action syndicale et donne quel
ques renseignements sur le cheminement d'une conscience ouvrière tunisienne.
Le réseau des chemins de fer, pratiquement inexistant au début du Protectorat,
puisqu'il ne comportait que la ligne de banlieue vers la Marsa et une partie de celle
de la Medjerdah, est presque achevé dès avant la première guerre. L'ensemble atteint
en 1930, 545 kms de voie normale et 2.088 de voie étroite.
L'exploitation en est concédée à la Compagnie du Bône-Guelma, qui deviendra
la Compagnie Fermière des chemins de fer tunisiens et la Compagnie du Sfax-Gafsa.
Le capital des sociétés de transport par route et par voie ferrée est estimé en 1934
à 298,7 millions de francs, chiffre inférieur â la réalité, car il n'a pas toujours été
réévalué en fonction des crises monétaires.
Capital investi en 1929 par
La C.F.T 30 millions de francs et 200 millions d'obligations
La C.T.T 12 de francs et 4
La S.T.T.A.S 1 million de francs
La Tunisienne Automobile 0,5 de
La Sfax-Gafsa 18 millions de francs â l'origine, puis 32 millions
S.T.TA.S. : Société tunisienne des Transports automobiles du Sahel
C.F.T. : Compagnie Fermière tunisienne
C.G.T.T. : Confédération Générale des Travailleurs tunisiens. CLAUDE LIAUZU 2 172
Toutes sont liées à des groupes métropolitains ou étrangers comme Thomson-
Houston, Saint-Gobain, Compagnie franco-belge de matériel de chemin de fer, Comp
agnie française des tramways ...
Ces affaires sont de bonnes affaires; la Sfax-Gafsa réalise, selon Tunis Socialiste,
7 millions de bénéfices en 1931, 1 1 en 1932 et 17 en 1933. Le déficit même du ré
seau du Nord est source de profit, car les conventions d'affermage accordées à la
CF. T. lui permettent de socialiser les pertes qui sont couvertes par l'État. La charge
atteint dans les années de crise, en 1933 et 1938 par exemple, 70 millions de francs
et grève le budget du Protectorat. Pour les syndicats et la gauche, ce sont les tarifs
préférentiels octroyés aux entreprises minières et aux colons, ainsi que la concur
rence de la route qui expliquent ce gouffre. De fait, les transports automobiles
se développent entre les deux guerres, mais la C.F.T. possède une partie du capital
de ses rivales. Situation inadmissible pour le mouvement ouvrier, qui demande la na
tionalisation de ces services. Le «pantouflage» de plusieurs anciens directeurs des
Travaux Publics dans les grandes compagnies, après une retraite précoce, ne manque
pas de renforcer les suspicions â l'égard des relations entre le gouvernement et les
grands intérêts.
Au contraire, le Conseil d'administration, les hauts fonctionnaires, la droite et
les nationalistes tunisiens incriminent surtout les privilèges des travailleurs du rail,
trop nombreux et trop payés.
Le peuplement français, le souci d'écarter les Italiens d'activités qui, en cas de
guerre, ont une importance stratégique, imposent des primes nombreuses, dont le
tiers colonial institué en 1920. A propos des chemins de fer surgissent donc les pro
blèmes et les contradictions qui sont ceux même de la colonisation. Le plus remar
quable, aujourd'hui, est que les Tunisiens apparaissent comme étrangers, étrangers
aux décisions, aux investissements, aux profits, grands et petits, de la plus vaste
entreprise de leur pays.
/.- LES TRA VAILLEURS DU RAIL
1) Diversité nationale et professionnelle
Faute d'avoir pu consulter les archives d'exploitation de la C.F.T. et de la Sfax-
Gafsa, il est difficile d'analyser la composition nationale et professionnelle, de
suivre l'évolution des salaires et des conditions de travail de leurs employés. La pres
se, les archives du gouvernement tunisien et certains documents privés qui nous ont
été communiqués fournissent cependant des renseignements intéressants.
Les cheminots forment une des corporations les plus importantes dans les villes
et sont souvent aussi les seuls travailleurs modernes du «bled». Leur nombre aug
mente considérablement avec le développement du réseau.
En 1896, la Compagnie Bône-Guelma emploierait 603 Européens dont 463 CHEMINOTS EN TUNISIE 173
Français, mais elle ne fournit pas de chiffres sur la main-d'œuvre tunisienne (1'. A la
veille de la guerre, l'effectif des deux compagnies concessionnaires s'élève déjà â
5.000, il approche des 8.000 quelques années avant la crise, puis diminue en raison
des compressions, pour augmenter de nouveau sous le Front Populaire . La popul
ation ouvrière étant en gros évaluée â 100.000 en 1930, les cheminots en représen
tent 6,3 %.
Les deux tableaux ci-dessous indiquent leur répartition par nationalité et statut.
Personnel des chemins de fer en 1923 '
Italiens Maltais Divers Musulmans Israélites Non-Français Français
CF. T.
Définitifs 100 30 770 1325 50 2275 2660
- Temporaires 100 15 20 625 760 200
870 115 50 1950 50 3035 2860
Sfax-Gafsa 165 40 25 1030 500 10

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