Cohérence métaphorique, action verbale et action mentale - article ; n°1 ; vol.53, pg 209-228
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Description

Communications - Année 1991 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 209-228
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anne-Marie Diller
Cohérence métaphorique, action verbale et action mentale
In: Communications, 53, 1991. pp. 209-228.
Citer ce document / Cite this document :
Diller Anne-Marie. Cohérence métaphorique, action verbale et action mentale. In: Communications, 53, 1991. pp. 209-228.
doi : 10.3406/comm.1991.1807
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1991_num_53_1_1807Anne-Marie Diller
Cohérence métaphorique,
action verbale et action mentale
en français
Le problème lexical qui sera traité dans cette étude est le suivant :
comment des termes décrivant l'instrument ou le résultat d'une acti
vité mentale ou verbale peuvent-ils se trouver en collocation convent
ionnelle avec des descripteurs de caractéristiques sensorielles indé
pendantes de cette activité ? Nous parlons ainsi de pensées ameres,
àHdées mal digérées ou Aidées qui fermentent, de paroles aigres-
douces, de mots crus, de discussion de mauvais goût. Ces expressions
idiomatiques métaphorisantes sont-elles arbitraires ou reflètent-elles
une organisation conceptuelle de l'activité verbale et mentale ? La
sémantique cognitive permet d'apporter une réponse à ce type de
problème.
I. EXPRESSION MÉTAPHORIQUE
ET MÉTAPHORE CONCEPTUELLE
Un des premiers objets de la sémantique cognitive a été de faire
passer l'étude linguistique de la métaphore de la position pér
iphérique où elle se trouvait reléguée à une position centrale dans la
théorie sémantique. Il y a eu cependant, dans le début des années
quatre-vingt, une certaine confusion qui s'est instaurée au niveau du
terme même de « métaphore ». Ce terme fait partie des figures de
rhétorique classiques et, depuis Aristote, représente, au même titre
que la métonymie, la synecdoque et autres tropes, une des techniques
du langage poétique et du langage de la persuasion. Cela veut dire
que la métaphore, pour les rhétoriciens, se situe au niveau des mots.
On cherche donc généralement à établir une distinction entre les
métaphores poétiques, représentatives de l'originalité de leur auteur
209 Anne-Marie Diller
- le « ver de terre amoureux d'une étoile » de Hugo, par exemple -,
et les métaphores dites lexicales, un des exemples proposés par Le
Guern 1973 étant « être à la tête d'une organisation » (p. 85). La
langue de tous les jours est encombrée de ces expressions méta
phoriques que l'on ne reconnaît plus comme telles.
Pour les sémanticiens cognitivistes, les expressions métaphoriques,
poétiques ou ordinaires, ne sont que le reflet langagier d'un autre
type de phénomène que nous appellerons, tout au long de ce travail,
métaphore conceptuelle, et qui réside au niveau non plus des mots,
mais de la pensée. Un des buts de la sémantique cognitive est d'ana
lyser les réseaux métaphoriques conceptuels qui organisent notre sai
sie symbolique du monde dans un grand nombre de domaines.
H. DOMAINE-SOURCE
ET DOMAINE-CIBLE
Le terme de métaphore conceptuelle devient plus clair si nous
revenons à Pétymologie grecque du mot : metapherein, de meta (au-
delà) + pherein (porter). Le mouvement auquel fait référence l'éty-
mologie indique que des attributs appartenant à un certain domaine,
qu'on appellera domaine-source, vont être transportés dans un autre
domaine, appelé domaine-cible, dans le but de pouvoir conceptuali
ser ce domaine-cible, la compréhension métaphorique étant par
nature conceptuelle.
Quelques-unes des questions qui peuvent être posées dans le cadre
de la théorie sont les suivantes :
- Y a-t-il des concepts qui sont des candidats favoris pour le rôle
de domaine-cible ?
- Quelles sont les caractéristiques des concepts jouant le rôle de
domaine-source ?
- Un domaine-cible peut-il être structuré par plus d'un domaine-
source à la fois ?
- Un domaine-source peut-il servir à structurer différents
domaines-cibles ?
- Comment s'établissent les correspondances entre domaine-
source et domaine-cible ?
J'illustrerai ces différents problèmes par l'examen détaillé de quel
ques-unes des manières dont nous conceptualisons, en français, deux
domaines-cibles séparés, mais en liaison permanente : le domaine de
l'action verbale et celui de l'action mentale. Au niveau lexical, ces
210 Cohérence métaphorique, action verbale et action mentale
domaines sont représentés par des lexemes verbaux et nominaux.
Dans le cadre de ce travail, je choisirai surtout des lexemes nominaux
pour illustrer mon argumentation et je ne mentionnerai les verbes
d'acte de langage ou les verbes d'activité mentale que dans la mesure
où certaines structurations métaphoriques des concepts qu'ils
décrivent sont similaires à celles que nous observerons pour les
noms. Les substantifs dans le vocabulaire fondamental des activités
verbales et mentales représentent généralement à la fois l'instrument
et le résultat de ces activités. Ce sont mot et parole pour l'action ver
bale, idée et pensée pour l'action mentale. Dans mes exemples, ces
termes seront utilisés systématiquement, mais pas exclusivement.
D'autres substantifs, décrivant des aspects plus spécialisés de la
communication - phrase, discours, théorie, opinion, promesse, etc. -
serviront également à illustrer mon argumentation. Une dernière sec
tion traitera du problème de la cohérence métaphorique, interne et
externe, et évoquera, sans la détailler, l'analyse des verbes d'actes de
je.
m. UN DOMAINE-SOURCE :
LES ALIMENTS
7. Modèles eognitifs expérientieU et culturels.
Les schémas conceptuels qui organisent notre connaissance du
monde représentent des modèles eognitifs idéalisés (ICM) de certains
aspects de notre expérience. Ce terme d'ICM est utilisé par Lakoff
(1982, 1987) ', pour désigner des structures symboliques complexes.
Au niveau le plus fondamental, ces ICM sont composés de schémas-
images, comme par exemple celui qui nous permet d'expérimenter
notre corps à la fois comme un contenant, avec un dedans et un
dehors, et comme un objet se déplaçant dans ou hors de contenants,
c'est-à-dire d'espaces ayant des bornes. Il y a aussi le type d'ICM qui
concerne les correspondances métaphoriques entre un domaine-
source et un domaine-cible, qui sera développé dans la quatrième
partie de cette étude. D'une façon générale, ces modèles peuvent pro
venir soit de notre expérience directe des choses, soit de la vision que
nous impose culture au sujet de cette expérience 2.
Parmi les choses dont nous faisons l'expérience, il en est qui ne
sont pas comprises en leurs propres termes, mais en termes d'autres
domaines conceptuels. Un exemple classique est celui du temps.
211 Anne-Marie Diller
Nous savons que le concept de temps puise ses attributs dans d'autres
domaines conceptuels, en particulier dans le domaine de l'espace. Les
dimensions, le mouvement, l'orientation sont utilisés systématique
ment pour penser la durée et pour en parler. Nous disons ainsi :
(1) Le temps paraît bien long (dimension)
(2) Les heures passent (mouvement)
(3) Noël vient avant Pâques (orientation)3
Cependant, si l'espace est le domaine-source favori du temps4, un
autre domaine-source, celui de l'argent, reflète un modèle culturel
prédominant dans nos sociétés industrielles. D'après ce modèle, le
temps est, comme l'argent, gagné, perdu, économisé et gaspillé.
Alors qu'un concept comme celui de temps paraît être toujours
appréhendé en termes d'autres concepts, il existe un certain nombre
de concepts que nous semblons comprendre de façon non méta
phorique dans la mesure où ils sont liés à nos expériences routinières.
Le haut et le bas, le chaud et le froid, le jour et la nuit font partie de
ces domaines-sources productifs qui servent de base de correspon
dance à un grand nombre de domaines-cibles5.
Les aliments sont un de ces domaines dont nous faisons l'expé
rience dès la naissance de façon directe. Mais avons aussi un
schéma cognitif des aliments qui organise notre expérience al
imentaire à partir d'un certain nombre de dimensions naturelles. Ces
dimensions sont naturelles d

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